5 enseignements sur l'Azerbaïdjan, ce pays du Caucase qui s'intéresse à la Calédonie

Le chef d'Etat de l'Azerbaïdjan, Ilham Aliyev, lors de l'élection présidentielle anticipée, en février 2024.
Situé à 14 000 km de Nouméa, l’Azerbaïdjan s’immisce de plus en plus dans le dossier calédonien. Dernier événement en date : la signature d’un mémorandum de coopération très controversé avec le Congrès de la Nouvelle-Calédonie. Gros plan sur une jeune république riche en hydrocarbures, qui cherche à s'imposer sur l’échiquier géopolitique.

Trois bandes horizontales bleue, rouge, verte et au milieu, un croissant de lune et une étoile… Le drapeau de l’Azerbaïdjan flotte de plus en plus souvent aux côtés du drapeau FLNKS, dans les mobilisations indépendantistes de Nouvelle-Calédonie. Ce pays du Caucase, qui a assuré la présidence du Mouvement des non-alignés de 2019 à janvier 2024, a noué des liens étroits avec les cadres de la mouvance indépendantiste. Surtout depuis le troisième référendum d’autodétermination de 2021, toujours contesté par le FLNKS. Plusieurs représentants du front se sont déjà rendus à Bakou, la capitale du pays.  

L’épisode le plus récent remonte au 18 avril, avec la signature d’un mémorandum de coopération entre le Congrès de la Nouvelle-Calédonie et le parlement d’Azerbaïdjan. Un partenariat dénoncé par les partis non-indépendantistes, qui n’ont pas été concertés sur cette initiative. Situé entre les montagnes du Caucase et les rives de la mer Caspienne, l’Azerbaïdjan reste un pays peu connu du grand public. Et pourtant, son chef d’Etat Ilham Aliyev nourrit de grands desseins pour cette république, née il y a trente-trois ans seulement. 

Le drapeau azerbaïdjanais a été hissé aux côtés des drapeaux de la Corse et du FLNKS, à la mobilisation de la CCAT, vendredi 19 avril 2024, devant le tribunal de Nouméa.


1. Un pays jeune 

Grand comme la Guyane, avec une superficie de 87 000 km2, l’Azerbaïdjan se trouve au carrefour de l’Europe et de l’Asie, avec pour pays voisins la Russie, l'Arménie, l'Iran, la Géorgie et la Turquie. Cette république laïque est née en 1991, avec l'éclatement du bloc communiste et de l'URSS.

État laïque, l’Azerbaïdjan compte près de 10 millions d’habitants, dont une majorité de Musulmans chiites. La langue du pays est l'azéri, qui est proche du turc. Elle s'écrit avec un alphabet latin contrairement à l’azéri iranien, qui s'appuie sur un alphabet arabe. 

L'Azerbaïdjan dispose d'une mince frontière avec son allié turc grâce à l'exclave du Nakhitchevan, un territoire azerbaïdjanais séparé du reste du pays.


2. Un régime autoritaire et quasi-monarchique

Malgré la tenue d'élections en Azerbaïdjan, les rênes du pays se transmettent depuis trente ans au sein d'une même dynastie familiale, à l'image de la Corée du Nord. Le président, Ilham Aliyev, dirige depuis plus de vingt ans cette ex-république soviétique. Il s'agit de son 5e mandat dans la foulée de son père, Heydar Aliyev, un ancien officier des services secrets russes du KGB, décédé en 2003. En 2017, Ilham Aliyev fait nommer sa femme Mehriban Alieva au poste de vice-présidente, un fauteuil sur mesure, créé l’année précédente.

L’Azerbaïdjan figure parmi les régimes les plus autoritaires et les plus répressifs au monde. La quasi-totalité des médias est sous le contrôle des autorités et de nombreux opposants politiques ont été jetés en prison. Reporters sans frontières classe le pays à la 151e place sur 180. Et Transparancy international place l'Azerbaïdjan parmi les très mauvais élèves en termes de corruption (154e position sur 180). 


3. Un sous-sol riche en hydrocarbures

L'essentiel des recettes du pays provient des exportations de pétrole et de gaz. En trente ans, le produit intérieur brut (PIB) a été multiplié par cinq : il est aujourd'hui de 7 530 dollars par habitant (843 000 francs, soit l'équivalent de la Biélorussie). L’Azerbaïdjan affiche une croissance de 2,5 % et un chômage de 5,9 %. La monnaie est le manat (un manat équivaut à 0,54 euro et 64 francs). 

Evolution du PIB par habitant en Azerbaïdjan.



4. L'offensive éclair contre les séparatistes du Haut-Karabakh

Depuis plus de 30 ans, un conflit oppose le pays à son voisin l’Arménie. En cause : la république séparatiste du Haut-Karabakh, un territoire grand comme la Savoie. Cette région, située en Azerbaïdjan et peuplée en quasi-totalité d’Arméniens, s’est autoproclamée indépendante en 1991. 

En septembre 2023, après un blocus de neuf mois imposé par Bakou, le régime d'Ilham Aliyev mène une opération militaire éclair sur l'enclave du Haut-Karabakh. Cette attaque fait 200 morts, dont 100 civils coté arménien, et 120 000 personnes fuient vers l’Arménie par peur de représailles. 

La "force d’interposition russe" se trouvait depuis 2020 dans le Haut-Karabakh pour protéger la population arménienne de cette enclave. Mais les militaires russes se sont résolus à quitter la zone pour se redéployer vers le front ukrainien.

Quant à l'Arménie, elle vient de saisir, en avril, la plus haute juridiction des Nations unies, la Cour internationale de justice, pour mener une offensive judiciaire et médiatique contre l'Azerbaïdjan, au sujet du territoire contesté du Haut-Karabakh.

L'enclave du Haut-Karabakh se trouve sur le territoire de l'Azerbaïdjan. Il était presque intégralement peuplé par des Arméniens avant l'offensive de Bakou en septembre 2023.


5. Une influence grandissante

Situé à un carrefour très stratégique, entre l'Europe et l'Asie, l'Azerbaïdjan cherche à devenir un acteur incontournable de la région. L'Europe importe ainsi de plus en plus de gaz azerbaïdjanais, depuis qu'elle a signé un accord avec Bakou en 2022, afin d'être moins dépendante de la Russie. Très proche de la Turquie, l'Azerbaïdjan est aussi le seul pays avec une majorité musulmane chiite à entretenir des relations diplomatiques avec Israël.

Toutefois, les tensions se sont exacerbées entre Paris et Bakou ces derniers mois, depuis l'offensive sur le Haut-Karabakh. La France, qui abrite une importante diaspora arménienne, a réaffirmé son soutien politique et militaire à l’Arménie. Depuis, l’Azerbaïdjan mène plusieurs opérations de déstabilisation et de désinformation contre la France. Ces ingérences se multiplient jusqu’en Outre-mer, avec la création en juillet 2023, d’une nouvelle structure internationale baptisée "groupe d'initiative de Bakou", composée de mouvements anticolonialistes ultramarins.

Fin décembre, des diplomates français ont été expulsés d'Azerbaïdjan. Bakou vient également d'annoncer au Lycée français et à ses 200 élèves la fermeture de l'établissement à la rentrée prochaine.

L'Azerbaïdjan va néanmoins profiter cette année d'une vitrine à l'international, en accueillant la Cop29, en novembre. Un choix qui a fait polémique, l'Azerbaïdjan ayant prévu d'augmenter d'un tiers sa production de gaz sur dix ans. C'est la deuxième année consécutive qu'un pays producteur d'hydrocarbures organise cette grand-messe du climat. En 2023, la Cop28 s'était tenue à Dubaï.