DÉCRYPTAGE : quelle est l'influence du changement climatique sur les cyclones?

Aprés le passage de "Winston" aux Fidji
En mars 2015, le Vanuatu a subi la rage dévastatrice de Pam.  Cette catastrophe a été érigée en symbole de l'urgence climatique. Le changement climatique a-t-il un impact sur la formation de cyclones tropicaux ? Entretien avec Kevin Walsh, professeur associé à l'Université de Melbourne.

 
Y aura-t-il plus de cyclones dans le Pacifique à l'avenir ?
 
« Les prévisions climatiques futures nous laissent penser que, dans le Pacifique sud, il y aura moins de cyclones tropicaux dans l'ensemble, mais que les cyclones seront plus puissants, en règle générale. C'est cohérent avec ce que l'on observe aujourd'hui, mais le problème, c'est de savoir à quel point on peut affirmer que ces tendances sont déjà la conséquence du changement climatique. Il y a des moyens de faire ces estimations, mais nos simulations de cyclones tropicaux et de modèles climatiques ne sont pas suffisamment bonnes pour le moment. »
 
Un cyclone baptisé Raquel a frappé les Îles Salomon en juillet dernier, en dehors de la période habituelle (entre novembre et fin avril). Sait-on si le changement climatique a une influence sur les saisons cycloniques ?
 
« C'est vraiment très rare qu'un cyclone se produise à ce moment-là, mais c'est difficile de dire si c'est lié au changement climatique. »
 
 
« On a besoin de plus de données »
 
Est-ce que l'on observe des changements concernant l'endroit où les cyclones se produisent ?
 
« Il y a quelques éléments qui suggèrent que les cyclones se déplaceraient un peu au sud. Il faut surtout souligner que dans le Pacifique sud, il y a une relation étroite entre les cyclones tropicaux et le phénomène El Nino. Donc les zones frappées par les cyclones varient beaucoup d'une année à l'autre. Par exemple, quand El Nino est là, on peut avoir des cyclones jusque dans les Îles de la Société, en Polynésie française, alors qu'en général, ils ne se produisent pas là-bas. 
 
En présence d'El Nino, les températures à la surface de l'océan augmentent fortement dans le centre et l'est du Pacifique. Avec la convection atmosphérique, cela facilite grandement le déplacement des cyclones vers l'est. »
 
 
La question, alors, ce ne serait pas plutôt : le changement climatique a-t-il un impact sur le phénomène El Nino ?
 
« L'effet potentiel du changement climatique sur El Nino est une question difficile. Il y a deux ans, quand on a fait des recherches sur les cyclones dans la région des Fidji, on n'a émis aucune hypothèse sur le sujet tout simplement parce que nos données ne sont pas suffisantes pour le moment. »
 
On ne sait donc encore pas grand-chose sur les liens éventuels entre changements climatiques et les cyclones ?
 
« De nombreux possibles effets du changement climatique, en  particulier sur les cyclones tropicaux, sont difficiles à démontrer avec nos données. Il n’y a pas tant de cyclones que ça et ils sont très différents d’un endroit à l’autre, donc c’est difficile d’établir des tendances, et après ça devient plus difficile de les associer au changement climatique.
 
On a besoin de plus de données, mais on est sur la bonne voie. Notre capacité à établir un lien entre le changement climatique et des événements climatiques extrêmes est en constante amélioration, et dans le futur, on pourrait pouvoir émettre un avis similaire sur les cyclones. »
 
Si ce n’est pas le changement climatique, qu’est-ce qui pourrait expliquer que les cyclones soient moins fréquents mais plus puissants ?
 
« Il y a d’autres explications possibles. Dans le Pacifique, on a ce qu’on appelle l’oscillation décennale, ce qui veut dire qu’on observe des variations sur des décennies. C’est bien connu en Australie, où on a de longues périodes de sécheresse et de longues périodes de conditions humides qui sont associées à cette oscillation décennale du Pacifique. Donc ça peut être l’une des explications pour les hauts et les bas que l’on observe sur des périodes de 10 à 20 ans. Et c’est un processus naturel, ce n’est pas attribué au changement climatique. »
 
Kevin Walsh Spécialiste du changement climatique