La ligue des droits de l'Homme s'invite dans le débat sur le corps électoral de Nouvelle-Calédonie, avec une question : où est le fameux " tableau annexe " qui devait servir de base officielle, dès 1998, à l'élaboration de la liste électorale spéciale pour le scrutin décisif du 11 mai prochain?
Dans un long communiqué la ligue des droits de l'Homme en Nouvelle-Calédonie dénonce l'inexistence du "tableau annexe" du 8 novembre 1998 et demande une déclaration officielle sur ce sujet. Les autorités, et en particulier l'Etat, auraient totalement "oublié" cette liste officielle d'électeurs prévue par l'Accord de Nouméa et qui aurait du être tenue à jour depuis 1998.
Une situation incompréhensible pour la ligue des droits de l'Homme, car toutes les personnes susceptibles de remplir les conditions pour voter aux élections provinciales de 2014 auraient du être inscrites sur cette liste officielle. Sans cet "oubli" l'affaire des recours du FLNKS et ses conséquences politiques, juridiques et humaines n'existeraient pas aujourd'hui...
Communiqué de la ligue des droits de l'Homme en Nouvelle-Calédonie:
"L’absence du Tableau annexe du 8 novembre 1998 est à l’origine de la situation très confuse et conflictuelle que nous traversons actuellement. Sur le constat, tout le monde est d’accord, mais aucune explication n’est apportée, comme si cette inexistence était normale. L’Etat, gardien des listes électorales, est le grand responsable de cet imbroglio politique et de ce fiasco juridique.
Le Préambule de l’Accord de Nouméa, dans un esprit de destin commun, a voulu intégrer dans un même corps électoral toutes les populations du Territoire, kanak et autres, sous les conditions suivantes :
- soit avoir été domicilié sur le Territoire avant le 6 novembre 1988, date du referendum par lequel le peuple français a adopté les accords de Matignon ;
- soit être domicilié sur le Territoire depuis 10 ans au moment des élections provinciales suivant l’Accord de Nouméa ET être inscrit sur le tableau annexe du 8 novembre 1998 ;
- soit avoir l’un de ses parents remplissant l’une ou l’autre de ces deux conditions et avoir dix ans de présence continue sur le Territoire au moment du scrutin.
Le « tableau annexe » de 1998, tel que prévu par les textes, est constitué par la liste de l’ensemble des personnes arrivées sur le Territoire entre 1988 et 1998 qui remplissent les conditions cumulatives suivantes :
- être inscrites sur la liste générale des électeurs du Territoire à la date du 8 novembre 1998,
- et ne pas avoir au moment d’un scrutin provincial, les 10 ans de présence requis pour faire partie de la liste spéciale du corps électoral restreint des citoyens appelés à voter pour ces élections provinciales.
Au fur et à mesure que ces personnes atteignent les 10 ans de présence, elles peuvent passer du tableau annexe de 1998 à la liste spéciale de l’année en cours. Pour assurer ce transfert, des commissions administratives spéciales se sont réunies chaque année depuis 1999.
Or il est maintenant dit – mais non expliqué - que ce tableau annexe de 1998 n’aurait tout simplement jamais existé. Cette information est très inquiétante puisque ce tableau annexe est inscrit dans la loi et que si c’est le cas, la loi n’a pas été appliquée, voire bafouée ou transgressée par les représentants de l’Etat. Les politiques ne s’en sont pas, jusqu’à maintenant, inquiétés, et ce, alors même que le Sénat et l’Assemblée Nationale se sont réunis à Versailles le 19 février 2007 pour régler le litige de l’époque sur le corps électoral (glissant ou figé) et se sont expressément référés à ce tableau pour dire qu'il servirait de repère. Les 869 parlementaires de la République auraient donc adopté à une large majorité un tableau qui n’existait pas !
Pendant plus de dix ans, les commissions administratives spéciales, à défaut d’avoir entre les mains le tableau annexe de 1998, ont fait “comme si” toutes les personnes présentes sur le territoire avant 1998 y étaient “fatalement” inscrites : un raccourci plus politique que juridique, car c’est confondre « être présent » et « être inscrit ». Bon nombre de personnes, bien qu’arrivées entre 1988 et 1998, ne s’étaient pas inscrites sur la liste générale des électeurs à la date du 8 novembre 1998.
Pourquoi les responsables de ces commissions, désignés par les différents pouvoirs depuis 1998, n’ont-ils pas exigé ce tableau ? En son absence, leurs délibérations sont-elles valides ? Ou peuvent-elles être validées ultérieurement ? Pourquoi ce tableau n’a-t-il pas été dressé par l’Etat le 8 novembre 1998 et conservé par lui ensuite ? Il a été réclamé par l’une des parties à tous les derniers comités des signataires. La réponse tardive de l’Etat a consisté à donner la liste générale de février 1998, qui exclut les électeurs inscrits entre février et novembre 1998 ce qui ne fait qu’entretenir la confusion et la difficulté de compréhension des électeurs.
Voilà les questions simples que peut légitimement se poser tout citoyen épris de transparence, de paix et de respect de la Parole donnée. Pour y répondre, la LDH-NC, comme association de citoyens :
- demande une déclaration claire sur l’existence – ou non – du tableau annexe issu du scrutin du 8 novembre 1998, car celui-ci représente un élément fondamental de l’Accord constitutionnel de Nouméa. Où est passé ce tableau ou comment expliquer son absence ? Sans cet éclaircissement politique et médiatique, c’est le processus démocratique qui est en danger.
- exige le respect de la séparation des pouvoirs. Le meilleur moyen de préserver la paix est de faire confiance à la plus haute justice de son pays, la Cour de Cassation, compétente pour dire le droit. Ce n’est pas au pouvoir exécutif de s’y substituer, surtout s’il est partie prenante du litige, et encore moins aux politiques locaux."
Elie Poigoune, le président de la ligue des droits de l'Homme en Nouvelle-Calédonie était l'invité du journal de Radio NC 1ère, intérrogé par Michel Voisin ( jeudi 10 avril 2014).
ITV ligue des droits de l'Homme