Crise en Nouvelle-Calédonie. "La situation économique est catastrophique" évalue Pierrick Chatel de la Confédération des petites et moyennes entreprises

Pierrick Chatel, secrétaire général de la Confédération des petites et moyennes entreprises de Nouvelle-Calédonie (CPME-NC)
Les petites et moyennes entreprises de Nouvelle-Calédonie traversent une période difficile après les émeutes de mai 2024. Pierrick Chatel, secrétaire général de la CPME-NC, alerte sur l’effondrement de la consommation et la précarité croissante. Alors que des aides et des solidarités ont été mises en place, l’incertitude économique reste de mise pour l’avenir.

Le bilan est morose dans les commerces en ce début d'année 2025. Après les émeutes de mai dernier, les petites et moyennes entreprises de Nouvelle-Calédonie peinent à se relever. Pierrick Chatel, secrétaire général de la Confédération des petites et moyennes entreprises de Nouvelle-Calédonie (CPME-NC), était l'invité du journal télévisé de NC la 1ère le jeudi 2 janvier. Au micro de Steeven Gnipate, il dresse un bilan inquiétant : effondrement de la consommation, chômage en hausse et précarité grandissante. Malgré des élans de solidarité et des dispositifs de soutien, l'incertitude économique et institutionnelle continue de fragiliser les TPE-PME locales. Entretien.

NC la 1ère : Que disent les inventaires [les commerçants inventorient leurs stocks en cette période, NDLR] sur la santé économique de vos adhérents ?

Pierrick Chatel : Ces inventaires disent que la situation économique est catastrophique. Mais comme indicateur de notre mauvaise santé économique, je prendrais plutôt le nombre de chômeurs. Au mois d'octobre, l'ISEE (l'institut de la statistique et des études économiques) indiquait que 9 000 salariés étaient au chômage, sur les 68 000 que compte le secteur privé. En tout, près d'un quart des salariés de ce secteur sont dans une situation de précarité. Cette situation entraîne effectivement des pertes de revenus, donc une baisse de pouvoir d'achat, une baisse de consommation. Les Calédoniens font des choix de conserver leur argent pour se nourrir et pour se loger. Mais ce qu'il faut dire aussi, c'est que derrière tout ce déballage de chiffres, ce sont des situations familiales, personnelles qui sont dramatiques. Et puis, ce nombre de chômeurs entraîne des recettes fiscales en moins pour les collectivités et pour le fonctionnement du pays. Aujourd'hui, notre économie est toujours en phase de sauvegarde.

Après les émeutes de 2024, combien d'entreprises ont réussi à se relever aujourd'hui et à relancer leur activité ?

P.C. : Celles qui ont réussi à se relever, c'est en premier lieu celles qui dépendaient de groupes, comme les groupes nationaux ou internationaux, et qui ont pu bénéficier dans une certaine mesure de leur soutien. Mais les TPE, les très petites entreprises, qui n'ont pas une surface financière, qui n'ont pas de trésorerie, qui étaient déjà fragilisées en raison de la crise Covid, en raison de la crise en Ukraine, qui a considérablement augmenté le coût des matières premières, celles-là, elles se sont débrouillées autrement. On a vu, par exemple, dans le secteur des services à la personne, une solidarité, une entraide pour, par exemple, qu'un coiffeur puisse continuer son activité en bénéficiant d'un fauteuil chez un confrère. Pareil pour les esthéticiennes, pour les cabinets médicaux, c'était la même chose. Chez les TPE-PME, il y a eu cet effet de solidarité qui a pu maintenir à flot l'activité. Mais cela n'est pas suffisant.

Les dispositifs de soutien, comme le chômage partiel, ont-ils permis d'éviter les fermetures en chaîne ? Ou est-ce que les entreprises sont encore en grande difficulté aujourd'hui ?

P.C. : Toutes les mesures de soutien à l'emploi, comme le chômage partiel, ont surtout servi à maintenir les compétences et à amortir la baisse de pouvoir d'achat par le biais de ces mesures-là. Mais encore une fois, c'est loin d'être suffisant puisque l'on se rend compte aujourd'hui qu'il y a un effondrement de la consommation, qu'il y a une incertitude qui est liée à la situation institutionnelle. Donc la CPME-NC, à l'instar de l'ensemble des acteurs économiques, que ce soit les représentants des entrepreneurs ou les représentants des salariés, demande le maintien des aides. Depuis le mois de septembre, on demande le maintien de ces aides, ou en tout cas qu'elles puissent continuer à être financées par l'État jusqu'en mi-2025 pour que l'on puisse avoir une visibilité à moyen terme.

La CCS, la Contribution calédonienne de solidarité, passera de 2% à 3% en avril. Est-ce que cette hausse pourrait compliquer la reprise pour les petites entreprises ?

P.C. : Bien naturellement, la hausse de la CCS, c'est de la consommation en moins. On a constaté un effondrement de la consommation. Même les fêtes de fin d'année n'ont pas servi à compenser, et loin s'en faut. Donc la CCS, la TGC, toutes les réformes qui sont actuellement menées par nos élus sous, il faut bien le dire, l'action de l'État qui tord un peu le bras au gouvernement, ce sont des réformes qui sont effectuées au jour le jour. Nous, on plaide pour une réforme qui soit globale, pour qu'elle puisse véritablement correspondre à un nouveau modèle économique qu'on réclame depuis des lustres.

À voir ou à revoir le reportage de Natacha Lassauce-Cognard et Carawiane Carawiane.

©nouvellecaledonie