Orienter, mettre à l’abri, conseiller les femmes victimes de violences, ce sont les missions de l’Association pour la Condition Féminine et Aide aux Victimes. L’association assure un accueil de jour, cellule d'écoute, de repos et d'alphabétisation pour les victimes de violences.
9+9=18 ,11+5=16,12+4=16 … Ce matin, c'est cours de mathématiques à l'ACFAV, l’Association pour la Condition Féminine et Aide aux Victimes. L’association assure un accueil de jour pour les femmes victimes de violences. Parmi elles, Mariame* 24 ans qui fréquente l’association depuis bientôt un an. “Je suis là pour me changer les idées, voir des amies, parler le français parce que même si je connais les mots, je n’ai pas l’habitude de parler français donc, ici, on m’aide beaucoup. Avant je restais à la maison pour pleurer. Maintenant, je viens ici quand je ne me sens pas bien, si j’ai envie de parler … Ici, j’ai toujours quelqu’un qui m’écoute. C’est grâce à eux si j’avance“ nous confie Mariame.
Laura Carotenuto est psychologue à l’ACFAV. Elle reçoit les femmes en détresse. “Pendant les séances, je les invite à s’exprimer, sans sujet en particulier, je n’aborde pas tout de suite les violences. Parce que c’est dur de pouvoir mettre des mots sur ce qu’elles ont vécus. De se reconnaitre en tant que victime ça prend beaucoup de temps. Parfois, elles ont seulement envie d’avoir un lieu où se poser, ou pouvoir échanger avec quelqu’un ou juste pour se reposer“ explique la thérapeute.
Le début des violences
« Il était violent avec moi, moralement, physiquement. Il m’insultait, me dévalorisait, c’était aussi choquant que ces violences physiques. Il me criait dessus, j’avais peur tout le temps“ se souvient Mariame.
Aux violences physiques s’ajoutent les violences psychologiques. “ Il me disait que j’étais une étrangère, que je n’avais pas de papiers et que je devais simplement rester là et lui faire un enfant. Il y a beaucoup de mots méchants, mauvais qu’il me disait mais je ne peux pas vous les dire parce que ça va me rappeler des choses » poursuit la jeune fille.
Les humiliations sont quotidiennes. “Le manque de respect également “ souligne la jeune femme. A l’évocation de ce mot, Mariame ne peut retenir ses larmes et ses sanglots. Son amie qui écoutait son histoire se lève et quitte la table. Après quelques secondes, la jeune fille sèche ses larmes et continue son récit. “Quand on était à la maison, il prenait son téléphone pour appeler ses copines devant moi“. Sa voie se brise à nouveau… mais elle poursuit, des trémolos plein la voix. “Quand je lui faisais remarquer que son comportement était inapproprié, il m’insultait et me frappait. Ça commençait toujours comme ça. Mais j’en ai eu marre, même si je l’aimais beaucoup … ce n’est pas ça la vie “déclare la jeune fille pleine de lucidité.
Le déclic
“Je me suis dit que je ne pouvais pas rester comme ça, alors je l’ai quitté. Ça fait presque 9 mois qu’on est séparé aujourd’hui et je ne regrette pas. Quand il était à la maison, je ne me sentais pas bien. J’étais malheureuse et j’avais peur. Mais quand il partait de la maison, je respirais à nouveau.
« Même si je l’aimais, il me fallait prendre une décision très vite et je l’ai fait. » Mariame jeune femme victime de violences conjugales.
Mariame quitte donc son mari en janvier 2020. Elle n’en parle pas à sa famille Elle sait pertinemment que cette dernière est contre l’idée même d’une séparation. “Mais j’ai pris ma décision, même si ma famille l’a mal pris. Elle voulait que je reste avec lui. Elle se moquait de ce que je ressentais et de ce que je pouvais vivre avec ce monsieur. Pour eux, l’important c’était que je reste. Mais c’est moi qui vivais cette situation, pas eux. Alors même si aujourd’hui ma famille n’approuve pas ma décision, c’est toujours ma famille et j’espère qu’un jour ils comprendront. En tout cas, je ne regrette pas ma décision, maintenant je vais bien“ annonce la jeune femme dans un sourire. “C’était bizarre au début parce que j’avais l’habitude d’être avec lui mais on peut quitter quelqu’un que l’on aime. Et je l’ai fait, j’ai eu ce courage. J’ai souffert je ne vous mentirais pas. J’ai ignoré ses appels, j’ai changé de numéro de téléphone“. Pendant 5 mois l’ex-mari de Mariame tente de rentrer en contact avec elle. Il n’accepte pas la rupture et aujourd’hui encore. “Il dit que je suis toujours sa femme. Mais c’est lui qui m’a fait du mal, je ne vois pas pourquoi je retournerais avec lui. C’est trop tard maintenant“, déclare la jeune femme aujourd’hui résignée.
L’action thérapeutique
Si Mariame a retrouvé le sourire, s’est en partie grâce à la thérapie qu’elle a entamée. Au cours des consultations, la victime de violences et la psychologue tissent des liens de confiance. “On aborde petit à petit les symptômes que les femmes peuvent ressentir dans leur quotidien. Le manque de sommeil, la perte d’appétit, le sentiment d’insécurité… Les femmes se sentent seule, isolées. Elles ont besoin de ne pas se sentir folles. Alors qu’elles sont victimes d’une emprise qui est très forte, puissante, envahissante“ relate la psychologue.
Au début de leur union, le mari de Mariame ne travaillait pas. La jeune femme elle, n’avait pas de papiers mais faisait des bricoles, pour gagner de l’argent. “J’amenais des enfants à l’école, je faisais des gâteaux pour les vendre. C’est avec mon argent que nous vivions. Lui, il ne me demandait pas directement de l’argent mais il voulait toujours que j’achète à manger puisqu’il n’y en avait pas à la maison “ révèle la jeune femme.
“Quand on ne travaille pas, on est obligé de dépendre de son mari pour subvenir à ses besoins pour les médicaments, les vêtements… Il y a des femmes qui travaillent et dont les maris gèrent le compte. Elles n’ont plus de carte bancaire donc plus de moyens de subvenir à leurs besoins. Si leur époux les pousse à contracter des crédits bancaires, alors qu’elles n’ont plus les moyens de les honorer, elles vont se sentir mal à l’aise : c’est de la violence économique“ déplore Sophiata Souffou la présidente de l’ACFAV.
Orienter, mettre à l’abri, conseiller, ce sont les missions de l’ACFAV. Cette année, l’association va s’atteler à la lutte contre les violences économiques.
Las de subvenir seule aux besoins du couple, Mariame pousse son conjoint à chercher un emploi malgré les réticences de ce dernier. “Il a trouvé un travail finalement. Il m’a acheté des vêtements, à manger mais il ne pensait pas à l’avenir. (…) Il faut penser à l’avenir, construire un projet ensemble. Mais on avait des objectifs différents. Lui son argent, il le dépensait avec ses copines“ se remémore la jeune femme, un brin désabusée.
Mais la psychologue est optimiste. Elle trouve la jeune femme surprenante. “Je vois chez elle et d’autres victimes aussi, la force après coup de se dire, je ne tomberais plus dans le même jeu pervers que j’ai subi pendant longtemps“ conclut la thérapeute sur une note positive.
( *prénom d’emprunt)
Laura Carotenuto est psychologue à l’ACFAV. Elle reçoit les femmes en détresse. “Pendant les séances, je les invite à s’exprimer, sans sujet en particulier, je n’aborde pas tout de suite les violences. Parce que c’est dur de pouvoir mettre des mots sur ce qu’elles ont vécus. De se reconnaitre en tant que victime ça prend beaucoup de temps. Parfois, elles ont seulement envie d’avoir un lieu où se poser, ou pouvoir échanger avec quelqu’un ou juste pour se reposer“ explique la thérapeute.
Les femmes qui poussent les portes de l’association ont toutes des profils différents. Mais une volonté commune: ne plus être sous l’emprise de leur conjoint. Mariame arrive à Mayotte en 2015, à l’âge de 19 ans. Deux ans plus tard, sa famille la force à se marier. Mariame a 21 ans au moment de son mariage, son époux, 43 ans. “On s'est marié en janvier 2017, on est resté marié 3 ans“. Sa famille espère ainsi qu’elle aura des papiers Français. Pendant 2 ans, les mariés filent le parfait amour. “Il était doux, il a bien caché son jeu. Mais après, il a montré son vrai visage. Les violences ont commencé quand il s’est mis a fréquenté des filles ouvertement. Il les appelait devant moi. “Nous dévoile la jeune fille."Je me suis mariée pour ma famille"
Le début des violences
« Il était violent avec moi, moralement, physiquement. Il m’insultait, me dévalorisait, c’était aussi choquant que ces violences physiques. Il me criait dessus, j’avais peur tout le temps“ se souvient Mariame.
Aux violences physiques s’ajoutent les violences psychologiques. “ Il me disait que j’étais une étrangère, que je n’avais pas de papiers et que je devais simplement rester là et lui faire un enfant. Il y a beaucoup de mots méchants, mauvais qu’il me disait mais je ne peux pas vous les dire parce que ça va me rappeler des choses » poursuit la jeune fille.
Les humiliations sont quotidiennes. “Le manque de respect également “ souligne la jeune femme. A l’évocation de ce mot, Mariame ne peut retenir ses larmes et ses sanglots. Son amie qui écoutait son histoire se lève et quitte la table. Après quelques secondes, la jeune fille sèche ses larmes et continue son récit. “Quand on était à la maison, il prenait son téléphone pour appeler ses copines devant moi“. Sa voie se brise à nouveau… mais elle poursuit, des trémolos plein la voix. “Quand je lui faisais remarquer que son comportement était inapproprié, il m’insultait et me frappait. Ça commençait toujours comme ça. Mais j’en ai eu marre, même si je l’aimais beaucoup … ce n’est pas ça la vie “déclare la jeune fille pleine de lucidité.
Le déclic
“Je me suis dit que je ne pouvais pas rester comme ça, alors je l’ai quitté. Ça fait presque 9 mois qu’on est séparé aujourd’hui et je ne regrette pas. Quand il était à la maison, je ne me sentais pas bien. J’étais malheureuse et j’avais peur. Mais quand il partait de la maison, je respirais à nouveau.
« Même si je l’aimais, il me fallait prendre une décision très vite et je l’ai fait. » Mariame jeune femme victime de violences conjugales.
Mariame quitte donc son mari en janvier 2020. Elle n’en parle pas à sa famille Elle sait pertinemment que cette dernière est contre l’idée même d’une séparation. “Mais j’ai pris ma décision, même si ma famille l’a mal pris. Elle voulait que je reste avec lui. Elle se moquait de ce que je ressentais et de ce que je pouvais vivre avec ce monsieur. Pour eux, l’important c’était que je reste. Mais c’est moi qui vivais cette situation, pas eux. Alors même si aujourd’hui ma famille n’approuve pas ma décision, c’est toujours ma famille et j’espère qu’un jour ils comprendront. En tout cas, je ne regrette pas ma décision, maintenant je vais bien“ annonce la jeune femme dans un sourire. “C’était bizarre au début parce que j’avais l’habitude d’être avec lui mais on peut quitter quelqu’un que l’on aime. Et je l’ai fait, j’ai eu ce courage. J’ai souffert je ne vous mentirais pas. J’ai ignoré ses appels, j’ai changé de numéro de téléphone“. Pendant 5 mois l’ex-mari de Mariame tente de rentrer en contact avec elle. Il n’accepte pas la rupture et aujourd’hui encore. “Il dit que je suis toujours sa femme. Mais c’est lui qui m’a fait du mal, je ne vois pas pourquoi je retournerais avec lui. C’est trop tard maintenant“, déclare la jeune femme aujourd’hui résignée.
L’action thérapeutique
Si Mariame a retrouvé le sourire, s’est en partie grâce à la thérapie qu’elle a entamée. Au cours des consultations, la victime de violences et la psychologue tissent des liens de confiance. “On aborde petit à petit les symptômes que les femmes peuvent ressentir dans leur quotidien. Le manque de sommeil, la perte d’appétit, le sentiment d’insécurité… Les femmes se sentent seule, isolées. Elles ont besoin de ne pas se sentir folles. Alors qu’elles sont victimes d’une emprise qui est très forte, puissante, envahissante“ relate la psychologue.
Au début de leur union, le mari de Mariame ne travaillait pas. La jeune femme elle, n’avait pas de papiers mais faisait des bricoles, pour gagner de l’argent. “J’amenais des enfants à l’école, je faisais des gâteaux pour les vendre. C’est avec mon argent que nous vivions. Lui, il ne me demandait pas directement de l’argent mais il voulait toujours que j’achète à manger puisqu’il n’y en avait pas à la maison “ révèle la jeune femme.
“Quand on ne travaille pas, on est obligé de dépendre de son mari pour subvenir à ses besoins pour les médicaments, les vêtements… Il y a des femmes qui travaillent et dont les maris gèrent le compte. Elles n’ont plus de carte bancaire donc plus de moyens de subvenir à leurs besoins. Si leur époux les pousse à contracter des crédits bancaires, alors qu’elles n’ont plus les moyens de les honorer, elles vont se sentir mal à l’aise : c’est de la violence économique“ déplore Sophiata Souffou la présidente de l’ACFAV.
Orienter, mettre à l’abri, conseiller, ce sont les missions de l’ACFAV. Cette année, l’association va s’atteler à la lutte contre les violences économiques.
Las de subvenir seule aux besoins du couple, Mariame pousse son conjoint à chercher un emploi malgré les réticences de ce dernier. “Il a trouvé un travail finalement. Il m’a acheté des vêtements, à manger mais il ne pensait pas à l’avenir. (…) Il faut penser à l’avenir, construire un projet ensemble. Mais on avait des objectifs différents. Lui son argent, il le dépensait avec ses copines“ se remémore la jeune femme, un brin désabusée.
“Aujourd’hui, je veux juste avancer, oublier tout cela, refaire ma vie sans lui. Heureusement que je n’ai pas eu d’enfants avec lui. Je remercie Dieux parce que je ne sais pas si j’aurais été capable de le quitter si ça avait été le cas. Je conseille aux autres femmes, qui sont dans la situation que j’ai connue de prendre une décision très très vite. Il faut fuir, parce que si un homme commence à te taper une fois, deux fois … ça sera toujours la même chose. Je l’ai quitté et il est revenu vers moi en disant qu’il regrettait. Mais non, non moi je veux aller de l’avant et ne plus regarder en arrière“ annonce la jeune femme pleine de bonne résolutions. Pour l’aider à avancer, Laura, la psychologue travaille sur les souvenirs qui perturbent, qui reviennent. “Pour la jeune femme que vous venez d’écouter, c’est très difficile parce qu’elle est confrontée à son traumatisme. Elle n’a pas le temps de poser son traumatisme pour le travailler parce qu’elle est tout le temps solliciter. Il faudrait qu’elle ait un environnement plus soutenant. “ Mais ce n’est clairement pas le cas pour Mariame. “Ce qui me fait mal, c’est que ma mère s’entend très bien avec mon ex- mari. Lui, il a le culot de venir rendre visite à ma mère, alors que j’habite chez ma mère“ se désole Mariame."Il faut laisser du temps au temps, le suivi peut durer longtemps"
Mais la psychologue est optimiste. Elle trouve la jeune femme surprenante. “Je vois chez elle et d’autres victimes aussi, la force après coup de se dire, je ne tomberais plus dans le même jeu pervers que j’ai subi pendant longtemps“ conclut la thérapeute sur une note positive.
( *prénom d’emprunt)