“Les Calédoniens, comme de nombreuses autres populations, commencent à intégrer l'intelligence artificielle (IA) dans divers secteurs de travail. Cela peut inclure l'utilisation d'outils d'IA pour automatiser des tâches répétitives, améliorer l'analyse de données, ou encore optimiser la gestion des ressources. Les entreprises locales explorent également des solutions d'IA pour améliorer le service client et la prise de décision.”
Voilà la réponse donnée par ChatGPT, cet agent conversationnel développé par OpenAI, à la question suivante : comment les Calédoniens utilisent-ils l’intelligence artificielle au travail ? Et d’après les témoignages que NC la 1ère a recueilli, la plateforme d’OpenAI a raison.
Ils sont entrepreneurs, salariés ou encore chefs d’entreprises et tous utilisent de façon plus ou moins importante l’IA à travers différentes plateformes pour divers objectifs. L’article ci-dessous n’a pas été écrit par l’intelligence artificielle mais il en est, en tout cas, le sujet principal.
Développer ses connaissances
Léa a bientôt 40 ans et avoir recours à l’intelligence artificielle, "ce n’est pas un réflexe, ce n’est pas ma génération", confie-t-elle. Et pourtant, cela fait désormais six mois qu’elle a recours à ChatGPT pour le travail. Coiffeuse reconvertie dans l’administratif il y a quelques années, la jeune femme occupe désormais le poste d’assistante administrative dans un domaine bien particulier : la maintenance industrielle et navale.
"Je dois souvent rédiger des comptes rendus et pour mieux le faire, je fais appel à ChatGPT car il y a des termes très techniques que je ne connais pas", avoue-t-elle. Elle a été transparente avec sa direction. Cette dernière est au courant que Léa utilise l’IA "de façon raisonnée".
Ça m’est arrivée de l’utiliser pour rédiger un document officiel très important, avec beaucoup de points techniques. Il était tellement parfait que la direction s’est interrogée.
Léa, utilisatrice de l'IA
C'est plus rapide, plus efficace qu’un moteur de recherche classique comme Google, selon Léa. Elle trouve quand même des limites à l’utilisation de l'IA générative et reste prudente. "L’an dernier, j’ai repris mon activité de coiffeuse et j’ai testé ChatGPT sur un domaine que je connaissais très bien, pour voir jusqu’où il était capable d’aller. Ma confiance a baissé quand j’ai vu qu’en rentrant dans le vif du sujet, il avait ses limites."
Pour autant, l’IA reste une aide précieuse pour Léa dans son nouveau métier. Elle ne ferme pas la porte à l'envie de se former dans les années à venir, "si l’IA devait prendre plus de place dans notre société."
"C’est mon assistant personnel"
Si pour certains c’est un simple outil, pour d’autres, c’est un indispensable. À 48 ans, Claude est en passe de devenir cheffe d’entreprise en ouvrant bientôt son centre de loisirs pour chiens. Mais pour monter sa SARL, le chemin est long, parfois inconnu. Alors, elle s’est rapidement tournée vers l’intelligence artificielle pour l’aider dans les différentes étapes et notamment dans les procédures à mettre en place pour parvenir à ouvrir son centre.
"Elle me facilite tellement la vie, je n’aurais pas pu penser à tout donc c’est du temps gagné" explique-t-elle. Du temps gagné pour elle-même car en décrivant à l’IA sa personnalité et ses besoins personnels comme professionnels, l’assistant virtuel l’a aidée à organiser son quotidien. "J’ai appris tellement de choses depuis un an ! Je le vois comme mon assistant personnel", confie Claude, qui utilise quatre IA différentes.
Elle utilise entre autres ChatGPT pour le "côté créatif" mais aussi Claude, une autre IA hautement performante, qui l'aide dans son organisation professionnelle. La liste ne s’arrête pas là : la cheffe d’entreprise s’est essayée à Midjourney pour créer des illustrations ou encore Adobe express pour de la conception graphique. Pour Claude, à chaque tâche professionnelle son IA. Au total, elle dépense chaque mois environ 7 000 francs ; un prix qui, selon elle, vaut bien la peine d’être dépensé au vu des bénéfices qu’elle en tire aujourd’hui.
Si l’IA est omniprésente dans son quotidien professionnel comme personnel, Claude estime pour autant que c’est beaucoup moins addictif que les réseaux sociaux. "On ne peut pas y échapper. Alors autant sauter dans le train et voir où on va."
"Des agents dotés de super pouvoirs"
L’une des premières entreprises à avoir "sauté dans le train" en Nouvelle-Calédonie, c’est l’Office des postes et télécommunications. En 2022, il décide d'intégrer une composante innovation avec la data et l'IA. Une trentaine d'employés volontaires a été formée et déjà, "ils ont exploré les capacités de l'IA", explique Auxence Fafin, chargé de mission et membre de l’équipe innovation de l’OPT.
En 2023, on a suivi l'explosion de l'IA générative, notamment avec ChatGPT. Alors rapidement, on s'est demandé comment l'IA peut améliorer les outils mis à disposition des agents de l'OPT.
Auxence Fafin, chargé de mission et membre de l’équipe innovation de l’OPT
La machine est en marche pour l'entreprise, qui a rapidement familiarisé l'ensemble des directions afin de faire comprendre à tous l'intérêt de l'IA. "Nous avons créé notre propre ChatGPT, un portail accessible uniquement aux salariés de l'OPT. On lui a appris l'ensemble des référentiels métiers de l'entreprise et les agents peuvent échanger avec l'IA", explique Auxence Fafin.
À titre d'exemple, un guichetier peut demander à l'IA quelles sont les pièces nécessaires à l'ouverture d'un compte pour un mineur et avoir une réponse instantanée. Une tâche qualifiée de "répétitive et sans valeur ajoutée" par l'entreprise, qui souhaitent déléguer ce type de questions à l'IA pour que les agents "puissent se concentrer sur des tâches à valeur ajoutée et qu'on ait des agents dotés de supers pouvoirs".
De plus en plus de formations demandées
Depuis février 2025, près de 70 personnes ont suivi des séminaires sur l'IA au sein de l'OPT pour apprendre à utiliser cette innovation au quotidien. D'autres éléments, comme un "callbot", un agent conversationnel vocal capable de discuter en temps réel avec des clients, est en développement. D'où l'une des craintes, soulevées par beaucoup : l'IA supprimera-t-elle des postes ? "L'IA ne peut pas remplacer l'humain mais il y a un risque qu'un humain formé à l'IA vous remplace", souligne Auxence Fafin.
Mehdi Mahroug, expert et formateur en IA sur le territoire, a déjà formé plus de 1 000 Calédoniens. Lors d'une interview sur notre antenne radio le 11 février, il indiquait que l'IA n'est pas un phénomène de mode. Plutôt "quelque chose qui est en train de s'ancrer très fortement dans la société, comme Internet en son temps".
Impossible pour l'heure d'avoir des chiffres clairs sur le sujet, en particulier depuis la disparition de l'observatoire du numérique. Mais depuis mars 2023 et plus particulièrement depuis le début de l'année, l'engouement pour l'IA en Calédonie ne tarit pas : Mehdi Mahroug est de plus en plus sollicité pour former des comités directeurs de grandes entreprises, des chefs de service. Mais aussi beaucoup de patentés, "qui ont compris que l'IA changeait complètement leur façon de travailler et pour certains, permettait d'améliorer leur productivité" explique l'expert.