Plan d’urgence eau Mayotte : où en est l’usine de dessalement ?

Depuis la fin du mois d’octobre 2019, les 4 grandes communes de Mayotte connaissent des perturbations sur les réseaux de distribution d’eau. Pourtant un plan d’urgence signé avec l’Etat devait préserver l’île d’une nouvelle crise. 

Fini les restrictions ! avait annoncé triomphant Ericka Bareigts alors ministre des outre-mer  suite à la signature du plan d’urgence « eau » pour lutter contre la pénurie d’eau à Mayotte le 27 février 2017.  

Des investissements pour faire face à la crise de l’eau

Rotations de tankers depuis la Réunion, lancement de forages, construction d’une usine de dessalement et création d’une troisième retenue collinaire étaient notamment au programme…  
Mais 3 ans plus tard, alors que la fin de la saison sèche est annoncée… les premières pluies tardent à venir… Les habitants de Petite terre, Mamoudzou et Koungou subissent régulièrement des coupures d’eau rappelant la crise d’eau de 2017. Pas d’inquiétude répond la préfecture, c’est la conséquence de la mise en œuvre du plan d’urgence, officiellement les travaux d’interconnexion des deux retenues collinaires (Dzoumogné et Combani) pour permettre d’alimenter les unités de production d’eau potable de Bouyouni et de l’Ouroveni en sont les causes. Sa mise en service est prévue pour ce mois novembre.
 

Une nouvelle usine de dessalement taillée sur mesure par l’Etat 

Mais c’est un autre  investissement, la deuxième usine de dessalement, prévu dans le plan d’urgence qui interroge le député Mansour Kamardine, il dénonce même un scandale… et l’a fait connaitre au ministre des outre-mer ce mercredi 6 novembre  devant l’ensemble de la représentation nationale à l’occasion de l’examen de la mission outremer du projet de budget 2020 

L’État a décidé de dire au syndicat des eaux (SIEAM), voilà l’organisme avec qui vous allez signer et notamment vous faire une délégation de maîtrise d’ouvrage et vous signez parce qu’il y a urgence… sans appel d’offre. Ensuite on lui a dit,  vous signez la subvention notamment des fonds européens qui n’a même pas transité par le budget du syndicat des eaux mais est allé directement au maître d’ouvrage délégué… avec l’idée que cette usine de dessalement produirait 5300 m³ par jour. Les travaux devaient être réceptionnés il y a un an et demi, l’opération a été conduit de bout en bout par l’État (choix de l’opérateur, financement, commande, paiement, suivi d’exécution). Aujourd’hui, l’argent a été payé mais il n’y y’a pas une seule goutte d’eau qui sort de cette usine et les Mahorais vont avoir soifs puisque les indicateurs prévoient une crise d’eau s’il ne pleut pas dans les prochains jours 

 

Une nouvelle usine, mais déjà hors service

Un agent de la SMAE sous couvert d’anonymat nous explique l’origine du problème, dû selon lui à une mauvaise conception de l’usine qui n’a pas d’ouvrage de prétraitement d’eau brute 

 8 millions d’euros ont bien été investis dans cette nouvelle usine de dessalement en petite terre, mais ils ont échoué dans sa mise en route, peut-être par manque d’ingénierie (ou de compétence). Il fallait un prétraitement de l’eau brute avant d’entrer dans l’osmoseur pour séparer l’eau en deux. A l’arrivée, on devait trouver du perméat (eau déminéralisée) d’un côté et du concentrât (eau saumurée) de l’autre.  

Au final la nouvelle usine n’est pas fonctionnelle, en envoyant de l’eau brute chargée de MES, matières en suspension dans les pompes. L’usine est donc hors service. Pourtant avec cette unité, la petite terre aurait pu devenir indépendante de la grande terre en eau traitée (plus de 5000 m3 espérée). Un problème ne venant pas seul, l’ancienne usine connaîtra un incendie le 26 août 2018, et la conséquence est qu’une partie de l’usine est  défaillante, sur les quatre lignes existantes seules deux fonctionnent car des membranes s’encrassent régulièrement.
 

Une consommation croissante en eau 

Pourtant depuis 1 an, la SMAE compte 2000 abonnés de plus. L’agent de la SMAE poursuit

si on dit naïvement que chacun, de ces 2000 nouveaux abonnés, utilise 1m3 jour ça nous fait 2000 m3,  le tout encore une fois sans avoir augmenté ni les capacités de production ni celles de stockage

Une des grosses difficultés actuelle de l’île est liée à ces difficultés de stockage d’eau…la construction de la nouvelle usine de dessalement qui devait produire 5300 m3 d’eau n’a pas été accompagnée de la conception de réservoir de stockage. Petite terre dépend donc toujours de l’ancien réservoir saturé à 2000 m3.
Or, les nappes phréatiques ne produisent pas assez, le forage de Kwalé ne produit quasiment plus, les autres forages du plan d’urgence à Acoua, Mhogoni, Majimbini, Dapani, Goulou et Ouroveni ne peuvent pas répondre aux grands besoins de la population. Pourtant aujourd’hui, le niveau des retenues collinaires est déjà de 10 % en dessous de ce qu’il était à la même période l’an dernier. 
 

Une nouvelle crise de l’eau se profile cette année, elle sera probablement inévitable 

Un nouveau plan d’urgence devra à nouveau répondre aux attentes des Mahorais qui s’interrogent sur la responsabilité des autorités qui ont géré la crise de 2017, et avaient assuré s’atteler pour éviter une nouvelle crise de l’eau.