Télécommunications : l'Autorité de la concurrence assène une sanction historique, pour accord exclusif d'importation

Le siège du groupe suédois Ericsson à Kista, au nord de Stockholm.
L’Autorité de la concurrence sanctionne le géant suédois Ericsson et la holding Intelia basée à Nouméa. En cause, leurs pratiques dans le secteur des équipements pour réseaux de télécommunications, au détriment de l'OPT et de ses usagers. Ils doivent à la Nouvelle-Calédonie 417 et 62 millions de francs CFP.

Depuis 2014, les accords exclusifs d’importation sont interdits, en Calédonie, par la loi de pays qui a créé le droit à la concurrence. Mais il est encore fréquent qu’une société se voit réserver le droit de faire venir les produits d'une entreprise extérieure au Caillou. Résultat, les clients sont obligés de s'approvisionner auprès d'un seul fournisseur et donc d'accepter ses prix. C'est pour ce genre de méthodes que l'Autorité de la concurrence a lourdement sanctionné les sociétés Ericsson et Intelia.

479 millions en tout

Le géant suédois et sa filiale française doivent à la Nouvelle-Calédonie 417 millions de francs CFP. Tandis que la holding basée à Nouméa et déployée dans le Pacifique a 62 millions à lui payer. Soit un total de 479 millions, qui s'explique par la durée de l'infraction : de mars 2014 à septembre 2024. "Poursuivies sur plus d’une décennie, résume un communiqué de l'ACNC, ces pratiques ont conféré à Intelia une exclusivité pour la distribution des produits et services Ericsson en Nouvelle-Calédonie". 

Cette exclusivité a conféré à Intelia une position monopolistique pour la distribution des solutions Ericsson en Nouvelle-Calédonie.

Décision de l'ACNC, le 24 décembre 2024

Une marque dont l'OPT dépend 

L'Office des postes et télécommunications dépend de la marque pour installer ses réseaux, à coups de marchés publics dont les montants s'avèrent très élevés. En décembre 2023, l'Autorité de la concurrence s'est saisie du dossier, relate son président Stéphane Retterer : "On a eu vent de problèmes qui avaient un impact sur le client final, l'OPT - puisque tous ses équipements sont des équipements Ericsson -, et aussi des concurrents potentiels d'Intelia qui ne pouvaient pas pénétrer le marché." 

L’exclusivité d’importation a entrainé un renchérissement des coûts pour les clients finaux, et une limitation des opportunités d’affaires pour les distributeurs alternatifs. 

Décision de l'ACNC

Un arrangement qui a évolué

Quel arrangement entre Ericsson et Intelia ? Il date de 2009. "Entre 2014 et 2020, l'accord exclusif d'importation a perduré, détaille Stéphane Retterer. Ils étaient dans l'illégalité. Ensuite, ils l'ont transformé en accord de distribution sélective : Ericsson choisit un distributeur, il peut y en avoir plusieurs s'ils répondent aux critères de sélectivité. En fait, Intelia a été le seul. Le contrat a continué comme si on était dans un accord d'exclusivité de 2020 à 2024."

L'appel à ne pas contester

"La particularité de cette affaire, souligne le président, est qu'à la fois Ericsson et Intelia n'ont pas contesté les griefs. On encourage les entreprises à aller dans ce sens, la sanction n'est pas si haute." Sans cette circonstance atténuante, elle aurait pu être 30 à 50 % plus élevée.

Le montant est en effet calculé d'après la valeur des ventes, et on approche le milliard de francs. Par ailleurs, les 400 et quelques millions sont à rapprocher du chiffres d'affaires annuel déclaré par Ericsson. 2 764 milliards de francs en 2023, c'est plus de deux fois le produit intérieur brut calédonien... 

Une manne

La somme attendue reste une manne, vu le contexte économique et budgétaire. Il s'agit de la plus grosse sanction jamais émise par l'Autorité de la concurrence envers une entreprise. Le jour de carence dans la fonction publique, voté par le Congrès trois jours plus tôt, doit par exemple entraîner 500 millions d'économie. Avec cette décision, le gendarme de la concurrence envoie aussi un message au monde économique. 

Les entreprises sont prévenues

"Il y a encore beaucoup d'accords exclusifs d'importation en Calédonie, insiste Stéphane Retterer. Parfois, ils ne sont plus écrits, parce que les entreprises savent qu'ils sont interdits depuis 2014. Mais de fait, ça fonctionne comme ça." Permettre à plusieurs importateurs de se concurrencer, c'est éviter des surcoûts. Et faire en sorte que les prix baissent. 

En général, c'est toujours le consommateur qui paie le surcoût au final.

Stéphane Retterer, président de l'ACNC