La nouvelle est tombée ce mercredi 30 octobre : une délégation mahoraise s'est bien rendue aux Comores, composée du président de l'association des maires de Mayotte, Madi Madi Souf, son directeur de cabinet à la mairie de Pamandzi, le grand cadi de Mayotte, et trois de ses collaborateurs. C'était en septembre sur invitation du président de l'Union des Comores pour célébrer la fête du Maoulida.
La rumeur circulait déjà sur les réseaux sociaux à cette période. Dans une vidéo, des dignitaires comoriens saluaient la présence de maires mahorais à la fête du Maoulida aux Comores. Quelques noms circulaient, mais l’information a vite été démentie sans plus de précision. Le sujet a fait son retour en plein débat sur la place, de plus en plus discutée, des cadis au sein de l’institution départementale. Il a de nouveau été rappelé qu’une délégation menée par le grand cadi s’était rendue aux Comores pour le Maoulida; de quoi bien évidemment mettre de l’eau au moulin du président Ben Issa Ousseni, qui supporte de moins en moins la cohabitation avec ces ministres du culte.
Le véritable cadre de cette visite a été présenté ce mercredi dans un rapport de l'association des maires, transmis au ministre de l'Intérieur. Il s'agit "d'un voyage privé", où il semble avoir été plutôt question de relations diplomatiques.
Vers un allègement du Visa Balladur ?
Le rapport précise qu'un dîner a été organisé avec le directeur de cabinet du président comorien. Parmi les thèmes abordés : un "accord de principe sur l'allègement du visa Balladur, voire sa suppression, pour favoriser la circulation des personnes sous certaines conditions." Cette mesure, du nom de l'ancien Premier ministre Edouard Balladur, a été instaurée en 1995 pour contrôler l’afflux de Comoriens à Mayotte.
La députée Estelle Youssouffa s'est étranglée en lisant cela. "Les serrélamains (ndlr : les défenseurs de Mayotte comorienne) à l'œuvre pour tuer Mayotte avec les manœuvres diplomatiques pro-comoriennes", fustige sur sa page facebook l'élue mahoraise qui dénonce "un scandale", une "honte" et "une insulte à Zena M'Déré."
Que nenni répond le président de l’association des maires. "Elle n’était même pas encore née quand je luttais pour Mayotte française, ce sont les discours d’Estelle Youssouffa qui attisent la haine entre les Mahorais et les Comoriens" rétorque Madi Madi Souf. "Ils étaient où quand, tout seul en 1975, j’ai conduit un camion sur le tarmac de Pamandzi pour empêcher les militaires d’Ali Soilihi d’atterrir à Mayotte ? C’était au détriment de ma vie et j’étais tout seul. La gendarmerie française était là et n’a rien fait". Et c’est bien-là tout le problème selon lui : l’inertie politique.
Le soroda, le défenseur de Mayotte française, Madi Madi Souf prône le dialogue avec les Comores après plus de 40 ans d’immobilisme politique. "Tout ça c’est de l’hypocrisie politique, je ne suis pas pour l’immigration illégale", précise-t-il ajoutant que "jamais il n’a demandé la fin du visa Balladur mais son allègement notamment pour ceux qui veulent venir se faire soigner. Ils paieront bien sûr pour ces soins. On leur fait un visa avec un hébergement et puis ils repartent chez eux." Et s'ils disparaissent dans la nature ? "Ce sera à celui qui l'héberge de répondre", réplique l'élu.
"Tous les ans des centaines de pèlerins mahorais prennent la nationalité comorienne"
Le président de l'association des maires convoque l’histoire, et rappelle qu’en 1963 quand la capitale des Comores était transférée de Dzaoudzi à Moroni, "les Mahorais avaient tous immigré à la Grande-Comores." Les mentalités ont évolué selon lui, "même Azali ne parle plus de Mayotte à L’ONU, même si là-bas aussi, il y a des extrémistes. C’est un faux débat de demander le retour de Mayotte vers les Comores. C’est de la politique politicienne."
"Pourquoi personne ne dit rien, quand tous les ans des centaines de pèlerins mahorais passent par les Comores en prenant la nationalité comorienne, pourquoi? Et ça tout le monde le sait", interroge le maire pour appuyer son argumentation.
Madi Madi Souf ajoute que son voyage n’était pas caché: "on a un groupe WhatsApp, j’ai prévenu tous les maires, certains avaient des réserves mais ils ne se sont pas opposés. J’ai également mis au courant du voyage le préfet et le sénateur Thani". Tout le monde savait donc, preuve sur place, il a été reçu par l’ambassadeur de France, qui a relu et corrigé ce rapport, informe-t-il.
Dans ce compte rendu de voyage, il est écrit qu’on est dans un tournant de la relation mahoro-comorienne, car depuis 1975 il n’y a pas eu de délégation mahoraise aux Comores. Effectivement, si même le soroda Madi Madi Souf prône de tendre la main aux Comores…