Je suis aveugle, je n’ai pas demandé à l’être. Je sais que je suis aveugle. C’est depuis que je suis né
Debout, les lèvres contre le micro, sur fond de zouk, des paroles simples et touchantes. Il chante sa vie. D’un « moins », il fait un « plus ». Une force de création. Une gaîté qui l’entraîne… et entraîne les autres.
En projet, le tournage d’un « clip » sur cette chanson qui depuis deux semaines tient la première place dans le « Top Mayotte » de l’émission-vedette de la radio de Mayotte 1ère.
J’ai besoin de réaliser mes rêves, de montrer aux gens que ce n’est pas parce qu’on est handicapé qu’on ne peut pas réaliser ses projets .
« Handicapé », le mot provoque la réaction d’Assimini, sa maman, assise à ses côtés :
Moi je ne te considère pas comme un handicapé. Tu es un enfant normal. Sauf que tu ne vois pas. Mais tu as ta façon de voir les choses. Voilà !
Samuel précise :
Moi je veux dire handicapé dans le sens « déficient visuel, quoi ! ». « Voilà !
conclut sa mère avec un grand sourire, déclenchant celui de son fils.Il te manque la vue mais tu vois à ta façon ! Tu es mon enfant, je t’aime comme tu es
L’amour contre la bêtise
Un échange qui renvoie à son enfance. Quand des voisins, des connaissances disaient à sa mère –devant lui- « c’est un enfant de malheur. » Terrible. Quand certaines femmes ont arrêté de fréquenter la famille par peur de « contagion du handicap » le jour où elles tomberaient enceintes.
La vie sociale de recroqueville alors autour des plus proches. Crainte de sortir. Crainte de lui faire subir l’hostilité. La bêtise.
L’amour de ses parents l’accompagne depuis sa petite enfance. Une lumière dans sa nuit. Qui a façonné sa personnalité.
« Depuis l’âge de un an et demi, deux ans –comme il ne voit pas- il parlait beaucoup. Il se mettait à danser, chanter parce qu’il ne voyait pas. » se souvient sa maman. Samuel a aujourd’hui 22 ans. Un petit air de grand ourson sympathique qui rythme d’un déhanchement ses chansons. Il est l’aîné de trois enfants. Une petite sœur et un petit frère.
La passion des musiques
La Réunion, Mayotte, Paris il a vécu son enfance de l’océan indien à la métropole. Un côté cosmopolite qui explique probablement son goût de rythmes et de mélodies variées. Avec un atout majeur : une mémoire hors-norme. « J’ai grandi avec la musique. J’avais un surnom donné par tous mes amis, c’était le « juke box » ! J’avais du mal à sortir de la musique . Quand je suis à fond dans la musique je ne fais pas attention au monde ».
RnB, Rap, variétés, classique, il a tout enregistré… dans sa tête. Un réservoir inépuisable d’inspiration pour aujourd’hui et demain.
Incollable sur les émissions de variété comme sur l’actualité. A la télé et en radio. Celles du service Public… mais aussi celles des concurrents : Freedom à la Réunion, Daphné Burki (sa chouchou!) sur Europe 1. Des modèles qu’il enrichit avec ses propres expériences musicales.
Une passion qui –progressivement- le fait quitter le chemin de la démarche privée pour le conduire vers celui de la profession. « Ca va le devenir. J’espère que je pourrai aller loin. C’est pas parce qu’on est aveugle qu’on peut pas montrer des atouts (…) Je ne parle pas en tant qu’aveugle mais en tant qu’être humain je peux avoir des atouts et montrer ceux qui ne croyaient pas en moi que je peux construire un futur mieux que ce que j’avais auparavant ».
Toujours cette foi en lui. Née de l’amour des siens.
« Je vis ma vie sans aucun regret »
Hachim, son beau-père accompagne cette carrière naissante. « L’idée de faire chanter Samuel nous est venue l’année dernière » explique-t-il à la console-son dans une des pièces de la maison transformée en studio.
Une tournée de sensibilisation au handicap de la MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées) sera le déclic.
Tournée retransmise à la radio, à la télé. Sur scène à Sada, Acoua, Labattoir et sur d’autres scènes de Mayotte… il rencontre un public, son public… et le succès.
Je vis ma vie sans aucun regret. La musique c’est mon petit secret ; ça c’est moi, oui c’est moi !
chante-t-il dans son CD 1er au «Top Mayotte « Je n’ai pas demandé à l’être ».
Un secret de moins en moins secret avec le succès.
ça… c’est lui !