Pour le camp "loyaliste", le projet de loi de modification de la loi organique de Nouvelle-Calédonie, présenté mercredi en Conseil des ministres, est inacceptable en l'état. Si certains prônent la recherche du consensus, d'autres s'estiment trahis.
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Le projet de loi sur la modification de la loi organique de Nouvelle-Calédonie, qui détermine notamment les électeurs qui pourront voter lors du référendum de sortie de l’Accord de Nouméa, est désormais dans les rails législatifs.
Fin mars, les trois groupes non-indépendantistes du Congrès, avaient émis un avis défavorable, votant contre l’avant-projet de modification de la loi organique. La raison principale : l’inscription automatique des personnes nées en Nouvelle-Calédonie sur la liste des électeurs pour la consultation de 2018, qui n’est pas prévue par le texte. L'avis du Congrès est toutefois seulement consultatif, et n’a pas d’impact direct sur le processus législatif.
En adoptant le projet de loi organique en l’état, le Conseil des ministres n’a pas tenu compte de l’avis du Congrès calédonien. Le Premier ministre, Manuel Valls, et la ministre des Outre-Mer, George Pau-Langevin, se sont déclarés ouverts au dialogue, pour prendre en considération les demandes des non indépendantistes. Manuel Valls a ainsi qualifié d’« intéressantes » les propositions du Congrès calédonien.
Mais l’Etat veut s’assurer de l’accord des indépendantistes au Congrès. L’inscription automatique des personnes nées en Nouvelle-Calédonie semble partir avec de nombreux handicaps.
Après la présentation du projet de loi, la ministre des Outre-Mer, George Pau Langevin, s’est fendue d’un communiqué, à l’adresse de la Nouvelle-Calédonie. Elle apporte ainsi trois précisions sur le projet de loi.
Elle indique d’abord que celui-ci ne vise, ni à inscrire automatiquement certaines catégories d’électeurs, ni à priver d’autres catégories du droit de vote. L’idée serait, d’après elle, d’étendre la procédure d’inscription d’office, et de dispenser certains électeurs de démarches et de formalités superflues. Le principe s’applique déjà pour l’inscription des jeunes majeurs sur la liste électorale spéciale pour les élections provinciales.
Autre précision apportée : George Pau Langevin rappelle que le principe d’inscription d’office des personnes nées en Nouvelle-Calédonie n’a pas été approuvé au Comité des signataires du 3 octobre dernier. L’Etat s’était ainsi engagé à mener dans les meilleurs délais une expertise juridique sur ce qui était une demande consensuelle des partenaires calédoniens présents. Un aspect juridique à prendre compte puisque – et c’est le troisième point abordé par la Ministre - le Conseil d’Etat avait estimé fin janvier que l’inscription d’office ne pouvait être étendue aux natifs. Ajoutant que si la proposition était retenue, elle serait immanquablement censurée par le Conseil constitutionnel.
Pour conclure son communiqué, George Pau-Langevin indique que le gouvernement entend trouver dans les meilleurs délais une solution offrant la plus grande sécurité juridique, et que certaines propositions formulées par le Congrès calédonien seront expertisées sur le plan constitutionnel dans les semaines à venir.
Selon les informations recueillies par NC1ère, le Gouvernement, qui s’est réuni en Conseil des ministres mercredi matin (heure de Paris), aurait décidé d'utiliser la procédure d'urgence, ce qui signifie le passage du texte en mode accéléré. A la sortie du Conseil des ministres, la Ministre d’Outre-Mer, George Pau-Langevin, avait ainsi déclaré vouloir faire passer le texte avant les grandes vacances de juillet en métropole.
Le projet de loi de modification de la loi organique devrait donc être sur le bureau du Sénat dès le mois de juin. Son passage à l’Assemblée est prévu dans la foulée. Rapidement. Très rapidement.
Chez l’Union pour la Calédonie dans la France (UCF), on estime que l’inscription d’office des personnes nées sur le territoire calédonien aurait du être ajoutée au projet de loi, mais que cette modification aurait pu intervenir avant le passage du projet en Conseil des ministres.
Au Sénat, dont la majorité est à droite, le Sénateur Pierre Frogier (Rassemblement-UMP) pourra sans doute faire entériner sa vision du dossier sans difficulté. Cela pourrait en revanche se révéler plus compliqué pour le député Philippe Gomès (Calédonie Ensemble), avec une Assemblée nationale dont la majorité est ancrée à gauche.
Pierre Frogier, président du Rassemblement-UMP, rappelle qu’il a toujours été opposé à l’existence de ce projet de loi organique. Selon lui, celui-ci remet en cause les règles du jeu signées en 1998. « L’attitude de l’Etat est perverse », dénonce-t-il, parlant de complicité de l’Etat « socialiste » avec Calédonie Ensemble et les indépendantistes. « Quand on a besoin de l’Etat pour faire respecter l’Accord de Nouméa, l’Etat n’est pas là ».
Ecoutez les propos de Pierre Frogier recueillis par Malia Noukouan pour NC1ère :
ITW Frogier 100415
De son côté, Calédonie Ensemble réfute les accusations de connivence du parti avec les indépendantistes et le gouvernement français. Le leader du parti, Philippe Gomès, regrette lui aussi que l’amendement présenté au Congrès n’ait pas été pris en compte. Pour autant, les consultations restant possibles entre indépendantistes et non-indépendantistes, il faut, selon lui, exploiter cette ouverture. « Je vais m’employer à ce qu’avec les indépendantistes et l’Etat, on trouve un consensus sur ce qu’on a proposé pour que les Calédoniens nés en Nouvelle-Calédonie soient inscrits d’office pour le référendum en 2018 », précise-t-il.
Ecoutez les propos de Philippe Gomès recueillis par Malia Noukouan pour NC1ère :
ITW Gomès 100415
Selon Gaël Yanno de l’UCF, l’attitude de l’Etat constitue « un déni de démocratie », et pourrait fausser les résultats du référendum. « Ce qui s’est passé est inacceptable et c’est pour cette raison que les Calédoniens doivent s’exprimer, et il faut que nous fassions entendre notre voix au niveau de la République ». Pour contester cette décision, l’UCF appelle les Calédoniens et les non-indépendantistes à participer à une marche le 29 avril prochain.
Ecoutez les propos de Gaël Yanno recueillis par Malia Noukouan pour NC1ère :
ITW Yanno 100415
Du côté de l’Union Calédonienne, Gérard Reignier, Secrétaire général du parti, confirme que les indépendantistes ne sont pas opposés à l’inscription des natifs sur les listes électorales. « Ce n’est que l’application de l’Accord de Nouméa », explique-t-il. « Il est prévu que ces personnes fassent partie du corps électoral (…) Il y a simplement une interprétation différente sur l’automaticité ou pas de l’inscription sur ces listes électorales ».
Ecoutez les propos de Gérard Reignier recueillis par Malia Noukouan pour NC1ère :
ITW Reignier 100415