Pour certains, la sélection calédonienne devait être forcément surclassée par la Nouvelle-Zélande, 89e équipe au classement mondial de la Fifa. Une prédiction peut-être liée à la déroute concédée lors des éliminatoires du Mondial 2022, et cette défaite 7 buts à 1 à laquelle n’avaient participé que deux éléments de l’équipe actuelle : Joris Kenon et Joseph Athalé.
La mémoire est parfois sélective ou incomplète, mais les faits rappellent d’autres vérités. Malgré la différence de leur statut sur la scène internationale, avant cet énorme couac au Qatar, et depuis 2014, les Cagous s’étaient inclinés deux fois par un but d’écart, deux fois par deux buts d’écart, et avaient même accroché un nul 0-0 à Koné en novembre 2016.
Quatre tirs cadrés concédés et aucun but après 45 minutes
Lundi soir, à l’Eden park d’Auckland, "en terrain ennemi", devant 25 000 spectateurs, ils ont une fois de plus tenu la dragée haute aux All Whites. Privés de deux éléments clé de l’effectif, l’attaquant Jean-Jacques Katrawa et le milieu défensif Morgan Mathelon, blessés, les Calédoniens n’ont concédé que quatre tirs cadrés adverses en première période, sans encaisser le moindre but. Pendant 45 minutes, le quatrième meilleur artilleur de la Premier league anglaise s'est limité à une seule frappe sur cible, arrêtée par Rocky Nyikéïne.
Face à la défense regroupée composée d’Abiezer Jeno, Joseph Athalé, Didier Simane, Fonzy Ranchain et Bernard Iwa, il n'a pas réussi à ouvrir le score jusqu'à sa sortie sur blessure en début de seconde période. Lui, pourtant auteur de neuf buts dans les éliminatoires au Mondial 2026.
Alors, au coup de sifflet final, malgré la défaite 3-0, les sentiments étaient mitigés. "Mitigé, parce qu'on sait que nous aurons une seconde chance, tout en sachant qu'on avait une grosse opportunité d'accéder directement au Mondial, ce dont tout le monde rêve en tant que footballeur", livre le milieu de terrain relayeur Joris Kenon. "Tu ne sais pas quel sentiment avoir à la sortie du match. Quand tu vois ce qu'on a réalisé contre une grande équipe, celle qui domine dans le Pacifique, pendant 45 minutes, et qu'on craque sur un coup de pied arrêté, c'est difficile de tenir mentalement derrière ça. On a essayé au maximum de se créer des opportunités, ce n'était pas facile."
Un déficit de taille préjudiciable sur coup de pied arrêté
Ce qu'il a manqué ? De la taille en défense. Sur chaque corner concédé en première période, les tours de contrôle de l'effectif néo-zélandais ont pris le dessus. Si Wood a plusieurs fois manqué le cadre, Boxall a vu sa tête piquée passer juste au-dessus de la barre transversale, et Stamenic a buté deux fois sur Joseph Athalé. À l'heure de jeu, Boxall, défenseur d'1m92 de Minnesota United, en première division américaine, a finalement devancé Jeno pour fendre l'armure.
"On savait que dans le domaine du jeu aérien, du jeu direct, on souffrirait. On joue avec les qualités de nos joueurs. Ce sont de formidables manieurs de ballon. Même sous pression, ils sont capables de ressortir le ballon sans paniquer et avec beaucoup de justesse technique, expliquait le sélectionneur calédonien Johann Sidaner, après la rencontre.
L'ouverture du score a obligé les Cagous à abandonner leur stratégie défensive, pour chercher l'égalisation. Exit, le défenseur Didier Simane, excellent dans ses interventions. Dans la foulée, les All Whites lancent Barbarouses en profondeur pour porter le score à 2-0, avant une dernière réalisation de Just. "On est d'abord déçus d'avoir perdu notre finale, mais aussi contents de notre parcours. On est partis de loin, sans préparation, et on est quand même arrivés là où en est aujourd'hui", retient Joseph Athalé.
Pas de rassemblement avec les sélectionnés de l'Hexagone en 2024, pas de Super ligue depuis un an
Un constat lucide sur une sélection qui, du fait des émeutes sur le territoire l'an dernier, n'a pas eu l'occasion de se rassembler pour la Coupe des Nations 2024, comme l'ont fait ses rivaux dans la zone. Pas d'occasion de travailler la cohésion d'équipe avec les nombreux sélectionnés qui évoluent dans l'Hexagone, en National 2 et 3. Pas de compétition non plus, depuis un an, pour les joueurs de la Super ligue calédonienne.
Et pourtant, cette prestation méritante. " On a cette mentalité-là de gagneurs. On n'a pas fait cette campagne de qualification pour lâcher nos armes. On avait décidé de prouver au monde que malgré ce qu'il s'est passé chez nous, on peut aller au bout d'un rêve qui peut devenir réalité."
Même son de cloche chez Joris Kenon. "Je suis fier d'être Kanak, d'être Calédonien plutôt, parce que c'est aussi pour ça que l'on est là. C'est pour se battre pour ce beau pays. Je suis fier des gars, du staff, des soutiens que l'on a reçus, c'était incroyable de vivre ça. On doit remettre ça pour revenir plus forts aux barrages intercontinentaux, et décrocher une place au Mondial. Ce ne sera pas facile, mais il faut se battre pour ce dont on a envie."