Quand Emmanuel Macron avait visité la base navale de Sydney au printemps 2018, il avait tenu à saluer plusieurs marins français et australiens qui participaient à des exercices militaires. La plupart des militaires français venaient de Nouméa. C’était avant le 15 septembre 2021 et la rupture avec l’Australie, c’était au temps de l’amitié et de l’alliance entre Paris et Canberra.
Axe indo-Pacifique
Toujours en Australie, le président de la République avait évoqué sa volonté de consolider un axe stratégique indo-Pacifique qui relie les terres françaises de l'océan Indien, comme La Réunion ou Mayotte, à celles de la Polynésie et de l'archipel calédonien. Le lien de confiance avec l’Australie paraissait fort, et il l’était.
L'Australie change d'avis
Un peu plus de trois ans ont passé, la légèreté avec laquelle Naval Group et la France ont été traités par les Etats-Unis, l’Australie et le Royaume-Uni laissera des traces. Le sentiment de trahison qui domine dans l’opinion française est sans doute légitime. Jean-Yves Le Drian, le ministre des Affaires étrangères, l’a clairement exprimé.
Dans ce contexte, certains internautes voudraient lier la décision australienne à la tenue du référendum en Nouvelle-Calédonie. Cette opinion est très minoritaire. Mais le soupçon s’exprime, principalement sur Twitter.
Près de trois mois avant
Faut-il le rappeler, l’annonce australienne a été faite près de trois mois avant la consultation des Calédoniens. La décision australienne a été annoncée pour des raisons qui n’ont rien à voir avec le référendum prévu le 12 décembre prochain.
L’Australie, qui devait s’engager dans une nouvelle étape du contrat de construction des sous-marins français, et avait décidé de renoncer, se devait de rompre le contrat, avant une nouvelle échéance technologique et financière qui intervenait fin septembre.
Aucun lien avec le référendum calédonien
L’approche du référendum calédonien du 12 décembre et la décision australienne du 15 septembre -de renoncer aux sous-marins français- est donc pure coïncidence, mais cela suffi à éveiller l'inquiétude, le soupçon.
"Ce revirement ne pouvait plus mal tomber alors qu’un référendum sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie doit avoir lieu en fin d’année," déclare l’avocat Michel Ferrand dans une tribune au quotidien L'Opinion.
A l’occasion d’une discussion (tchat) organisée le vendredi 16 septembre par Le Monde, un internaute questionne les journalistes Elise Vincent et Piotr Smolar :
"Va-t'il y avoir des conséquences sur le référendum de Nouvelle-Calédonie suite à ce revers stratégique ? La France peut-elle se permettre de renoncer à la grande surface d'eaux territoriales de la Nouvelle-Calédonie ?"
Les journalistes du Monde : "Aukus" ne remet nullement en question les 9 millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive (ZEE) détenus par la France dans la région indo-pacifique, notamment grâce à la Nouvelle-Calédonie."
Pour Guillaume Tabard, éditorialiste à Radio Classique, le revirement australien est un camouflet qui ne doit pas remettre en cause la présence française dans la région :
"Pékin et Washington se défient dans le Pacifique et ils ne veulent pas de nous. Rappelons juste qu’un troisième référendum a lieu à la fin de l’année sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie. On mesure avec cette affaire combien une présence française dans le Pacifique reste importante.
Complot australien, vraiment ?
En revanche, sur Twitter, de façon le plus souvent anonyme, s’expriment des opinions qui vont dans le sens d’un "complot australien pour 'nous' séparer de la Nouvelle-Calédonie (…) voire "pour s’emparer éventuellement de ses ressources en nickel que veulent (sic) les Australiens, les Anglais et les Chinois." Il ne manque que les Américains et les Russes...
Aucune preuve n’est évidemment avancée, et pour cause il n’y en a pas. Rappelons aussi que l’Australie détient sur son sol d’énormes réserves de nickel.
De son côté, exprimant un autre point de vue, l’ancien ministre des Transports, Dominique Bussereau, a donné son sentiment : "J’avais accompagné le Premier ministre Manuel Valls au retour de Nouvelle-Calédonie et de Nouvelle-Zélande à Canberra aussitôt après la signature du contrat des sous-marins (2 mai 2016.) En reniant sa parole, l’Australie n’aide pas à la stabilité dans le Pacifique." Un constat frappé au coin du bon sens.