Calédoniens ailleurs : Damien Païman, caméléon rêveur

Calédoniens ailleurs : Damien Païman, caméléon rêveur
Nombre de nos compatriotes font le choix de quitter la Nouvelle-Calédonie. Études, recherche d’emploi, envie d’ailleurs, les raisons sont multiples. Mais qui sont ces Calédoniens qui tentent l’aventure hors du Caillou ? Cette semaine, Damien Païman, agent de sécurité.
 
« Ne rêve pas ta vie mais vit tes rêves. » Tel un caméléon, Damien a su s’adapter à chaque fois aux aléas de la vie pour atteindre ses objectifs. A 36 ans, si le Calédonien en a réalisé beaucoup, il continue sur sa lancée.

Cette capacité à « se fondre dans le décor », à s’acclimater, il la tient de son enfance. Né à Nouméa d’un père javanais et d’une mère métropolitaine, il passe une partie de son enfance en France. « Mes parents aimaient bouger. Nous avons habité dans le Var, puis le Massif central, puis Toulouse et sa région. » Loin des yeux mais pas loin du cœur, la petite famille s’occupe de l’accueil des étudiants du Pacifique pendant toutes ces années. L’occasion pour Damien de conserver un lien avec la Nouvelle-Calédonie. « J’ai toujours eu un fort attachement à mon Caillou. » A 14 ans, Damien est de retour sur le territoire avec sa famille. S’il ressent un « décalage culturel » au début – « j’avais grandi comme un petit métro » - il prend vite ses marques. L’ado fait même partie d’un groupe de rap pendant un temps, les Watneg menés par Resh. S’ensuit une scolarité sans histoire mais peu inspirée.
 
L’ado fait même partie d’un groupe de rap pendant un temps, les What Neg menés par Resh

Si le lycéen envisage d’être menuisier – « j’aime travailler le bois, c’est noble, pur » - et rêve surtout d’intégrer l’armée, il est orienté vers un BEP comptabilité. Un bac pro en poche en 2002, et poussé par sa mère à faire des études supérieures, il tente une licence de géographie à l’UNC. Refroidi, il choisit de rentrer dans la vie active. Après un an et demi comme projectionniste au Rex, le Calédonien décide enfin de réaliser son rêve. « J’ai toujours voulu servir mon pays. » « Je voulais aller au plus dur, intégrer l’élite : les commandos marine et fusiliers marins. » Mais Damien, un brin rebelle, voit son rêve s’envoler quand l’armée de terre lui indique que son casier judiciaire l’empêche de rejoindre ses rangs. Notre caméléon calédonien ne s’avoue pas vaincu. S’adapter, là est le secret de sa réussite. Il lance une procédure d’instruction pour annuler son casier et s’installe en métropole. A Poitiers, il retente l’université, cette fois-ci en histoire. Là encore, il tient trois semaines. Le jeune homme revoit totalement son hygiène de vie. « Je m’entraînais à fond : musculation, running, piscine. »
 
Damien a été pendant 10 ans fusilier marin

Arrivé en métropole en septembre 2004, il se présente à la semaine d’évaluation de l’école des fusiliers marins à Lorient en avril 2005. Tests physiques et psychologiques, Damien réussit les épreuves. En septembre, le voilà fin prêt à affronter la formation de cinq mois et demi. « Ça s’est bien passé mais c’était très dur physiquement. Le plus dur a vraiment été le froid, l’eau glacée. » En 2006, le Calédonien s’engage pour dix ans. Affecté au groupement des fusiliers marins de Brest puis de Cherbourg, Damien va être déployé en Martinique, en Nouvelle-Calédonie par deux fois, en Afrique de l’Est et de l’Ouest. En Somalie, il mène des missions anti-piraterie. « Nous avons subi des attaques – que nous avons repoussé – alors que nous étions une petite équipe sur un bateau civil. » Seule ombre au tableau de cette carrière tant aimée : ne pas avoir réussi à intégrer les commandos marine. En 2014, épuisé par ses stages et ses missions, miné par sa relation à distance avec sa femme, Damien fait un burn-out. Il est envoyé en arrêt maladie en Nouvelle-Calédonie pendant un an. A l’issue de cette année, il quitte définitivement l’armée.
 
Le Calédonien vit près de la Suisse avec sa femme et son fils depuis janvier 2018

Le bouleversement ne lui faisant pas peur, le jeune homme reste sur son Caillou avec sa femme. Il travaille notamment dans la location de voitures avec Jean-Luc Candat. « Pour un militaire, c’est compliqué de trouver du travail après son contrat. »  En 2017, il accueille avec son épouse un petit Kylian. Alors que le couple est en vacances en France, un ami lui propose de travailler en Suisse dans une entreprise de sécurité privée. Damien qui « rêvait de vivre au pied des montagnes » et sa femme sautent sur l’occasion. En janvier 2018, voilà la petite famille installée dans l’Ain, à quelques minutes de la frontière. « Notre nouvelle vie se passe très bien. » Mais le caméléon rêveur qui sommeille en lui n’est jamais loin. Avec son épouse, ils ont le projet d’ouvrir une micro-crèche, eux qui ont rencontré beaucoup de difficultés à faire garder leur fils. Une riche idée alors qu’il manque en France 400 000 places. « Je ne vis pas au jour le jour. J’ai une vision au long terme mais je ne suis pas fermé. Par contre quand quelque chose est décidé, je fonce. »

par ambre@lefeivre.com