"Tout ça, c'est foutu. Il n'y a rien qui reste, le vent a tout arraché", se désole Saditi Mohamadi. Il était le plus gros exploitant de vanille à Mayotte avec une production de 350 kg de vanille verte par an. Sur sa parcelle de 2.000 mètres carrés, près de Dzoumogné dans le nord de l'île, il ne reste que quelques gousses encore accrochées aux branches après le passage du cyclone Chido. Elles ont depuis été brûlées par le soleil, les arbres qui les abritaient ont également perdu leur feuillage.
"Même moi je suis foutu, je n'ai pas d'autre travail, je ne fais que travailler au champ", admet l'agriculteur. Il ne compte pas en revanche lâcher l'affaire : il va récupérer des bouts de tiges pour essayer de relancer sa production, même si cela prendra entre deux et cinq ans selon leur taille. Le professionnel ne compte pas abandonner la vanille, par solidarité pour le reste de la filière. "Je n'ai pas le choix, on est tous dans la merde, je ne peux pas baisser les bras", résume Saditi.
Il ne connaît pas encore l'état de son autre parcelle, toujours bloquée par la végétation. Ce vendredi matin, l'association Saveurs et Senteurs, qui commercialise la vanille de 48 producteurs, est venue lui livrer l'une des tronçonneuses offertes par le syndicat des Jeunes agriculteurs. L'équipement fonctionne, mais il s'en occupera un autre jour. Il doit d'abord descendre dans le centre, pour acheter du riz à Combani.
Plus loin, à Bouyouni, les deux salariés de Saveurs et Senteurs se dirigent vers le domicile d'un autre exploitant, sans assurance de l'y trouver, faute de réseau mobile. Ils finissent par le croiser dans une rue et lui distribuer sa tronçonneuse. Un rendez-vous est pris pour un autre jour, pour l'aider à dégager la voie vers son exploitation, s'il trouve d'ici là une tractopelle. "C'est bien ça, tout seul je ne peux pas y arriver", répond le producteur.
"On a besoin d'aide pour vivre"
La coordinatrice de la structure lui conseille de rassembler les gousses restantes sous des feuilles, pour essayer de les préserver tant bien que mal du soleil. Un conseil qu'elle tient des producteurs guadeloupéens et réunionnais qui ont déjà fait l'expérience d'un cyclone. L'association Saveurs et Senteurs les aide également à faire leurs démarches administratives pour signaler leurs pertes. "Le président a dit qu'il n'oublierait pas les agriculteurs", explique Marcel. "On a besoin d'aide pour vivre, mais je ne suis pas très confiant."
"C'est difficile de se projeter", reconnaît Julie Moutet, la coordinatrice de l'association. "On sait qu'on l'a déjà fait parce qu'on est parti quasiment de rien : en 2018, on collectait 65 kg de vanille, cette année on en avait 1,7 tonne." Et pourtant, dans une Mayotte encore défigurée par les rafales de Chido, ça ne sera pas si simple. "C'est encore pire que si on recommençait de zéro, il n'y a plus d'arbre, de tuteur, les lignes sont abîmées", énumère-t-elle.
Il y a à peine un mois, elle remettait tout sourire des prix à ses exploitants. C'était lors de la fête de la vanille, une quatrième édition pour célébrer la relance de la filière et sa professionnalisation. L'association espérait dépasser la barre des deux tonnes de vanille produites en 2025.