Elle a prodigué des soins sur le territoire pendant 7 ans avec un faux diplôme. La prévenue, âgée d’une cinquantaine d’années, a sévi dans plusieurs communes : Canala, Hienghène, Pouébo, Lifou et dernièrement dans une maison de retraite du Mont-Dore. Une escroquerie fructueuse…
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Près de 57 millions de francs CFP. C’est la somme perçue par Isabelle Tahiata, pour la seule période comprise entre 2010 et 2013, lorsqu’elle était infirmière libérale à Pouébo. La quinquagénaire a gonflé ses frais kilométrique et surfacturé les soins de vingt-deux patients, pour la plupart souffrant du diabète. Interpellée par ces sommes astronomiques, la Cafat a ouvert une enquête. Celle-ci révèle que tout n’est que mensonge. Une grande partie des patients étaient autonomes et s’injectaient eux-mêmes leur insuline et vivaient au village, et non en tribu, comme le prétendait la prévenue. Après Pouébo, la fausse infirmière exerce à Lifou, mais, déconventionnée par la Cafat, elle revient à Nouméa où elle est salariée dans une maison de retraite au Mont-Dore. Les soupçons se précisent, le voile se lève enfin : la prévenue n’a ni formation adéquate, ni diplôme pour exercer.
Faux diplôme
Elle n’est en fait titulaire que d’un BEP d’aide à la personne, qu’elle obtient en Polynésie, d’où elle est originaire. Elle aurait effectué des stages en Métropole dans quelques maisons de retraite. De retour en Polynésie, elle reçoit « ce fameux diplôme » en 1999 par courrier. Diplôme qu’elle falsifie et présente à la DASS à son arrivée sur le territoire fin 2007. Puis, après avoir effacé la mention «enregistrement provisoire» sur le document, en attendant d’en fournir les justificatifs dans un délai de deux mois, elle l’apporte à la Cafat. C’est le début de sept années de travail illégal.Une addiction pour les jeux d’argent
Pas de trace de ces 57 millions sur ses comptes en banque, pas de bien immobilier à son nom. L’argent a en fait été dépensé dans des jeux d’argent. Accro des jeux, elle dépensait entre 300 et 400 mille francs par soirée au Casino quand elle venait à Nouméa. Plus d’un million de francs a aussi été dépensé sur des jeux en ligne. L’expertise psychiatrique révèle que la prévenue est « plus maligne qu’intelligente, capable de déceler les failles de ses interlocuteurs pour abuser d’eux ». Profitant du manque d'engouement des personnels de santé pour les zones éloignées, la prévenue y voit là un moyen de gagner de l’argent, ce dont elle « avait besoin pour que ses enfants ne manquent de rien », affirme-t-elle lors d’une audition. Mais « l'argent était le seul moteur de ses actes », selon les conclusions de l’examen. Elle exerçait en toute connaissance de cause sans vraiment évaluer les conséquences de ses actes. La prévenue ne témoigne d’aucun remords, centrée sur elle-même, elle craint simplement une incarcération. A la barre toutefois, émue, elle reconnaît l’ensemble des faits qui lui sont reprochés et affirme « avoir honte de ce qu’elle a fait ».Le verdict
Le parquet s’appuie sur les conclusions du rapport d’examen psychiatrique et demande la plus grande fermeté du tribunal envers « cette escroc », dit-il « pour le préjudice colossal subi par la collectivité » et pour avoir « mis en danger la vie d’autrui ». Le réquisitoire est sévère.Pour l’avocat de la défense, le mandat de dépôt n’est pas justifié car la prévenue n’a jamais été condamnée. Elle cible son plaidoyer sur le statut de mère de famille de sa cliente et demande de lui laisser le temps de s’organiser avec ses cinq enfants. La défense demande l’annulation du remboursement des sommes perçues contre 1 franc, à titre symbolique. La Cafat, constituée partie civile, réclame de son côté que ces sommes soient, au contraire, remboursées dans leur totalité.Le tribunal va dans le sens du parquet et condamne la fausse infirmière à 3 ans d’emprisonnement et le remboursement de l’intégralité des sommes versées par la Cafat (plus de 56 893 000 F CFP) pour le préjudice subi ainsi que 500 000 francs, en règlement des frais de justice. Le tribunal rejette par ailleurs la somme de 1 million de F requise par la Cafat, le préjudice moral n’étant pas constitué. A l’issue de l’audience, la prévenue est allée directement au Camp-Est pour y purger sa peine. Elle pourra au terme d’un an de détention, demander un aménagement de peine.