"La dissolution met fin au projet de loi constitutionnelle sur la Nouvelle-Calédonie tel qu’il a été voté par les deux chambres". C'est en ces termes qu'Alain Christnacht a réagi, sur sa page Facebook, au lendemain du séisme politique provoqué par l'annonce d'Emmanuel Macron. L'ancien haut-commissaire, qui avait activement participé aux négociations des accords de 1988 et 1998, a étayé son argumentaire en citant l'article 2 du texte.
Il "donne pour date-limite d'application la date du 1er juillet. Or, d'ici le 1er juillet, le Congrès de Versailles ne pourra être réuni puisque le second tour des législatives est le 7. Et après le 7, le Congrès ne pourra pas voter un texte qui comporte une limite au 1er juillet", a estimé Alain Christnacht dans sa publication, expliquant qu'il faudrait dès lors "éventuellement tout revoter dans les deux chambres car le Congrès ne peut pas modifier un texte voté par les deux chambres".
Un avis partagé par le député sortant Philippe Dunoyer, partisan du retrait du projet de loi. "Je considère qu'il va falloir changer le texte, revenir à l'Assemblée nationale et au Sénat. Nous n'aurons pas le temps. Le sujet du dégel doit être traité au sein d'un accord", a-t-il affirmé lors de son passage au journal télévisé, lundi 10 juin. "Il faut recommencer le processus depuis le début", nous a de son côté indiqué le constitutionnaliste Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à l'université Paris II.
Une question d'interprétation
La réponse à cette interrogation ne fait pas pour autant l'unanimité. Maître de conférences en droit public à l'UNC et directrice adjointe du LARJE (Laboratoire de recherches juridique et économique), Léa Havard a passé "toute une journée à plancher sur la question" avec ses confrères spécialistes sans parvenir à dégager un consensus.
"Juridiquement, rien n'empêcherait le Congrès d'adopter le texte postérieurement à cette date, même si la date indiquée est antérieure à l'entrée en vigueur", estime la chercheuse d'autant que "les projets de révision de la Constitution ne peuvent être retoqués par le Conseil constitutionnel. Il n'y a aucune limite ou presque à l'étendue du pouvoir constituant".
Une situation inédite ?
L'obstacle ne serait dès lors pas juridique mais politique. "Si rien n'empêche le Congrès de voter le texte, cela paraîtrait tout de même ubuesque que les parlementaires valident le projet eu égard à cette date du 1er juillet. Un tel vote soulèverait de nombreuses questions par la suite", explique Léa Havard, qui ne souvient pas qu'une telle situation se doit déjà produite.
De son côté, le député Nicolas Metzdorf, rapporteur du projet de loi et partisan de son maintien, se montrait plutôt confiant lundi, au lendemain de la dissolution de l'Assemblée nationale.
"Le texte reste dans le circuit et un Congrès de Versailles peut toujours être réuni pour l'adopter. Simplement, il sera certainement décalé après le mois de juin [...] On verra si le président ou la nouvelle majorité voudront passer le texte au Congrès de Versailles", nous a indiqué l'ancien maire de La Foa.
Si l'impulsion ne peut venir que de l'exécutif, l'incertitude demeure encore quant au retrait ou à la poursuite du processus parlementaire. Lors de son court déplacement sur le territoire, fin mai, le chef de l'Etat a certes promis qu'il n'y aurait "pas de passage en force". Mais il n'a depuis annoncé formellement ni l'abandon du texte, ni son maintien.
Retrouvez ci-dessous les prises de position de Philippe Dunoyer et Nicolas Metzdorf concernant le fait de tenir ou non le Congrès de Versailles :