Avenir institutionnel : regards croisés de Sonia Backès et Gilbert Tyuienon sur les discussions politiques à Paris

Entretien croisé de Sonia Backès et Gilbert Tyuienon
Sonia Backès et Gilbert Tyuienon étaient les invités politiques du journal télévisé du dimanche 10 septembre. Depuis Paris, à la sortie des discussions, la cheffe de file des loyalistes et le représentant du FLNKS sont revenus sur la rencontre avec Gérald Darmanin et notamment le document de travail appelé "martyr".

Les délégations calédoniennes ont fini leur séquence politique, après une semaine de discussions à Paris. Si indépendantistes et non-indépendantistes parlent "d'une avancée", leur position diffère toujours sur la sortie de l’Accord de Nouméa.

L'occasion pour Sonia Backès, cheffe de file des loyalistes, et Gilbert Tyuienon, de la délégation du FLNKS, de revenir sur les discussions de Paris dans un long entretien donné à France télévisions pour le JT du dimanche 10 septembre.

Un document "martyr" à "martyriser"

Une base de travail est posée, à travers un document "martyr" proposé par le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin. Document provisoire constitué de 6 thématiques, remis aux deux camps, pour avis et corrections.

C'est un document "inacceptable" pour Gilbert Tyuienon, vice-président de l’UC et membre de la délégation du FLNKS : " Gérald Darmanin nous a dit que c’était un document martyr donc nous allons le martyriser, surtout pour y intégrer les éléments fondamentaux que nous avons apportés tout au long de ces bilatérales. On voudrait bien que le préambule de l’Accord de Nouméa dans son esprit et sa lettre apparaisse de nouveau." Suite à ces propos, Gilbert Tyuienon tempère : " Darmanin va nous proposer un process, un cheminement vers l’indépendance. Ça peut être quelque chose prêt à être étudié par le FLNKS à partir de là, on va échanger."

Un document a été remis à Paris. J’ai le sentiment qu’on est arrivé à un stade assez important des discussions. L’Etat sort du bois et nous met sur la table une proposition.

Gilbert Tyuienon, vice-président de l’UC et membre de la délégation du FLNKS

Dans son interview au Monde publiée samedi, Gérald Darmanin déclarait que le projet d'accord proposé par l'État prévoit "une modernisation des institutions de la Nouvelle-Calédonie", avec "des changements dans la répartition des compétences entre les trois provinces et le gouvernement", une élection du président "directement par le Congrès" et le fait que "le nombre d'élus des provinces au Congrès réponde aux évolutions démographiques".

Ce projet d’accord est plutôt bien reçu côté loyaliste, qui a le sentiment d’avoir été entendu par le gouvernement français. "C’est une vraie belle étape", souligne Sonia Backès. "On est passé à une étape supplémentaire. On ne sera sans doute pas d’accord les uns et les autres, mais au moins, nous partons sur quelque chose. C’est ce que le gouvernement a fait par la voix de Gérald Darmanin, avec ce projet dit "martyr". Les uns et les autres peuvent proposer des modifications, ajouts et retraits." 

Et l'autodétermination ?

Concernant le droit à l'autodétermination, le projet "ne propose plus de date ou de durée pour l'atteindre". Une "révolution" selon Gérald Darmanin dans Le Monde du 9 septembre, pour qui, cela retire une "épée de Damoclès". Une expression reprise d'ailleurs par Sonia Backès. " Il y a de vrais points de désaccord sur lesquels on ne peut pas céder. Voilà 35 ans qu’on vit avec cette épée de Damoclès au-dessus de la tête. On ne veut pas laisser à nos enfants ce référendum d’autodétermination parce que ça fait stagner la Calédonie. Ça nous clive." Elle revient sur le terme de référendum de projet. "Tout ça n’est pas construit encore (...) Comment fait-on pour que la consultation, s’il y a nouvelle consultation un jour, soit sur la base de l’évolution des institutions ?" questionne-t-elle. 

Le gouvernement suggère "trois conditions à discuter" concernant l'autodétermination :

  • l'éventuel futur projet serait proposé "par les Néo-Calédoniens eux-mêmes, au lieu d'une question binaire oui/non à l'indépendance."
  • les "deux tiers du Congrès" devraient le voter.
  • et un "droit de pétition pourrait être créé, accessible à partir de 50% du corps électoral."

Gilbert Tyuienon établit les attentes des indépendantistes : " On va repréciser les futures relations entre l'Etat et la Nouvelle-Calédonie. Il n’a jamais été question d’une indépendance couperet où l'on coupe toute relation avec la France. On est mi-culture française, mi-culture kanak, nous, on parle le français. Il s’agit de la formation de nos enfants, une culture qui est là depuis un certain nombre d’années. Ces relations rénovées, le terme utilisé par le président de la République de "projet original", dans la suite des accords de Matignon-Oudinot et de Nouméa, dans un premier temps, nous plaît bien."

De nouvelles discussions

Concernant l'autodétermination, le gouvernement veut aboutir à un accord d'ici à la fin de l'année, en vue d'une révision constitutionnelle début 2024. Et de nouvelles discussions sont prévues, dans l’attente de la nouvelle visite, le mois prochain, sur le Caillou, de Gérald Darmanin et de son ministre délégué Philippe Vigier. 

"Si on veut poursuivre les discussions, il faut l’impartialité de l’Etat au service de tous les Calédoniens", commente l'indépendantiste Gilbert Tyuienon. "Ce sont les conditions d’un retour de confiance. Toute décision sur l’avenir du pays doit se prendre de manière consensuelle. Sinon, on va dans le mur. C’est ainsi qu’on y arrivera."

On est au début du chemin, c’est une belle étape.

Sonia Backès

De son côté, Sonia Backès rappelle la position des non-indépendantistes : " Nous, les loyalistes, on a demandé à ne pas faire une négociation par à-coups. Il est prévu une réunion à Nouméa pour que le 11 octobre, nos points d’accord et de désaccord soient écrits. Forcément, il restera à négocier les points de désaccord mais il y a des choses sur lesquelles on est capable de se mettre d’accord.

Des propos recueillis à Paris par Serge Massau et Mourad Bouretima

L'interview de Sonia Backès

©nouvellecaledonie

L'interview de Gilbert Tyuienon

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