DECRYPTAGE. Le difficile chemin vers le divorce des Calédoniennes de statut coutumier

DIVORCE ET STATUT COUTUMIER ©nouvellecaledonie
En Nouvelle-Calédonie, deux statuts civils différents se côtoient, le statut de droit commun et le statut coutumier. Dans ce deuxième cas, les questions de divorce, garde d'enfant et partage des biens sont régies par la coutume. Si les femmes kanak rencontrent plus de difficultés pour faire reconnaître leurs droits, les associations font beaucoup pour améliorer la situation.

Après une dizaine d'années de vie commune, Marie* s'est séparée de son conjoint, violent. La jeune femme est de statut coutumier. "Le premier mois, quand je me suis sauvée de la maison avec ma fille, c'était dur", témoigne-t-elle. "Déjà, préparer les démarches pour la séparation. Je suis partie au commissariat déposer une plainte pour violences et menaces. Et j'ai attendu deux-trois mois pour faire les démarches pour le tribunal."

Je voulais que personne ne sache que j'étais en train de faire ça. Par peur des représailles, des retours de la famille, de la belle-famille.

Marie*

Pas de pension

Habituellement, après séparation, les enfants restent dans le clan paternel. Mais le conjoint était violent. C'est la raison pour laquelle Marie* a pu obtenir la garde de ses enfants. En revanche, pas de pension alimentaire. Ni de compensation financière.

Je vais recommencer à zéro, j'ai rien. J'ai dépendu de lui. On a tout fait, tout construit, ensemble.

Marie*

Avis des chefs de clan

À l'association la Case juridique kanak, des juristes renseignent les femmes de statut coutumier sur leurs droits. Pour une dissolution du lien conjugal, il faut l'avis des chefs de clan des deux époux. Sans réponses des autorités, au bout de trois mois, la conjointe peut obtenir un acte de carence. "Avec ce PV de carence, beaucoup ont tendance à croire que 'c'est fini, je ne peux plus avancer dans mon souhait de me séparer'. Non, justement, elles peuvent continuer la procédure, intégrer ça au dossier pour saisir le juge des affaires familiales au tribunal de première instance", insiste Océane Trolue-Uhila, membre de la Case juridique kanak.

Le cas des enfants

Les enfants "appartiennent" au clan du père. Pour autant, une femme peut en demander la garde si elle assure qu'ils recevront l'éducation coutumière du clan paternel. Pour le partage des biens, même sur terre coutumière, une femme peut demander une compensation financière. 

Le plus difficile, c'est d'aller demander. C'est ça qu'on dit dans nos permanences : 'N'hésitez pas. Il faut faire le pas, il faut demander. C'est le fruit de votre sueur.' Et on est là, on les accompagne.

Océane Trolue-Uhila, la Case juridique kanak

Des idées à déconstruire

Les associations de femmes se mobilisent depuis des années pour réclamer davantage d'égalité et de justice. Elles ont obtenu des avancées. Mais concernant les femmes de statut civil coutumier, le chemin reste long pour déconstruire des idées venant du patriarcat.

"Porter ces questions à un niveau institutionnel"

"Quand j'ai pu travailler avec le Sénat coutumier, il y avait ce que j'ai pu appeler un intérêt", indique Oriane Trolue, déléguée à la marche mondiale des femmes pour la région Océanie. "Il faut passer de ça à un intérêt coutumier de porter ces questions à un niveau institutionnel, parce que ça va affecter le quotidien dans les structures coutumières. Dans la tribu, les clans, la famille, les districts." Des féministes qui demandent des études pour analyser les déséquilibres entre hommes et femmes. Elles réclament aussi plus d'espace de débat pour mettre à plat les questions d'égalité de genres.

*Le prénom a été modifié pour respecter l'anonymat.