Avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie : les trilatérales s'ouvrent à Paris

La Première ministre accueille les délégations politiques et des membres du groupe de travail "Nickel", le 6 septembre 2023 à Matignon.
Après des mois de discussions bilatérales, le gouvernement a réussi son pari de réunir autour d'une même table indépendantistes et non indépendantistes. Un projet d'accord a été présenté aux délégations. Il sera discuté au cours des prochaines semaines, notamment à l'occasion d'une nouvelle visite ministérielle en octobre.

Près de deux ans après la tenue du dernier référendum sur l’autodétermination, indépendantistes et non indépendantistes calédoniens s'assoient enfin à la même table pour discuter de l’avenir du territoire. "Pour une fois, on va parler du fond", se réjouit-on à Matignon. Objectif : fermer la page de l’accord de Nouméa et doter la Nouvelle-Calédonie d’un nouveau statut. Cette première réunion trilatérale s'est tenue au ministère de l’Intérieur en fin d’après-midi mercredi 6 septembre. Le gouvernement se laisse un peu de marge : les discussions se poursuivront jeudi et vendredi. 

En amont, les deux délégations ont été accueillies à Matignon par la Première ministre, Elisabeth Borne. Les places réservées aux invités disent l’esprit du jour : au premier rang, l’indépendantiste Louis Mapou est entouré des non indépendantistes Sonia Backès, à sa droite, et Nicolas Metzdorf, à sa gauche.

"Je sais que vous avez une volonté commune : construire l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, entame la Première ministre. Le statu quo n’est ni possible ni souhaitable, nous devons avancer." Elisabeth Borne souhaite que le processus se fasse "dans le consensus". "Nous devons ensemble tirer les leçons du passé récent", estime la Première ministre, qui considère que le "choix binaire" proposé aux Calédoniens "n’a pas permis de définir un projet commun".

Une partie de la délégation indépendantiste arrive à Matignon.

Une première étape

Mais parvenir à renouer le dialogue ne signifie pas conclure un accord. Un sujet doit être tranché en priorité : la question du dégel du corps électoral. Pour atténuer le poids du peuplement récent et permettre aux Kanak de peser dans les décisions politiques, les signataires de l’accord de Nouméa ont imaginé un compromis : figer le corps électoral en 1998 pour les élections provinciales, qui déterminent la composition du congrès et du gouvernement local. Ces restrictions écartent des milliers d’électeurs des scrutins. 

Le corps électoral c’est un enjeu démocratique, et une évolution sur ce sujet est impérative.

Elisabeth Borne, Première ministre

Pour les non indépendantistes et le gouvernement Borne, depuis les trois victoires consécutives du "Non" aux référendums sur l’indépendance, il n’est pas question que les prochaines élections provinciales, prévues en mai 2024, se tiennent avec un corps électoral gelé. En théorie, l’agenda est serré : modifier le corps électoral implique de réformer la Constitution, et donc de réunir le Parlement en congrès à Versailles.  

Pour l’instant, la Première ministre et son gouvernement n'envisagent pas de décaler les élections provinciales, une hypothèse pourtant évoquée par une partie de la délégation non indépendantiste, et espèrent que les prochains mois suffiront à trouver un consensus. "Dans l’état actuel des choses, le calendrier de ces élections est inchangé. Nous ne sommes que début septembre", tempère-t-on à Matignon.

Le gouvernement présente un projet d’accord

Pour le gouvernement, le dégel du corps électoral est "l’unique sujet à trancher avant mai 2024", mais l’exécutif ambitionne de trouver un accord plus large. La première trilatérale depuis 2019 a été l’occasion pour le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin, et le ministre délégué aux Outre-mer, Philippe Vigier, de présenter aux délégations un projet d’accord.

"Largement amendable par les parties", selon le ministère de l’Intérieur et des Outre-mer, il servira de base aux discussions des prochaines semaines. Le document comporte six thématiques principales : le statut de la Nouvelle-Calédonie au sein de la République, les institutions locales, le corps électoral et la citoyenneté calédonienne, l’exercice de l’autodétermination, les compétences, les mesures économiques et financières et, enfin, les mesures d’application de l’accord.

"C’est la méthode que nous avions proposée il y a quelques mois, que l’État mette un projet sur la table", se félicite la loyaliste Sonia Backès. "[Gérald Darmanin] a dit qu’au mois de novembre, soit il y avait un accord (..), soit la réforme constitutionnelle aurait lieu avec a minima le dégel du corps électoral", poursuit-elle, avant de préciser que "les Calédoniens seront consultés au final sur une proposition". "C'est un tournant depuis le référendum de 2021, où on était plus dans la gestation, dans une forme d'attentisme, où les uns et les autres se jaugeaient", a déclaré l'indépendantiste Louis Mapou, au micro de nos confrères de franceinfo. "On a une base de travail, un calendrier et surtout une perspective", résume Philippe Dunoyer, de Calédonie ensemble.

Gérald Darmanin et Philippe Vigier se rendront en Nouvelle-Calédonie dans le courant du mois d’octobre pour poursuivre les négociations.