Dans quel état d’esprit, le syndicaliste que vous êtes, entame cette nouvelle année scolaire ?
Les rentrées se succèdent et se ressemblent. Déjà dans les années 70 en tant qu’élève , il n’y avait pas assez d’enseignant-es formé-es, pas assez d’écoles avec des enseignant-es mal payé-es. C’est malheureusement presque la même chose aujourd’hui.
Je nourris naïvement l’espoir que cette rentrée-ci sera meilleure que tous les autres pour les enseignant-es et les élèves.
L’éducation a été un des thèmes de la campagne pour les législatives. Le nouveau ministre de l’Education Pap Ndiaye a promis beaucoup de choses, notamment la revalorisation des salaires des enseignants.
J’imagine que vous êtes satisfait, vous le réclamez depuis longtemps ?
L’éducation ! Bien sûr un des thèmes de la campagne législatives , c’était juste pour nous donner l’impression qu’elle était une priorité !
Pour les annonces du MEN, non ! Je ne suis pas satisfait . Ça fait des années que les enseignants attendaient plus que 3,5 % de revalorisation du point d’indice. Avec l’inflation de plus de 10 % que connaît la France, le compte n’y est pas encore !
Il est prévu qu’il vienne à Mayotte. Quels sont les dossiers que vous aimeriez lui soumettre prioritairement ?
Nous souhaiterions aborder la question de la revoyure du taux d’indexation des salaires, la reprise en compte de l’ancienneté générale de service des ancien-nes instituteurs-trices de la CDM aujourd’hui devenus-es professeurs des écoles, la question des constructions scolaires et notre revendication sur leur nationalisation temporaire, la titularisation et la formations des contractuel-les( plus de 700 dans le premier degré et 2600 dans le second degré) , la question des violences et de l’insécurité dans et autour des établissements scolaires, la scolarisation de tous les enfants , le sureffectif dans les établissements scolaires…
Pap Ndiaye dans une interview à un quotidien national a parlé de “bien-être à l’école”, d’écologie et de lutte contre les inégalités. Cela vous parle vous enseignant mahorais, n’est-ce pas ?
Bien sûr , nos établissements sont surchargés et insuffisants, mal entretenus. Les enseignants travaillent dans des conditions déplorables et font de l’éducation de masse dans des écoles surchargées. Comment ne nous sentirons nous pas concernés par l’égalité de chance quant à Mayotte la règle reste l’inégalité, le mal être pour les équipes et les élèves.
Pour l’écologie, nos écoles se dégradent plus vite qu’ailleurs du fait des surcharges et des rotations. On y utilise deux fois plus d’eau que dans les écoles d’ailleurs. Aucune de notre établissement n’est équipé ne serait-ce que d’un système de récupération d’eau pluviale pour pallier le manque d’eau pendant la saison sèche… Notre Île est surpeuplée d’enfants en âge d’être scolarisés avec des écoles insuffisantes.
Pendant longtemps, vous, syndicats des enseignants, avez dénoncé le phénomène des classes surchargées. Où en est ce problème à Mayotte ?
Le recteur a parlé l’année dernière de déficit de plus de 800 salles de classe. Les constructions nouvelles se chiffrent à moins de 15 salles avec plus de 3000 élèves de plus dans le premier degré cette année. Je vous laisse le soin de conclure si le problème de surcharge a été réglé ! Cela justifie la demande du SNUIPP-FSU MAYOTTE de nationaliser temporairement les constructions scolaires pour normaliser les situations des constructions scolaires avant leur rétrocession aux communes.
Le problème de manque d’enseignants se pose désormais au niveau national aussi. A Mayotte, le rectorat fait appel à des enseignants contractuels. Est-ce que vous le conseillerez au ministre de l’Éducation ? Si « OUI » ou « NON », expliquez pourquoi.
A force de vouloir faire des économies sur le dos des fonctionnaires en général et sur celui des enseignant-es en particulier (blocage du point d’indice, coupe sur les primes ou indemnités dans les DOM…) et avec les coups portés à la fonction publique, on fait face aujourd’hui à une pénurie d’enseignant-es formé-es.
Mayotte le laboratoire connaît depuis quelques années déjà la contractualisation de masse avec plus de 50 % des effectifs enseignants dans le second degré et 25 % dans le premier degré, soit plus de 3000 contractuel-les.
Le phénomène qui touchait jusqu’il y quelques années Mayotte, la Seine Saint Denis et la Guyane se généralise et donne une claque à l’État et au MEN. Il est encore temps d’inverser la situation à moins que l’objectif de la France soit la contractualisation totale de la fonction publique et donc de l’éducation nationale.
Enfin, pensez-vous que l’école de la République remplit pleinement sa mission à Mayotte ?
Pour nous autres, enfants de parents analphabètes ou à peine scolarisés et malgré les difficultés de scolarisation des années 1970 à 1990, l’école a été synonyme d’ascenseur sociale à travers la transmission de savoirs. Elle nous a préparé-es à l’exercice de la citoyenneté, au savoir vivre ensemble et à l’exercice professionnelle, tout en visant l’égalité.
Aujourd’hui et à Mayotte, l’école ne semble pas être la priorité des services publics, la formation de nos citoyens de demain non plus par la même occasion. Nos enfants n’ont pas la préparation qui leur faut pour une vie épanouie (pas assez d’enseignant-es formé-es, pas assez d’écoles, pas traités égalitairement, pas de bonnes conditions de travail…)
Question subsidiaire : la violence est-elle toujours d’actualité dans le milieu scolaire?
La violence reste d’actualité ! Qu’elle ait lieu sur les routes , dans nos villes et villages ou en milieu scolaire et leurs abords, elle impacte toujours négativement sur la scolarisation de nos enfants à travers leur acheminement vers leurs établissements scolaires.