Dans la vie, il y a parfois des évidences. Marine Lechene et Clément Bouchet sont amis depuis le lycée et chacun a suivi son propre chemin, pour des études dans l’Hexagone. Au fil de retrouvailles avec d’autres Calédoniens, ils décident de poursuivre leur chemin de vie ensemble; un chemin qui les emmène jusqu’à Sydney puis Townsville, dans le Nord du Queensland. A 31 ans, Marine est aujourd'hui doctorante en écologie quantitative des coraux ; Clément, 34 ans, est monteur mais aussi étalonneur et artiste en VFX (effets spéciaux).
Des études loin du Caillou
En 2010, à Montpellier, Marine se lance dans une licence de biologie. Son rêve de devenir vétérinaire ne se concrétise pas. Elle décide de poursuivre en troisième année et se spécialise plutôt dans l'écologie jusqu’en 2015, où elle obtient son master de biologie évolutive. "A la fin de mon master, généralement tu vas sur un doctorat, mais j’ai changé de domaine, c’était en 2015. Je suis rentrée en Calédonie, je ne savais pas trop quoi faire. Puis j’ai rencontré des gens à l’université qui me disaient qu’il faudrait plutôt que je m'intéresse à la science marine et à la gestion", explique Marine.
Clément est en France lui aussi, depuis 2009. Passionné de cinéma, il fait une prépa Mancav, une classe préparatoire qui permet une remise à niveau pour intégrer par la suite un BTS métiers de l'audiovisuel. A Nancy d’abord puis à Paris, pour son BTS en montage et post-production. Après un stage dans la capitale, il rentre sur le Caillou jusqu’en 2016. Auto-entrepreneur, il est monteur, étalonneur pour des courts-métrages de fictions et des documentaires, notamment pour le Festival du cinéma de La Foa.
Réunis à Sydney
En 2014, Marine et Clément sont ensemble à Nouméa. Après une période d’hésitation, la jeune femme met ses craintes et ses hésitations de côté pour reprendre des études, en Australie cette fois-ci, à l’université de Sydney. Le couple s’envole pour la grande ville en 2016; Clément décide de soutenir sa compagne et entame un visa-vacances-travail pendant qu’elle se lance dans son deuxième master.
Je me suis focalisée sur la photogramétrie, c’est-à-dire prendre des mesures à partir de photos prises sur la Grande Barrière de corail. Ça nous permet de regarder la croissance des coraux sans avoir besoin de le faire sous l’eau, car c’est long, coûteux et plutôt contraignant.
Marine
De son côté, Clément a une opportunité en or : un mois seulement après son arrivée, il est embauché. "J’ai travaillé dans une entreprise qui faisait de la post-production. Ils m’ont offert un sponsor, dès la première année. En Australie, l’industrie du cinéma se développe mais il n’y a pas assez de personnes compétentes", explique-t-il. Deux ans plus tard, une entreprise spécialisée dans les effets spéciaux le débauche. La société possède des studios à Los Angeles, Tokyo, Melbourne et Brisbane. "J’ai travaillé pour des séries Netflix, Amazon, Hulu." Une expérience qu’il retient particulièrement : en 2022, il participe à la post-production du film de la réalisatrice Jane Campion. Le film a été primé aux oscars.
Sur la Grande Barrière de Corail
A Sydney, son deuxième master en poche, Marine tente de son côté de monter un projet de doctorat entre l’Australie et la Nouvelle-Calédonie mais ne décroche pas de financement. "J’étais quasiment prête à revenir en Calédonie, car la vie à Sydney est très chère et quand j’allais rentrer, ma superviseur qui avait déménagé à Townsville m’a proposé de faire un doctorat avec elle en photogramétrie" se souvient-elle.
Marine s’envole alors pour Townsville ; Clément, avec sa résidence permanente en poche, décide de la suivre mais le Covid passe par là. Le couple reste plusieurs mois séparés avant de pouvoir se retrouver dans le Queensland. Clément y ouvre son entreprise et travaille désormais pour des projets en Australie, mais aussi pour la Nouvelle-Calédonie. "On essaye de monter une boîte avec des amis en Europe, pour travailler à l’international" explique-t-il.
Alors que Clément se plonge dans son univers cinématographique, Marine, elle, poursuit son doctorat à l’Australian Institute of Marine Science. "Entre 2018 et 2020, il y avait un énorme projet en Australie, le plus important financé par le gouvernement. Le reef restoration and adaptation program. J’ai pu commencer mon doctorat grâce à ça" indique-t-elle. Sa mission : construire des modèles 3D des coraux, pour étudier leur démographie, à partir de photos. La jeune femme met donc le cap sur la Grande Barrière de corail environ quatre fois par an. Des campagnes en mer pendant 15 jours, où elle plonge parfois jusqu’à 15 mètres de profondeur.
C’était un rêve mais je n’imaginais pas que j’allais y aller avec trois kilos de matériel, une caméra 3D et trois Go Pro.
Marine
Cartographier les récifs du lagon calédonien
La jeune femme travaille le plus souvent sur les fonds marins entre l’Australie et la Papouasie Nouvelle-Guinée jusqu’à la partie la plus au Sud de la Grande Barrière. Marine devrait achever son doctorat en 2025. "Même si pour l’instant on aimerait rester en Australie moi j’adorerais venir cartographier les récifs calédoniens en 3D" confie-t-elle. Récemment, le couple a su conjuguer ses deux univers en un : Clément fait du montage pour l’institut où travaille Marine. Il réalise des vidéos promotionnelles à partir des modèles 3D que crée la jeune femme, pour permettre de trouver des financements. "L’année prochaine, on arrive à la fin des cinq ans de financement de notre projet. On recherche actuellement des financements donc cette vidéo, c’est pour montrer les nouvelles technologies que l’on utilise pour nos actions de restauration des coraux."