À l’issue d'une journée marathon durant laquelle les 11 personnes interpellées mercredi, dont Christian Tein ont été auditionnées par des juges d'instruction puis présentées aux juges des libertés et de la détention. Ce samedi vers 22h30, la décision tombe comme un couperet. Un juge des libertés et de la détention (JLD) a décidé de placer les suspects en détention provisoire dans des prisons situées sur le territoire hexagonal.
Le procureur de la République, Yves Dupas a confirmé ces " affectations en métropole", mais il ne souhaite pas en dire plus.
Dans la matinée de ce samedi, les militants de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT) " avaient été déférés devant des juges d'instruction dans le cadre de l’ouverture d’une information judiciaire, les actes sont en cours ", indiquait le procureur.
Cette enquête vise notamment des faits d'association de malfaiteurs, de vols avec armes en bande organisée, de complicité par instigation de meurtres ou de tentatives de meurtre sur personnes dépositaires de l'autorité publique.
Détention provisoire à effectuer dans l'Hexagone
- Christian Tein, responsable de la Cellule de coordination des actions de terrain, sera transféré à la maison d'arrêt de Mulhouse dans la région Grand-Est.
Son avocat Maître Pierre Ortet qui a fait part de sa "stupeur" a indiqué ce samedi soir qu'ils ont fait appel de cette décision.
Personne ne détenait l'information au préalable que la destination serait la métropole. Ce sont des procédures parfaitement exceptionnelles par rapport au territoire".
Me Pierre Ortet, avocat de la défense
D'autres mis en cause sont concernés par ces "affectations".
- Frédérique Muliava, directrice du cabinet du président du congrès Roch Wamytan sera incarcérée à la prison de Riom, près de Clermont-Ferrand dans le département du Puy-de-Dôme, en région Auvergne-Rhône-Alpes. Son avocate, Me Christelle Affoué dénonce "une décision parfaitement choquante et éprouvante".
Une décision parfaitement choquante et éprouvante
Me Christelle Affoué, avocate de la défense
- Brenda Wanabo-Ipeze, chargée de communication de la CCAT sera maintenue en détention préventive à la prison de Dijon, en région Bourgogne. Selon son conseil, Me Thomas Gruet, "extrêmement choqué et abasourdi" à l'issue de ces convocations, a indiqué que Brenda Wanabo-Ipeze "qui n'a jamais appelé à la violence" va être séparée de sa famille. Mère de trois enfants, dont le dernier aura 4 ans, la militante est "dévastée" par cette décision. Citoyenne engagée dans la vie de sa commune, elle est présidente de l'association Mwâ Ni Jë. Ce collectif regroupe l'ensemble des partis politiques indépendantistes, les syndicats et les associations progressistes de la commune du Mont Dore. Dans un communiqué de presse, le bureau de l'association avait vigoureusement dénoncé cette garde à vue.
Toutes les erreurs dans la gestion de la crise ont été commises de la part de l'institution judiciaire qui a répondu à des considérations uniquement politiques.
Me Thomas Gruet, avocat de la défense
- Guillaume Vama agriculteur engagé dans l'agroforesterie et sa promotion dans le cadre de chantiers scolaires, sera détenu à la maison d'arrêt de Bourges dans le département du Cher, en région Centre-Val de Loire.
S'il s'agissait d'en faire des martyrs de la cause indépendantiste, on ne s'y prendrait pas autrement !
Stéphane Bonomo, avocat de la défense
Certains suspects ont pu apercevoir quelques instants leurs proches venus les soutenir. La femme de Christian Tein a éclaté en sanglots après avoir pu embrasser son mari, a constaté une journaliste de l'AFP. L'avocat de Brenda Wanabo-Ipeze est revenu peu avant minuit avec une grande valise rose contenant quelques effets personnels pour sa cliente, avant son départ en métropole.
À suivre d'autres convocations...
D'autres suspects entendus par le juge d'instruction ont demandé un délai. Ils paraîtront à nouveau, mardi prochain, devant le juge des libertés et de la détention. Il s'agit notamment de Joël Tjibaou, fils du défunt leader indépendantiste et signataire des accords de Matignon Jean-Marie Tjibaou. Son avocate Me Claire Ghiani précise qu'il a été placé en détention à Nouméa.
"S'il s'agissait d'en faire des martyrs de la cause indépendantiste, on ne s'y prendrait pas autrement", a commenté Me Stéphane Bonomo, avocat d'un autre mis en cause, Gilles Jorédié.
Ces décisions interviennent six semaines après le début des violences qui agitent le territoire français du Pacifique Sud, les plus graves depuis celles des années 1980.
Nourries par le vote d'un projet de loi constitutionnel visant à élargir le corps électoral calédonien pour le scrutin provincial prévu fin 2024, ces émeutes ont fait neuf morts, dont deux gendarmes, des centaines de blessés et des dégâts considérables, d'un coût estimé à 1,5 milliard d'euros, selon le dernier bilan, soit plus de 175 milliards de francs pacifique.