"Humiliation", "insuffisant" : ces réactions politiques amères aux aides de l'Etat, après la visite du ministre des Outre-mer en Nouvelle-Calédonie

Nicolas Metzdorf, Philippe Gomès, Milakulo Tukumuli et Sonia Backès.
Il était le premier membre du nouveau gouvernement à venir constater sur place la crise calédonienne. En visite de quatre jours, le ministre des Outre-mer, François-Noël Buffet, s'est entretenu avec les responsables des collectivités et l'ensemble des groupes représentés au Congrès. Un déplacement qui suscite des réactions politiques mitigées, surtout en ce qui concerne le soutien économique annoncé.

Au sortir des entretiens, l'image d'un ministre engagé et à l'écoute a été brossée. En revanche, avis plus tranchés concernant l'ampleur des aides financières attendues, malgré les différentes déclarations et assurances avancées par François-Noël Buffet.

Nicolas Metzdorf, député : "Déception et humiliation"

Le député de la première circonscription, membre de l'intergroupe Les Loyalistes" au Congrès, parle de "déception". "On n'est clairement pas dans le niveau de pertes qu'on a enregistré à cause des émeutes", a pointé Nicolas Metzdorf lors d'une conférence de presse, ce samedi 19 octobre, alors que le projet de loi de finances doit être présenté dans les prochains jours à l'Assemblée nationale. 
"D'autant que les Calédoniens ont fait des efforts : le plan PS2R du gouvernement collégial de Louis Mapou a été réalisé à la demande de l'Etat." Quant à l'humiliation : "l'Etat a annoncé 500 millions d'euros de prêts garantis. Or, ils servent à rembourser les 440 millions d'euros déjà versés. L'État nous prête de l'argent pour qu'on rembourse ce qu'on a déjà emprunté et annonce ça comme une nouvelle aide."

Pour une reprise des négociations en novembre

"Le point positif, dit le parlementaire, c'est qu'au fur et à mesure de son séjour, il a pris conscience de l'ampleur du désastre. J'espère que ça sera un allié pour défendre nos revendications, auprès de Bercy, notamment." Mais d'ajouter : "On a eu François-Noël Buffet. On va avoir Gérard Larcher et Yaël Braun-Pivet [présidents du Sénat et de l'Assemblée nationale]. On aura éventuellement [le Premier ministre] Michel Barnier… On ne peut pas être suspendu à ces missions pour retrouver les négociations politiques, parce que la meilleure mesure économique, c'est la stabilité politique et un nouvel accord." D'où cette demande à l'Etat : "qu'il nous réunisse pour reprendre les négociations dès le mois de novembre."

Écoutez-le au micro de Sarra Mejeri et Claude Lindor :

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Philippe Gomès, Calédonie ensemble : "Ce n'est pas sérieux"

Philippe Gomès tenait ce discours la veille pour Calédonie ensemble, mouvement à l'origine du plan quinquennal qu'une délégation interconstitutionnelle a défendu à Paris. "Ce n'est pas du tout suffisant. En réalité, ce qui est prévu, c'est de nous prêter de l'argent pour rembourser ce que l'Etat nous a avancé l'année dernière. Ce n'est pas sérieux, lançait-il. Le budget [national] a été préparé dans certaines conditions, il faut le rectifier en profondeur et si on ne le rectifie pas, pour nous permettre, au plan économique et social, de garder la tête hors de l'eau, à partir de ce moment-là, le dialogue politique qu'on espère tous ne pourra même pas s'ouvrir." 

Retrouvez cette réaction dans le reportage de Natacha Lassauce-Cognard et Claude Lindor dédié aux entretiens politiques avec le ministre :

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Dès jeudi après-midi, le parti regrettait qu'il n'y ait eu "rien de concret, de chiffré, et d’effectif au plan économique et social dans le discours" prononcé par le ministre au centre Tjibaou. Il se fendait même d'un communiqué intitulé "le pays brûle et l'Etat regarde ailleurs". Avec cette conclusion : "La technostructure étatique, au premier rang de laquelle Bercy, a clairement pris le pas sur le ministère des Outre-mer et le gouvernement local. Objectif : que la Nouvelle-Calédonie coûte le moins cher possible en la maintenant sous perfusion, au travers d’aides financières attribuées au compte-goutte, au mois le mois, et moyennant des réformes mortifères pour une population et une économie exsangue."

Éveil océanien : "Réponse aussi insuffisante qu’inquiétante"

Un communiqué de l'Eveil océanien, qui a lui aussi adhéré à la démarche transpartisane, renchérissait, vendredi en fin de journée, sous le titre "diviser pour mieux régner". "Lors du grand raout au centre culturel Tjibaou pour présenter le PS2R, le ministre des Outre-mer a annoncé que la réponse de l’État pour nous aider à surmonter la crise était un nouvel emprunt de soixante milliards", dénonce-t-il. "Cette réponse est aussi insuffisante qu’inquiétante car elle est en dessous des besoins réels et n’offre aucune visibilité, aucune perspective."

"La montagne accouche d’une souris et personne n’est rassuré, de la classe politique aux partenaires sociaux, lit-on encore. Qui peut raisonnablement croire dans le contexte actuel de crise économique et sociale sans précédent, que de telles annonces créeront les conditions favorables à la reprise de discussions apaisées sur l’avenir institutionnel ?" Et d'ajouter : "L’État nous renvoie dos à dos une fois de plus en ignorant le plan quinquennal au profit du PS2R au lieu de les considérer pour ce qu’ils sont : indissociables."

Sonia Backès : "Annonces insuffisantes à ce stade"

Sonia Backès, élue Les Loyalistes, estime aussi que François-Noël Buffet n'est pas allé assez loin dans les annonces de soutien. Même si "cette visite lui aura permis d’avoir une vision différente de ce que nous avons subi, [de] celle qu’il avait depuis Paris." "Clairement, les annonces faites par le ministre sont insuffisantes à ce stade", a publié la présidente de la province Sud sur les réseaux sociaux. "Mais la réunion organisée par le président de la République avec le Premier ministre à son retour permettra, j’en suis convaincue, de faire des annonces plus ambitieuses et d’entamer enfin une démarche politique pragmatique et sans naïveté."