DECRYPTAGE. Réforme fiscale : la Calédonie se rapproche-t-elle du modèle métropolitain ?

La direction des services fiscaux.
"Réforme fiscale, un an plus tard" [4/4]. Au gré des décennies, la fiscalité calédonienne tend à prendre le même chemin que celle de l'Hexagone. Avec le projet du gouvernement, la proportion des prélèvements obligatoires devrait se rapprocher encore du niveau national.

"À ce rythme-là, nous serons bientôt plus taxés qu'en Métropole." Sur les réseaux sociaux, la remarque revient régulièrement dans les commentaires sous nos publications concernant la fiscalité. En réalité, l'écart demeure plutôt conséquent, pour le moment. "Nous sommes encore loin de la taxation métropolitaine. En Calédonie, le taux de prélèvements obligatoires représente 34 % du PIB, contre 45 à 46 % du côté de l'Hexagone", explique Samuel Gorohouna, maître de conférences en sciences économiques à l'UNC.

Autrement dit, le montant des versements effectués à l'administration par les particuliers et les entreprises, qu'ils soient directs ou indirects, reste inférieur d'une dizaine de points à la Métropole. "Ce taux moyen apparent de pression fiscale plus faible est en partie lié aux transferts de l'Hexagone, qui représentent 140 à 180 milliards de francs et qui financent notamment le personnel de l'éducation. Ce sont autant de financements qui ne sont pas trouvés sur les Calédoniens", note Olivier Sudrie, économiste à la tête du cabinet DME et auteur de la plupart des études commandées par le gouvernement calédonien.

Des structures similaires

Si la pression fiscale calédonienne demeure inférieure à celle de la Métropole, la philosophie locale de l'impôt emprunte largement au modèle national. "C'est le cas pour la fiscalité directe, assise sur des revenus, avec l'impôt sur le revenu ou celui sur les sociétés. C'est le cas également pour la fiscalité indirecte, avec par exemple la TGC. Il y a aussi les contributions à vocation de financement de la protection sociale, comme la CCS qui ressemble étrangement à la CSG au niveau national", énumère Olivier Sudrie.

"Si on prend les taxes comportementales comme celles sur le tabac, on a des années de retard mais on suit le même chemin", abonde Samuel Gorohouna. Et de compléter : "Sur d'autres types de taxes, comme celle à venir sur les plus-values immobilières, c'est un peu le même sujet : on réalise quelque chose qui va ressembler à ce qui se fait en France.

Les structures fiscales sont donc à peu près comparables même si le poids de la fiscalité indirecte "a historiquement toujours été un peu plus fort en Calédonie qu'au niveau national", nuance Olivier Sudrie. Dans une note de synthèse rédigée il y a quelques années à destination des étudiants, l'historien calédonien Luc Steinmetz expliquait que, de 1859 au milieu des années 1970, la perception de droits indirects représentait 75 % des recettes fiscales, "la taxe à l'importation ainsi que les droits de sortie sur les exportations de minerai occupant une place majeure". La fiscalité directe a ensuite pris plus d'importance.

Les niches fiscales

Les structures fiscales calédonienne et métropolitaine se ressemblent jusque dans la prise en compte des "niches", des avantages qui permettent à certains contribuables de diminuer le montant de leurs impôts dès lors qu'ils remplissent certaines conditions. "Vous avez par exemple en Calédonie la défiscalisation d'une partie des revenus au personnel de maison. Le dispositif existe aussi en Métropole à travers le système des chèques emploi-service", commente Olivier Sudrie.

En Nouvelle-Calédonie, les niches représentent chaque année entre 30 et 40 milliards de francs CFP, soit près de la moitié du budget propre. La nécessité de réexaminer ces mécanismes est commune au Caillou et à l'Hexagone. "Certaines sont justifiées, comme les défiscalisations d'investissements à condition qu'elles s'accompagnent de créations d'emplois. Mais sur d'autres exemptions, ça complexifie les dispositifs fiscaux et l'efficacité n'est pas toujours avérée", souligne le gérant du cabinet DME.

La révision des niches fait justement partie des pistes envisagées pour la réforme de l'IRPP, l'impôt sur le revenu des personnes physiques.

Vers une hausse des prélèvements

Outre la suppression ou la modification de certaines niches, le gouvernement envisage de revoir à la hausse les taux d'imposition pour améliorer le rendement de l'IRPP. À l'exception de l'impôt sur les sociétés, dont il est prévu qu'il baisse de 5 %, cette logique d'augmentation a vocation à s'appliquer, avec la réforme, à de nombreuses autres taxes : la TGC, la taxe sur les plus-values immobilières, la CCS, la contribution foncière, la redevance routière ou encore la micro-taxe sur les transactions financières. 

De quoi laisser augurer d'une hausse conséquente du niveau de prélèvements obligatoires. D'autant que "depuis plusieurs années, le ralentissement très sensible de la croissance calédonienne induit une baisse des recettes. Dans le même temps, les dépenses ne cessent d'augmenter. Pour couvrir cette différence, il faudra forcément augmenter le taux de prélèvement", prédit Olivier Sudrie.

En d'autres termes, le modèle calédonien risque fort de se rapprocher encore du modèle métropolitain, avec les limites que cela peut impliquer. Gaël Lagadec, maître de conférences en sciences économiques, ne mâche pas ses mots. "Pour moi, en France, on est au bout de ce système. On additionne tout ce qui ne va pas : l'endettement, les records de prélèvement, de dépenses publiques et malgré tout des services publics dont tout le monde est de plus en plus mécontent. Pour faire simple : le contribuable n'en a pas pour son argent", fustige l'ancien président de l'UNC.