Les chiens sauvages coûtent chaque année 50 à 60 millions de dollars aux éleveurs australiens, aux producteurs de laine, et aux autorités qui tentent de les éradiquer. Un plan national est testé, car le manque de coordination entre les états a permis aux chiens sauvages de gagner du terrain.
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D'après Australian Wool Innovation, une entreprise de R&D et de marketing de la laine australienne, la population de chiens sauvages augmente, et déciment des troupeaux, au point que des producteurs de laine et de viande de mouton sont forcés de changer de métier. La plupart d'entre eux sont d'anciens chiens de compagnie, chiens de ferme, chiens de chasse, qui se sont enfuis, et parfois ils sont croisés avec des dingos. Les chiens sauvages attaquent les troupeaux en meute, et leurs raids sont spectaculaires.
Une année, Robert Belcheur, un éleveur d'agneaux et de boeuf et producteur de laine du Victoria, a démarré avec 500 moutons mérinos, mais à la fin il ne lui restait que 9 agneaux à tondre. Bruce Moore aussi est victime des chiens sauvages. Il est éleveur de moutons à Barnard River, en Nouvelle-Galles du Sud. Un seul chien sauvage a dévoré 18 de ses moutons en peu de temps.
« Les chiens sauvages nous posent de plus en plus problème en Nouvelle-Galles du Sud, soupire Bruce Moore. Ici nous élevons des chèvres. Traditionnellement, quand il y a des sécheresses et donc pas assez de fourrage pour le bétail, les éleveurs de boeufs et de moutons envoient leurs troupeaux à l'abattoir. Mais ce n'est pas possible quand les chiens sauvages arrivent et qu'ils tuent une partie du troupeau. »
En 2015, le plan national d'action contre les chiens sauvages a été mis en place et le gouvernement fédéral a débloqué 1.35 million de dollars pour les deux premières années. Le programme d'éradication des chiens sauvages doit durer 5 ans. Cette semaine les experts et les éleveurs se sont retrouvés à Sydney pour faire un bilan. Le principal objectif du programme est de mettre sur pied une stratégie nationale, donc de faire coopérer les autorités des différent états australiens concernés.
Greg Mifsud est le coordonnateur national des recherches sur les chiens sauvages au centre de recherches coopératives sur les espèces animales invasives (Invasive Animals CRC). « Les chiens ne respectent pas les frontières, ils les traversent et font des dégâts. On a réussi à amener les gouvernements des états et les institutions responsables du contrôle des populations de chiens sauvages de part et d'autres des frontières d'état à travailler ensemble, se félicite Greg Mifsud. Ça a permis d'avancer sur la gestion du problème. »
En Australie, les appâts empoisonnés constituent la principale méthode d'éradication des chiens sauvages. Ils peuvent être largués par avion ou par hélicoptère dans certains états. D'après Greg Mifsud, la méthode est efficace quand elle est appliquée des 2 côtés des frontières entre états. Actuellement, un projet pilote est testé dans le Queensland. Pour savoir où larguer les appâts empoisonnés, un conseil régional utilise un drone équipé d'une caméra thermique pour repérer les chiens sauvages.
Le problème, c'est que libérer du poison dans la nature peut aussi avoir un impact sur d'autres animaux - en particulier les espèces endémiques, sur la végétation et les riverains. Mais cet impact peut être positif, selon le scientifique Peter Fleming. Il est le responsable de l'unité de recherches sur les espèces invasives vertébrées au sein du gouvernement de la Nouvelle-Galles du Sud: « Le largage d'appâts empoisonnés a un effet supplémentaire: les appâts tuent aussi les renard et quelques chats sauvages, explique Peter Fleming. Mais les appâts n'ont aucun impact sur les chats-marsupiaux à queue tâchetée (une espèce endémique australienne, NDLR). Il semble même que leur nombre a augmenté dans les zones où on a largué ces appâts. »
Selon l'éleveur Robert Belcheur, les appâts empoisonnés ne sont pas efficaces. Il estime que les chiens sauvages préfèrent tuer du bétail que de mordre à un appât. « Ça ne marche que dans les zones où il n'y a pas de bétail », souligne-t-il - là où les chiens sauvages ont moins de choix en terme de menu. Si l'éradication est impossible, les éleveurs et les chiens sauvages pourraient-ils tout simplement cohabiter?
« Tout dépend du type de bétail concerné, tranche Peter Fleming. Les chèvres et les moutons sont des proies faciles pour les chiens sauvages, donc ils ne peuvent pas coexister. Quant il s'agit de bovins, c'est différent. Parfois les éleveurs de bovins considèrent la présence de chiens sauvages comme un avantage parce qu'ils font fuir les kangourous, qui sont des brouteurs comme les bovins et sont donc en compétition sur les mêmes prairies. Ceci dit, on n'a pas quantifié le gain économique de la présence des chiens sauvages pour limiter le nombre de kangourous, mais c'est possible que ce soit bénéfique. »