NOUVELLE-CALÉDONIE - Antony Géros : "Pour apaiser la situation, il faut véritablement un geste fort de l’État"

Antony Géros, président de l'Assemblée de Polynésie française
Séminaire de déontologie, situation en Nouvelle-Calédonie, rapprochement du Tavini avec l'Azerbaïdjan, les un an du gouvernement Brotherson... Invité du journal télévisé de Polynésie la 1ère, mercredi 22 mai, le président de l'Assemblée de Polynésie, Antony Géros, a réagi à l'actualité de cette semaine.

Cybèle Plichart : Le président de la République a annoncé vouloir avoir un débat franc, direct et ouvert sur ces questions politiques et institutionnelles en Nouvelle-Calédonie. Vous pensez qu'une issue sera trouvée à cette crise ?

Antony Géros : On l'espère, on le souhaite de tous nos vœux parce qu'il faut vraiment apaiser la situation. Je pense que le président Macron a beaucoup de cartes en main pour arriver à faire régner à nouveau la paix en Kanaky.

Cybèle Plichart : Le chef de l'État a aussi déclaré que "l'apaisement ne peut pas être un retour en arrière". Pour lui, les trois référendums font foi. Est-ce que vous le rejoignez là-dessus ? 

Antony Géros : Pas tout à fait, parce qu'on connaît les raisons pour lesquelles l'achoppement a eu lieu. On connaît les raisons pour lesquelles les débordements ont eu lieu. Je pense qu'aujourd'hui pour apaiser la situation, il faut véritablement un geste fort de l’État. Et ce geste a été appelé de ses vœux par l'ensemble de la communauté calédonienne, qu'elle soit de gauche ou de droite, les loyalistes ou les indépendantistes. Il faut vraiment assurer une période de trêve pour le retour au calme. Et, ensuite, voir comment le débat ou le dialogue pourra s'instaurer.

Cybèle Plichart : Le député Steve Chailloux estime que le peuple Kanak mène le même combat que le peuple polynésien. C'est ce qu'il a déclaré à l'Assemblée et place de la République. Est-ce que vous pensez que les Polynésiens se retrouvent dans ces propos ?

Antony Géros : Oui, on mène le même combat mais on n'a pas la même histoire, on n'a pas les mêmes origines, donc on n'a pas eu la même genèse politique. Les choses sont tout de même différentes entre ce qui s'est passé et se passe ici, et ce qui s'est passé là-bas [ndlr : en Nouvelle-Calédonie] et malheureusement, qui a dégénéré.

Cybèle Plichart : Un séminaire sur la déontologie est organisé à l'Assemblée de Polynésie. Un séminaire auquel vous tenez. Concrètement dans quel piège un élu peu tomber en matière de conflit d'intérêts ?

Antony Géros : Il y a plusieurs pièges. Le piège involontaire qui malheureusement peut se solder par une sanction d'inéligibilité alors que la faute a été involontaire. Mais, c'est ainsi que le veut le texte sur la prise illégale d'intérêt. Ce qui est intéressant, c'est que pour la première fois dans l'histoire de l'Assemblée de Polynésie, les élus commencent à s'y intéresser. Il y a une remise en question de l'ensemble de la classe politique, pas seulement au niveau de l'Assemblée mais aussi au niveau des élus locaux, de proximité, comme les maires, les adjoints et les conseillers municipaux. Parce que la sanction touche quel que soit le titre d'élu. 

Cybèle Plichart : Plusieurs maires sont concernés et devront rendre des comptes devant la justice. Vous pensez qu'ils auraient pu éviter le tribunal ?

Antony Géros : Si on leur avait offert cet outil, ce moyen d'information et d'accès à la connaissance, peut-être que oui. C'est pour cela que je disais que même involontairement, le risque est latent, et malheureusement le faux pas peut vous amener devant un tribunal, à vous justifier de l'injustifiable. 

Cybèle Plichart : En parlant déontologie, le rapprochement du Tavini avec l'Azerbaïdjan, l'un des Pays les plus totalitaires au monde, est-ce que vous-même vous ne manquez pas de déontologie alors que ce pays est décrié pour le non-respect des droits de l'Homme ?

Antony Géros : Il ne faut pas mélanger les choses parce que je sais qu'aujourd'hui il y a un rapprochement, une harmonisation, des rapports entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Ensuite, le rapprochement du Tavini Huiraatira ne s'est pas fait avec le gouvernement de l'Azerbaïdjan, il s'est fait avec une ONG de l'Azerbaïdjan. Donc, il ne faut pas mélanger les choses. 

Cybèle Plichart : C'est vrai qu'en Azerbaïdjan, les médias sont sous contrôles, les opposants politiques sont jetés en prison. C'est un pays gangrené par la corruption. Cela ne vous dérange pas ? 

Antony Géros : Si vous le dites ainsi, peut-être que oui. Mais essayez de comprendre l'histoire de ce pays, essayez d'être un peu plus neutre qu'on ne l'est aujourd'hui. Parce que lorsqu'on intervient, c'est toujours par rapport à ce qu'on connaît de l'Azerbaïdjan, de ce que les médias français rapportent, mais il n'y a pas que ça. Il faut voir autre chose, d'ailleurs l'Azerbaïdjan a siégé au comité des 29 qui s'est tenu à Caracas, donc les choses se sont passées le plus parfaitement du monde. En plus, c'est un séminaire qui s'est passé dans un pays que les Etats-Unis pointent du doigt comme étant un pays comme vous venez de le traiter. Mais non, ce n'est pas du tout le cas. Quand vous allez sur place, vous voyez la réalité des choses, ce n'est pas tout à fait  ce qu'on vous raconte quand vous êtes là en Polynésie.

Cybèle Plichart : Un mot sur le bilan de la première année du gouvernement Brotherson. Le Tapura a dénoncé la "poudre aux yeux", "l'amateurisme", comment réagissez-vous ? 

Antony Géros : Je laisse le soin et la paternité de cette première année de mandat à mon président du Pays, que je soutiens. D'ailleurs, il est vrai que l'on aurait pu faire plus que ce qu'il aurait souhaité qu'on fasse, qu'ils auraient souhaité qu'on fasse, mais pour l'instant, on leur sert ce qui a été fait depuis mai 2023 à aujourd'hui, il faudra s'en contenter.