Mort d'un bébé à l'hôpital : Le CHM encore ciblé par une plainte

CHM
Les jours se suivent et se ressemblent. Après une affaire similaire le lundi 24 octobre, le CHM est de nouveau visé par une plainte pour homicide involontaire suite au décès d'un nourrisson. Les faits se sont déroulés en juillet dernier. Le père du bébé a décidé de se confier.

L'ambiance est encore lourde chez Samuel Mbodji. Au moment de nous parler, le policier aux frontières décide d'éloigner ses enfants pour leur éviter le traumatisme des derniers événements. De même que sa femme, encore touchée psychologiquement par le décès de leur nourrisson quelques mois plus tôt. Pour eux cette mort est liée à une série de mauvaises décisions et de négligences de l'hôpital.Tout commence le 28 juin 2022. Leur nouveau-né, âgé alors de 4 mois, est fortement enrhumé. Il a des difficultés à respirer. A l'hôpital de Pamandzi, le docteur qui les reçoit ne détecte rien d'autre qu'un rhume. Mais déjà un premier élément interpelle Mme Mbodji.

Maternité

D'après ma femme, le médecin n'a effectué aucune analyse sur l'enfant, il a donné son verdict à vue d'œil et a juste recommandé de déboucher le nez de l'enfant via un sérum physiologique.

Perplexe, la mère rentre quand-même à la maison pour suivre les instructions qu'on lui a donné. Mais, l'état du bébé s'aggrave.Le 1er juillet à 10h, il a encore plus de mal à respirer et ne mange plus. Une ambulance est alors appelée via le "15". Mais à en croire le père, personne n'aurait répondu. Samuel, toujours au travail est alerté par sa femme. Ils appellent un taxi pour les emmener aux urgences de Pamandzi une seconde fois.

Hôpital de petite terre

La mère et l'enfant sont obligés de patienter jusqu'à 12h avant d'être vus par le médecin. Ce dernier l'oriente immédiatement vers le CHM de Mamoudzou :

le docteur a dit qu'il n'y avait pas d'urgence pédiatrique à Pamandzi et qu'il fallait se rendre à Mamoudzou au plus vite. Une ambulance a été appelée

Mais cette dernière ne les récupère que 3 heures plus tard.  Ils arrivent aux urgences pédiatriques à 15h45.

Urgences / CHM

9 heures d'attente pour un bébé qui n'arrive ni à respirer ni à avaler.

Là aussi, ils devront patienter jusqu'à 17h à l'extérieur avant de rentrer pour attendre à nouveau à l'intérieur. Trop de monde. À 19h, le nouveau-né n'avait toujours pas été reçu.C'est un médecin qui passait par là qui est alerté par les difficultés respiratoires de l'enfant. Il prévient ses collègues, qui arrivent au pas de course. Une phrase hante toujours la famille MBODJI.

"Un des médecins nous a dit que la situation était sous contrôle. Notre petite avait enfin été mise sous assistance respiratoire pour la première fois de la journée. Nous étions rassurés".

Mais durant ces 9 heures d'attente, le nourrisson n'avait rien pu avaler.  Une infirmière est alors chargée de nourrir l'enfant. 

L'infirmière lui a placé une sonde pour la nourrir, ça s'est très mal passé car l'enfant s'étouffait.  Ma femme a commencé à pousser des cris de détresse. Les médecins ont accouru. Des remontrances ont été émises contre l'infirmière pendant que notre petite fille était plongée dans un coma artificiel. À ce moment, je savais que c'était la fin

L'enfant sera déclaré mort par arrêt cardiaque.

Madame MBODJI, entrain de ranger les dernières affaires de la petite Sophie

Aujourd’hui Samuel veut des réponses. Il a demandé une autopsie avant de porter plainte contre le CHM pour homicide involontaire et non-assistance à personne en danger. Une décision aussi motivée par ce qui s'est passé après le décès.

Ils ont renvoyé ma femme toute seule à la maison sans aucun accompagnement psychologique.  Elle était pourtant effondrée. Elle aurait pu se jeter de la barge ou pire encore. Ce traitement est vraiment inhumain.

Le CHM  n'a pas donné suite à nos sollicitations.

Le CHM

Une enquête qui n'avance pas

Quatre mois plus tard aucun élément de réponse n'a été apporté à la famille. Selon le policier l'enquête patine. Samuel a pourtant plusieurs fois sollicité l'hôpital, les enquêteurs et le procureur. Selon lui, la fonctionnaire en charge du dossier se dit débordée.

Quant à l'hôpital silence radio. Une enquête interne est pourtant systématiquement faite lors d'événements similaires. Les MBODJI craignent qu'on essaye d'étouffer l'affaire. Selon le procureur l'enquête est en cours.

Yann Le Bris, procureur de la République près le tribunal judiciaire de Mamoudzou

Pour Yann le Bris, il s'agit du délai normal de la procédure.  Sachant qu'il faut saisir les dossiers médicaux et entendre toutes les personnes qui sont intervenues dans ce dossier. Ce qui pourrait encore plus ralentir l'enquête est le turn-over au CHM. 

Si certains soignants ont quitté le territoire, il faudra les retrouver et les auditionner là où ils se trouvent

Yann le Bris

Tout ceci démontre bien qu'à Mayotte, même pour un policier le chemin de la justice est long et difficile.