A l' occasion de la célébration du centenaire de la guerre 14 - 18, nous vous proposons un dossier sur Mayotte pendant la Seconde Guerre mondiale produit par Pascal MARSILLOUX, professeur d'Histoire pour le service éducatif des Archives départementales de Mayotte.
Les Mahorais et leurs voisins ont payé " l’impôt de sang" et ont contribué par leur courage et leur engagement à défendre la France et ses valeurs.
Daniel Zaidani, président du Conseil général au moment de la réalisation de ce dossier, soulignait, en préface, " qu'à l’heure où les derniers poilus ont disparu, il a paru essentiel de faire ce travail de mémoire et de se pencher sur la participation de Mayotte et des Mahorais à ce conflit meurtrier."
Daniel Zaidani précisait " qu' effet, comme l’ensemble des habitants de ce qui constituait alors l’empire colonial français, les Mahorais et leurs voisins ont payé l’impôt de sang et ont contribué par leur courage et leur engagement à défendre la France et ses valeurs..."
Qu'est-ce que peuvent trouver dans ce dossier les Mahorais et plus largement les Français qui ont à cœur d'honorer la mémoire des combattants ?
Pour une meilleure connaissance de ce pan de l’histoire de la France et de ses territoires ultramarins, les auteurs ont subdivisé ce dossier en 8 parties :
1 - Mayotte à la veille de la Grande Guerre : 1914, un changement de statut définitif
2 - L'administration à Mayotte : l' administration indigène, l’administration européenne
3- Le contexte géopolitique de Mayotte pendant la guerre : L'archipel des Comores, une province en proie aux troubles. 1914, la proclamation de Saïd Ali.
4 - Economie et société à Mayotte pendant la guerre : La tournée du chef de province et les comptes rendus de tournées en 1918
5 - La mobilisation et le départ à la guerre : Le voyage vers le front. Les vicissitudes d'un Français mobilisé à Mayotte
6 - Sur le front : Prise du fort de Douaumont et bataille du Mont-de-Choisy : le journal de marche et d'opérations du bataillon de tirailleurs somalis. Le retour des soldats.
7 - La mémoire de la guerre : Les anciens combattants de Mayotte. Les soldats de la province des Comores morts pour la France.
8 - Bibliographies, archives et ressources pédagogiques.
Nous faisons le choix , pour cet article, de reproduire, en 3 séries, des extraits des chapîtres 5,6,7 portant sur l'implication effective des Mahorais et leurs voisins dans le conflit mondial 14 - 18.
La mobilisation et le départ à la guerre par Pascal MARSILLOUX, professeur d’histoire.
MOBILISATION ET DEPART à la guerre ont lieu en plusieurs temps. Tout d' abord, ce sont les soldats français (citoyens français, appelés aussi "européens" dans les bataillons des tirailleurs) qui partent et sont mobilisés dans LES REGIMENTS DE MADAGASCAR (ET DEPENDANCES) DONT MAYOTTE ET LES COMORES DEPENDENT, à l’exemple du comptable de la plantation de Dapani qui fait un procès à son employeur M. touchais pour licenciement abusif. En appel, son patriotisme sera mal récompensé. (Lire dans le dossier : les vicissitudes d'un français mobilisé à Mayotte).
Les auteurs qui ont étudié les troupes malgaches qualifient la mobilisation de nonchalante car les colons n’ont pas envie de quitter leurs propriétés. Faire venir des soldats de Madagascar et dépendances, c'est aussi un gouffre financier dont le gouvernement français refuse la perspective, à l' opposé du volontarisme du gouverneur général Garbit.
Celui-ci souhaite à tout prix, dès 1914, mettre des troupes malgaches à la disposition des différents fronts, voire les envoyer combattre en Afrique, au Tanganyika ou au Cameroun. Ce ne sera pas le cas et le gouvernement d’Union sacrée pense que l’océan Indien est une zone secondaire du conflit.
Dans le même temps, la propagande du gouverneur général provoque un élan d'enthousiasme et de patriotisme parmi les volontaires de Madagascar. En fait, Garbit profite de la mobilisation pour accroître son emprise sur la colonie et parfaire sa politique répressive, qui culmine avec l’affaire VVS qui signifie Vy, Valo, Sakelika, expression qui peut être traduite par pierre, feu et ramification.
( Le but de ce mouvement était de promouvoir le développement moral, social, culturel, politique du peuple malgache. Il s'agissait surtout de groupes de discussion entre étudiants et intellectuels. Le gouverneur général de Madagascar en fait une affaire de complot en 1916 et s'en sert d’exemple de répression politique pour dissuader les velléités nationalistes. L'arbitraire des peines d'emprisonnements provoque un choc durable dans l’esprit des élites malgaches du début du XXe siècle et ce jusqu'à l'indépendance.)
Et le gouverneur général Garbit continue son œuvre. L'enthousiasme retombant peu à peu, il met en place une coûteuse politique de recrutement : une prime de 200 francs est accordée à chaque recrue, ce qui provoque un afflux de soldats des hauts plateaux de Madagascar mais se révèle un échec parmi les côtiers qui ne répondent pas à l’appel.
Les chefs de villages sont incités à recruter toujours plus d'hommes. Les autorités coloniales leur permettent d’offrir des cadeaux de plus en plus considérables ou les incitent à des méthodes plus coercitives. La politique aboutit au recrutement de 42 588 soldats à Madagascar et dépendances. Les pertes considérables provoquées par la guerre à la fin de 1914 et au début de 1915 encouragent le ministère de la guerre à accélérer (le recrutement de tirailleurs dans l’océan Indien comme dans le reste de l’Afrique.
La " Force Noire" voulue par le Général Mangin en 1910 existe alors réellement.
En ce qui concerne le recrutement des Comoriens, des câblogrammes (télégrammes) conservés aux Archives de la République malgache nous renseignent sur les hésitations du ministère de la guerre. Le 1 er décembre 1914, la possibilité de la mise en place d'un bataillon malgache pour combattre en Afrique de l’est envisagée est mais l’attention du cabinet militaire du gouverneur général est attirée sur l’inconvénient possible que présenterait l’emploi de Comoriens contre des indigènes de Zanzibar voire contre des compatriotes incorporés à l’armée allemande: en effet, des Comoriens ont émigré vers le Tanganyika et certains ont pu être recrutés par l’armée allemande. Finalement aucun corps expéditionnaire n'est levé vers l’Afrique à partir de Madagascar.....
A SUIVRE
Emmanuel TUSEVO DIASAMVU