Face aux récents scandales politiques, le Parlement australien sévit. Il a voté, ce mercredi, une motion de censure contre l'ex-Premier ministre, Scott Morrison, pour s'être nommé lui-même en secret à plusieurs portefeuilles ministériels durant la pandémie de Covid-19. Une réprimande rare et cinglante.
Le Parlement a déclaré, par un vote de 86 voix contre 50, que les actions de l'ancien dirigeant conservateur ont "érodé la confiance du public dans la démocratie australienne" et rendu impossible une véritable responsabilisation. C'est la première fois dans l'histoire de l'Australie qu'un ancien Premier ministre est formellement blâmé par la Chambre des représentants.
"Intimidation politique"
Pendant deux ans, Scott Morrison s'était auto-désigné aux postes de ministre des Finances, de l'Intérieur, du Trésor, des Ressources minières, de l'Agriculture et de l'Environnement, sans en faire part publiquement et sans en informer les ministres en place. "Il doit des excuses au peuple australien pour avoir porté atteinte à la démocratie", a affirmé le Premier ministre Anthony Albanese, dont le parti de centre-gauche a chassé Scott Morrison lors des élections de mai 2022.
Présent dans l'hémicycle pendant la majeure partie du débat, l’ancien chef du gouvernement a écouté et est resté impassible. Puis, il a défendu vigoureusement ses actions et accusé le gouvernement travailliste d'esprit partisan, d'"intimidation politique" et d'essayer d'"imposer son châtiment". Scott Morrison a exprimé certains doutes quant à la confidentialité de ses nominations et a affirmé qu'il en aurait parlé au public, si des journalistes le lui avaient demandé.
"Je reconnais que la non-divulgation des arrangements a causé une offense involontaire et je présente mes excuses à ceux qui ont été offensés."
Scott Morrison, ancien Premier ministre australien
Avant de poursuivre : "je ne présente pas mes excuses pour avoir pris des mesures, en particulier des mesures de licenciement prudentes, dans une crise nationale afin de sauver des vies et des moyens de subsistance". Une enquête récente, menée par une ancienne juge de la Haute cour d'Australie, estime que ces actes ont été "nuisibles à la confiance vis-à-vis du gouvernement" et recommande de supprimer plusieurs vides juridiques permettant aux nominations de rester secrètes.
Bientôt un organisme anti-corruption
Malgré l'indignation qu'elles ont pu susciter, les actions de Scott Morrison ont été finalement jugées légales. L'ex-Premier ministre a refusé les appels à la démission du Parlement. De son côté, Anthony Albanese a indiqué que le Parlement allait tenter de modifier la loi pour faire en sorte que les nominations ministérielles soient rendues publiques.
Après une série de polémiques comme celle-ci au sein de sa sphère politique, l’Australie a adopté, mercredi, une loi instituant un organisme national doté de pouvoirs élargis pour surveiller l'intégrité des membres du Parlement national. Il s’agit en clair d’un organisme anti-corruption qui devrait être opérationnel d'ici la mi-2023.
Restaurant la confiance
"Ce jour s'est fait attendre, c'est une victoire pour l'honnêteté, la responsabilité et l'intégrité", s'est réjoui le Premier ministre Albanese, y voyant un moyen de restaurer la confiance de l'opinion publique. L'ONG Transparency international a salué la "plus grande réforme de l'intégrité publique depuis plus de 40 ans en Australie". Canberra accuse, de son côté, un retard par rapport à d'autres pays riches pour empêcher les intérêts privés d'influencer les politiques, selon un rapport de l'organisation Human rights law centre publié cette année.