Les conséquences du manque de sages-femmes se font déjà sentir pour les patientes du Centre Hospitalier de Mayotte.
Quand je suis venue pour mon rendez-vous du neuvième mois, une infirmière nous a dit de partir car il n’y avait pas de sage-femme. Je ne suis revenue que le jour de l’accouchement.
raconte Hounaïdat, la mère d’un bébé de quatre mois.
Il faudrait 180 sages-femmes pour faire tourner les services correctement, elles sont moins de 80 au CHM selon l’ordre départemental des sages-femmes de Mayotte.
En conséquence, deux des cinq maternités sont fermées depuis juillet, celles de Dzoumogné et de Mramadoudou.
Il y a également une restriction dans les consultations programmées, avec l’annulation des ouvertures de dossier où on détermine avec les patientes à quel endroit elles doivent accoucher, dans quelles conditions, si elles ont bien vu l’anesthésiste . Tout ce qui est en lien avec la sécurité est perdu, tout est fait dans l’urgence, aux urgences obstétricales de Mamoudzou, qui se retrouvent surchargées.
raconte Cloé Mandard, la présidente de l’ordre.
Elle évoque également des signalements faits à l’ordre des sages-femmes pour des parcours de soin qui ne respectent pas les recommandations de la Haute Autorité de Santé et des témoignages de sages-femmes « pour des cas de détresse au travail. »
À l’exception d’une vingtaine de titulaires, ce sont des contractuelles, principalement de jeunes diplômées, qui réalisent ici leur première expérience professionnelle. « Les conditions de travail se sont dégradées ces derniers mois, elles sont extrêmement pénibles et ne correspondent pas du tout aux besoins professionnels des sages-femmes », poursuit-elle. « Devant une perte de sens face aux soins qu’elles dispensent, en termes de qualité et de sécurité, certaines préfèrent quitter le centre hospitalier. » Une dizaine de contrats arrivent par exemple à échéance d’ici décembre, sans renforts ni renouvellement, il restera alors moins de 70 sages-femmes au CHM.
Alors que le département connait depuis deux ans un nombre de naissance dépassant les 10.000 par an, la plus grande maternité d’Europe connait aussi un manque de moyens matériels.
La maternité de Mamoudzou ne dispose que de sept salles de naissance, celle de Bordeaux par exemple fait moitié moins d’accouchements et dispose du double. On a par exemple des femmes à qui on doit refuser le recours à la péridurale faute de moyens, car les locaux pour cela ne sont pas disponibles.
précise Cloé Mandard.
Face à cette situation, le conseil départemental de l’ordre des sages-femmes demande notamment une revalorisation de leur statut. Contacté, le CHM n’a pas donné suite à notre demande d’interview.