Affaire Pérès-Martinez : au deuxième jour du procès, les ombres et lumières de la victime

Salle toujours comble au deuxième jour du procès d'Olivier Pérès.
Pour le deuxième jour de procès, ce mardi, six témoins ont été appelés à la barre afin d’évoquer leurs relations avec Éric Martinez, tué par balles en 2018, au golf de Tina. Décrit comme "jovial" par les uns, "manipulateur" par les autres, il s’était inventé une carrière d’officier des forces spéciales. Une relation toxique entre l'accusé et sa victime, qui a pu altérer le discernement d'Olivier Pérès, selon les experts-psychiatres.

>>> ARTICLE COMPLÉTÉ A 22H35

Le procès d’Olivier Pérès pour l’assassinat présumé d’Eric Martinez, le 13 septembre 2018, sur un terrain de golf de Nouméa, a repris dans l’après-midi de ce mardi 8 mars, se prolongeant dans la nuit. Et pour le deuxième jour d’audience, l’heure est à l’audition des témoins afin de mieux cerner la personnalité de la victime. 

Premier témoin appelé à la barre, un proche d’Eric Martinez, avec lequel il détenait des parts dans une SCI (société civile immobilière). Il le décrit comme "un bon copain", "avec beaucoup d’humour et assez pédagogue", assurant qu’il n’a jamais eu à faire à un éventuel caractère violent de la victime.

Des comparaisons "inappropriées" avec d’autres dossiers criminels tristement célèbres 

Le même témoin avait pu découvrir les faits d’armes que s’était créés de toutes pièces Eric Martinez. Ce dernier lui avait montré des photos de lui en tenue militaire et il partageait son intérêt pour les armes. 

Quant à la comparaison, comme l’avait fait Olivier Pérès, d’Eric Martinez avec Harvey Weinstein, le célèbre producteur américain condamné pour viols et agressions sexuelles, ou encore du couple Martinez avec les époux Fourniret, qui ont défrayé la chronique dans des affaires d'enlèvements et d'assassinats, elle n’est pas appropriée selon ce témoin.

Un "homme bien"

La femme de ménage du couple Martinez a également été entendue par la cour d'assises. Elle décrit son ancien patron comme un "homme bien". Son épouse, comme étant "très amoureuse" de son mari et affectée par sa disparition. L’employée de maison confirme aussi avoir été témoin de la relation intime qu’entretenait Eric Martinez avec la femme de l’accusé, Olivier Pérès. 

"C’était un très chic type, jovial", "pas souriant au premier abord mais très sympa", ajoute un ami de la victime à la barre. "C’était pas le style de bonhomme à mentir", s’étonne-t-il, surpris d’apprendre qu’Eric Martinez s’était inventé ce passé de militaire. Au sujet des époux Martinez, il parle d’un couple "encore plus soudé depuis l’arrivée de leur fils".

Ni geste, ni parole déplacés 

L’ancienne assistante de direction d’Eric Martinez, constructeur en maisons individuelles, dépeint, elle aussi, une image positive de la victime, un homme "très exigent au niveau professionnel". "Il aimait récompenser l’équipe. Il aimait rire et échanger avec tout le monde. Il était plein d’attentions mais jamais déplacées", déclare-t-elle, avant d’assurer n’avoir jamais subi de geste ou de parole déplacés de la part de son patron. 

Une image de la victime très éloignée de celle décrite par Olivier Pérès, à l’exception de son passé de militaire, dont Eric Martinez lui avait fait part, dès son entretien d’embauche. Un autre salarié témoigne lui aussi du fait qu’il n’"a jamais vu la victime armée", avant d’ajouter : "Il était très scrupuleux sur la sécurité des armes"

>>> MISE A JOUR 16 H 20

Des témoignages plus contrastés 

Mais la lecture des auditions de témoins par la cour donne une vision plus nuancée de la personnalité de la victime. Comme cette déposition d’un ancien associé d’Eric Martinez, en septembre 2018, dans lequel il revient sur la fin de sa collaboration avec la victime, après 10 ans de relations professionnelles. 

Éric Martinez lui signifie qu’il a un cancer en phase terminale, alors que c’est faux. Selon ce témoin, toujours, il était "un coureur de jupons", "il pouvait être lourdingue avec les femmes". "Il avait une vanité énorme".

Un "pervers manipulateur"

La lecture d’une autre déposition, une ancienne employée de maison de la famille Martinez, décrit les avances que son patron lui avait faites. Face à son refus, la femme est licenciée. 

Une troisième déposition relate la relation d’une ancienne salariée et maîtresse d’Éric Martinez. Après avoir entretenu une liaison adultère avec lui, la femme est victime de chantage sexuel de la part de son amant. Face à sa résistance, il finira par lui dire : "Tu vas devenir mon pire ennemi, tu vas le regretter". Elle le qualifie de "pervers manipulateur" et dépeint un "regard froid et posé". Elle dit avoir eu peur pour elle et pour sa famille. Après une médiation pénale, l’affaire s’arrêtera là. 

Double personnalité 

"Prédation sexuelle". Les mots sont lâchés par le président de la cour d’assises, avant d’être à nouveau confortés par une autre salariée de la victime. Dès son entretien professionnel avec Éric Martinez, son patron avait abordé des sujets sexuels. "Il mélangeait les genres et m’embrouillait l’esprit", dit-elle dans sa déclaration. Il souhaitait en faire sa maîtresse, la modeler à son image et devenir ainsi son mentor. Face à son refus, elle a été licenciée, elle aussi. Elle ne supportait plus ce harcèlement, dont d’autres salariées avaient également été victimes, selon elle.

Dans ces différents témoignages, Éric Martinez apparaît comme un homme aux multiples facettes. Tout l’enjeu, pour la cour, est de savoir si cette personnalité a influencé le passage à l’acte de l’accusé. 

>>> MISE A JOUR 20 H 45 

Altération du discernement… 

Et c’est justement le rôle des experts psychiatres d’éclairer les jurés sur ce point. Le premier entendu par la cour est Guy Southwell. D’emblée, il met en exergue le caractère mythomane, mégalomane et le clivage du soi de la victime. Des traits de personnalité qui entraînent un ensemble de liens entre l’accusé, sa femme et Eric Martinez : une proximité et une éviction dans l’intimité, qui sont le début d’une relation de manipulation et d’emprise avec une suspension d’incrédulité ou du sens critique. 

Sous le coup d’une grande fatigue (il a déclaré aux enquêteurs avoir passé 15 jours sans sommeil avant son passage à l’acte) et d’une frayeur extrême vis-à-vis de la victime, Olivier Pérès n’était pas dans un état cognitif normal avant les faits. D’après l’expertise psychiatrique qui aura duré près d’un an, soit plus de 10 heures d’entretiens, l’accusé a été victime d’une altération du discernement face à une menace existentielle. 

…ou simulation mensongère ?

Pour la partie civile, représentée par Me Mimran et Me Calmet, la version des experts psychiatres est un postulat selon lequel l’accusé n’avait pas d’autres choix que celui de tuer la victime. Pour les avocats, pourquoi ne pas avoir retenu la seconde hypothèse émise par les psychiatres ? Celle de la simulation mensongère, de dessein caché de la part de l’accusé. 

Pour l’avocat de la défense, Me Henriot, cette expertise ne concerne pas la réalité des faits. Pourquoi ne pas parler pour son client d’abolition du discernement ? Selon l’expert, cette appellation est réservée à des situations spécifiques, en cas d’absence totale de libre arbitre. 

Olivier Pérès, à droite, a choisi de rester au côté de son avocat, plutôt que de s'installer dans le box des accusés.

Des zones d’ombre 

Un deuxième expert psychiatre, métropolitain cette fois-ci, est alors entendu par visio-conférence. Son analyse se rapproche de celle de son confrère calédonien. L’hypothèse de rancœur d’Olivier Pérès vis-à-vis de la victime, son rival car ex-amant de sa femme, ne peut pas être retenue. L’état anxio-dépressif et la crainte exacerbée de l’accusé face à Eric Martinez expliqueraient le passage à l’acte d’Olivier Pérès. Selon l’article 122.1 alinéa 2 du code pénal, il s’agirait alors d’une altération du discernement.  

Pour l’expert psychiatre de Métropole, si l’hypothèse de l’état anxio-dépressif est retenue, il reste une incompréhension concernant le fait que l’accusé ait rechargé son arme avant de tirer une troisième fois. 

Une famille sous le choc

Autre intervention par visio-conférence, celle du frère de Mme Martinez. En pleurs, l’homme a du mal à s’exprimer. Il décrit son beau frère comme une homme bien, un bon père. Interrogé par Me Calmet, avocat de la partie civile, il fait part, entre deux sanglots, de sa totale incompréhension. Lui-même médecin chirurgien, il rappelle que la règle numéro 1 dans le code de déontologie des médecins est de respecter la vie. La sanction, ajoute-t-il, est la radiation.

>>> Mise à jour de 22h35

Le procès a continué jusque vers 22 heures. Un couple voisin des Martinez et des Pérès a été entendu par visio-conférence. La femme a découvert le corps de la victime, appelé les secours et prévenu la police. Trois jours avant les faits, les époux Pérès les interpellent pour leur faire part de leur ressentiment envers Éric Martinez - "Il faut se méfier de lui, il a fait pression sur ma femme et elle est tombée dans ses bras."