Regard sur Mayotte: « Plus les Mahoraises auront de l’instruction, plus elles seront émancipées et moins elles accepteront la polygamie et toutes les autres formes de soumission .»

Nsame Nfon'a Mouyenga et son épouse, en partance pour l'université de la Guyane
A l’occasion du pot de fin d’année organisé au centre universitaire de formation et de recherche de Mayotte(CUFR),Emmanuel TUSEVO a recueilli les impressions de NSAME NFON’A Mouyenga, enseignant en économie et gestion de la jeune université créée en 2011.
Emmanuel TUSEVO - DIASAMVU :  « Qui êtes vous NSAME NFONA Mouyenga connu aussi sous le pseudonyme de BARON ? »

NSAME NFONA Mouyenga : Je suis enseignant d’économie et gestion (option comptabilité et finance).
J’enseigne depuis 1989.J’ai commencé ma carrière comme vacataire et contractuel dans de nombreux établissements d’enseignement supérieur et lycées dans les académies de CLERMONT FERRAND et LYON .Après avoir été formé au centre de préparation à l’enseignement de la gestion de l’université de GRENOBLE et à l’IUFM de Chamalières(Université d’AUVERGNE) , j’ai été reçu au CAPET(certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement technologique) d’économie et gestion comptable et admissible pour la deuxième fois en 1994 au concours d’agrégation de la même spécialité. Lors de ma titularisation en 1994, j’avais donc le grade de professeur certifié Biadmissible à l’agrégation. J’ai par la suite été promu professeur certifié Hors classe et récemment professeur certifié de classe exceptionnelle.

J’ai une formation universitaire d’économiste : Maîtrise de sc. économiques (CLERMONT- FD) et DEA : Monnaie, Finance et économie internationale (LYON 2); complétée par une formation en comptabilité de haut niveau :
Je suis diplômé d’études supérieures de comptabilité et de gestion(DSCG), titre conférant l’habilitation à effectuer le stage d’expertise comptable.
A l’université de Mayotte je me suis spécialement occupé des enseignements de Comptabilité, Contrôle de gestion, Finance et de Management des entreprises.

Dans les échanges au cours de ce pot de partage, vous avez déclaré, je cite : « Sans éducation point de salut pour la femme Mahoraise » ?

NSAME Mouyenga : Nous vivons dans des sociétés modernes et Mayotte est un département d’outre Mer. Les femmes doivent avoir un bon niveau d’éducation pour occuper des emplois, avoir des responsabilités et relever les nombreux défis auxquels Mayotte est confronté. C’est aussi le niveau d’éducation qui a permis l’émancipation de la femme dans toutes les sociétés du monde. L’éducation permet à la femme d’avoir un emploi et donc un revenu ; ce qui lui permet d’être autonome financièrement et par conséquent moins dépendante de son mari.

Vous avez également ajouté : « Plus les Mahoraises auront de l’instruction, moins elles accepteront la polygamie ?

NSAME Mouyenga : Je pense que c’est une évolution ineluctable.Il y’a une corrélation vérifiable dans toutes les sociétés entre la hausse du niveau d’instruction des femmes et la baisse de la polygamie.
De g à d : Aurélien SIRI, directeur du CUFR , Baron ,

E.T.D: « Que pensez-vous de la rencontre entre la culture occidentale et la culture Mahoraise ? »

NSAME Mouyenga : Mayotte doit faire la synthèse,  prendre ce qu’il y’a de positif dans la culture française et rejeter ce qu’il y a de négatif dans sa propre culture, je veux dire les traditions hostiles au progrès et elles sont nombreuses ici. En fait, il s’agit de s’ouvrir à un monde de plus en plus globalisé sans se renier. C’est ce que SENGHOR appelait le métissage culturel.

E.T.D : « Que retenez-vous de votre séjour à Mayotte ? »

NSAME Mouyenga : J’ai appris à comprendre davantage la société Mahoraise et la religion musulmane. Les musulmans de Mayotte sont des gens paisibles et je pense que la France doit profiter de sa présence ici pour approfondir sa compréhension de la religion musulmane.
De nombreuses problématiques liées à l’immigration des îles voisines se posent en effet ici. Il convient de transformer cette immigration en opportunité pour Mayotte. Cela passe absolument par la formation ; sachant que les immigrés bien formés travailleront tôt ou tard pour le développement de Mayotte, c’est-à-dire de la France.

E.T.D : « Comment trouvez-vous les étudiants Mahorais ? »

NSAME Mouyenga :
 A l’université de Mayotte, nous avons des brillants étudiants pouvant rivaliser avec les meilleurs des grandes universités de la métropole. Les étudiants de Mayotte bénéficient également d’un meilleur encadrement grâce aux effectifs restreints et donc de la proximité des enseignants. Néanmoins, il ne suffit pas aux enseignants d’assurer les meilleurs cours pour transformer un étudiant ; il faut également apprendre aux étudiants d’autres éléments essentiels : La CONFIANCE EN SOI ; la RIGUEUR intellectuelle et L’AMBITION .Ce sont les trois valeurs que j’ai essayées d’inculquer à mes étudiants en dehors de mes cours d’économie et gestion. Ma popularité à l’université de Mayotte est certainement due à cela.

E.T.D: « Quels ont été vos rapports avec votre hiérarchie et vos collègues ? »

NSAME Mouyenga : En ce qui concerne ma hiérarchie, j’avoue que j’ai une forte personnalité. Je ne suis donc pas quelqu’un facile à manager. Je pense au demeurant que mes chefs ont été très corrects envers moi. Ils ont toujours su faire la part des choses entre ma valeur pédagogique et mon comportement parfois un peu volcanique. Je leur suis donc infiniment reconnaissant.
Quant aux collègues, j’ai observé moins de rivalités ici qu’ailleurs. L’intérêt des étudiants primait toujours sur nos egos personnels.

E.T.D : Regard sur Mayotte : « Il paraît que vous êtes aussi BARON et SORCIER.»

NSAME Mouyenga : 
Pour le titre de BARON, il faut plutôt considérer cela comme un sobriquet. Je n’appartiens pas du tout à la Noblesse. Mon père était un prédicateur et ma mère une femme au foyer. Rien à voir avec la Noblesse ou la Bourgeoisie. Mes origines sont plutôt très modestes. Le titre de BARON m’a été décerné en GUYANE en 2010 par les amis du couple. Le couple NSAME était locataire d’une villa avec 400m2 de terrain dans un quartier bourgeois de Montjoly (Guyane) .Les weekend end nous recevions souvent beaucoup d’amis à la manière des barons, c’ est l’origine du sobriquet. Depuis tous les amis originaires du CAMEROUN m’appellent BARON et j’observe que ce nom s’est aussi imposé à l’université de Mayotte.

S’agissant du titre de sorcier, c’est juste une plaisanterie. Je mets depuis quelques temps de larges chapeaux et des accoutrements qui ressemblent à ceux des détenteurs de forces mystiques ; mais c’est juste « un look ».Non, je ne suis pas un sorcier mais plutôt un rationaliste, un cartésien et je dirais un Kantien. Quelqu’un qui a compris qu’il existe le monde des phénomènes et le monde des noumènes et qui essaye de faire la synthèse entre les deux. J’avoue malheureusement que j’ai parfois payé cher cette plaisanterie, puisque dans un avion de CORSAIR en décembre 2014, j’ai été arrêté et menotté à l’atterrissage au motif que j’étais sorcier et peut être terroriste. Deux heures d’audition à la police de l’air et des frontières ont suivi avant que je ne sois libéré.

E.T.D : « Quelle est donc la prochaine destination du BARON ? »

NSAME Mouyenga : J’ai été recruté par l’université de Guyane ; ma carrière va donc se poursuivre et certainement se terminer en Amérique du SUD.C’est une région du monde que je connais. J’avais déjà travaillé là-bas de 2004 à 2011.

REPORTAGE : EMMANUEL TUSEVO - DIASAMVU
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