Umoja se mobilise pour les comoriens « détenus en Libye »

L’association Umoja se mobilise pour les comoriens « détenus en Libye ». Elle a saisi le ministère des affaires étrangères comorien, qui dit être en étroite collaboration avec l’Organisation Internationale pour les Migrations. 
 
Des comoriens en Libye. Des comoriens qui veulent se rendre en Europe, se retrouvent pris en otage dans ce pays du Maghreb, ravagé par les luttes d’influence depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011. Cnn révélait au monde entier en novembre 2017 que des migrants étaient vendus aux enchères sur «des marchés aux esclaves». Parmi eux, des comoriens sans doute. En décembre de la même année, un charter affrété par l’Organisation Internationale pour les Migrations, agence onusienne, a rapatrié près de 100 comoriens.
Mais ce n’est à l’évidence pas fini. Umoja, une association comorienne créée en 2014 pour venir en aide aux migrants issus de l’archipel se trouvant sur le continent africain, a tenu une conférence de presse en décembre 2019 pour alerter sur la présence de nombreux comoriens détenus dans les geôles libyennes, près de 100, selon Radio France Internationale. Salim Abdou, président de Umoja accuse nommément « des comoriens d’être à l’origine des malheurs d’autres compatriotes, qui les livrent à des passeurs sans foi ni loi ». Des comoriens, en clair, qui sont impliqués dans ce trafic d’êtres humains. 
 

« Le morcellement de la Libye complique la recherche  des comoriens détenus là-bas »

Interrogé sur le nombre de ressortissants de l’Union des Comores se trouvant en Libye, il a indiqué ne pas pouvoir donner de chiffre exact. « Aujourd’hui encore, (le 06 janvier 2020, ndlr), j’ai reçu des nouvelles photos que j’ai remises au ministère des affaires étrangères », devait-il révéler. Au moment où nous l’interrogions, il était en compagnie de nombreux parents dont les enfants se trouvent en Libye. Du moins espèrent-ils que leurs enfants sont encore en vie. 
Le ministre des affaires étrangères, Souef Mohamed El-Amine, déclare qu’il ne peut pas affirmer avec certitude qu’aucun comorien n’est retenu contre son gré à Tripoli (la capitale libyenne, ndlr) ou dans tout autre partie du territoire. « Nous travaillons en étroite collaboration avec l’Oim, il y a un mécanisme qui permet d’affréter des charters pour le rapatriement des migrants. Il y a moins d’une semaine, des agents de l’agence onusienne ont effectué une visite à Zouara (ville libyenne, ndlr) avec le chargé d’affaires de notre ambassade à Tripoli afin de voir si éventuellement il y aurait des comoriens et ils n’en ont trouvé aucun », a-t-il expliqué. 
Cependant, le patron de la diplomatie comorienne concède : « nous ne pouvons être surs à 100% qu’aucun comorien ne s’y trouve puisque plusieurs territoires sont gérés par des roitelets ou alors des milices, qui sont difficiles d’accès, nous continuons quand même les recherches et si nous constatons la présence de nos compatriotes là-bas, nous mettrons en place leur rapatriement »
 

Versement d’une rançon de 5500 euros contre une libération

Des comoriens livrés à des milices, des chefs de bandes sans états d’âme. A l’instar de Mohamed Youssouf, rentré à Moroni en janvier 2018 par un vol affrété par l’Oim.  « J’ai quitté les Comores en janvier 2017 dans le but de me rendre en Europe. Je suis parti en Tanzanie et là, j’ai rejoint le Soudan. Du Soudan, j’ai sillonné le désert pour rejoindre la Libye avec 2 autres comoriens », a-t-il relaté sobrement. A partir de là, tout se corse. « Des libyens nous demandent de payer une rançon si vous voulions retrouver notre liberté, nous leur avons répondu que nous avions déjà donné de l’argent à des passeurs au Soudan et que la somme suffisait pour que nous rejoignions l’Europe ». C’est là qu’ils comprennent qu’ils sont en réalité entre les mains de chefs de bande. « Ils nous ont sèchement fait savoir qu’ils n’avaient rien à voir avec les soudanais, qu’ils nous retenaient jusqu’à l’acquittement de 5500 euros », a-t-il dit. 5500 euros par tête. 6 comoriens étaient retenus par les bandits. « Nous avons mis du temps à alerter nos familles, conscients de l’importance de la somme ; et c’est là que nous avons commencé à subir violences, privations de nourriture, tortures ». Il raconte qu’ils ont été battus avec des tuyaux. « Un jour, nous avons eu les pieds et les mains liés, nos geôliers nous ont filmés car ils voulaient que la vidéo parvienne à nos familles pour leur mettre la pression, nous avons dû négocier pour qu’ils ne le fassent pas, sûrs que nos proches auraient du mal à résister à la vue de telles atrocités ». De guerre lasse, ils ont fini par contacter leurs parents et autres proches. Plus de 4 mois de détention dans des conditions inhumaines, terrifiantes, traumatisantes. 
Un autre père de famille a reçu il y a 5 mois une photo de sa fille de 25 ans en tenue de combat. Mmadi Ahmada Ipvesi n’a plus de nouvelles d’elles depuis plusieurs années. «  Je l’ai envoyée en Egypte en 2016  afin qu’elle y poursuive ses études ; nous n’étions pas au courant de ce qui s’est passé par la suite. Nous sommes par contre, à peu près sûrs qu’elle a été enrôlée dans une milice libyenne , contre son gré, je l’imagine bien », devait-il déplorer. Lui aussi espère retrouver sa fille. Tous comme tous les autres.