Dimanche soir, une heure à peine après les résultats du scrutin européen, Emmanuel Macron a annoncé dissoudre l'Assemblée nationale et convoquer de nouvelles élections législatives les week-ends des 29/30 juin et 6/7 juillet prochain. Cette décision marque la fin immédiate des mandats de tous les députés, et donc des travaux parlementaires en cours.
Une dissolution particulière
"C'est une dissolution assez singulière" juge Benjamin Morel, politiste et constitutionnaliste, maitre de conférence à l'Université Paris II. "Ce n'est pas une dissolution dite de confort qui suit une élection présidentielle comme en 1981, poursuit-il. Ce n'est pas non plus une dissolution plébiscitaire, comme avec de Gaulle en 1962 ou 1968. C'est une dissolution qui ressemble un peu à celle de 1997. On a une majorité fragile, une situation politique déplorable pour le chef de l'État et donc il essaye de reconquérir une majorité rapidement, par surprise, en pariant sur la division de son opposition. Ça n'a pas marché en 1997, on verra bien si cette fois ça marche."
Depuis l'annonce de la dissolution dimanche soir, les députés ne sont plus députés, et tous les partis politiques se mettent en ordre de marche pour désigner des candidats pour les 577 circonscriptions législatives françaises, dont 27 outre-mer. "Ça va être une campagne extrêmement courte, pour trouver les financements, pour trouver les candidats et pour former les alliances." juge le spécialiste. D'après un décret paru ce lundi, les candidats ont jusqu'au dimanche 16 juin, 18 heures, pour déclarer leur candidature.
"On repart de zéro"
"Tout ce qui se passait à l'Assemblée nationale n'est pas suspendu, mais rendu caduc, autrement dit tous les projets qui étaient discutés disparaissent", explique Benjamin Morel. C'est le cas pour le projet de loi sur la fin de vie qui était débattu à l'Assemblée par exemple. "Si on devait demain le remettre sur le chantier, on devrait tout recommencer depuis le début."
Les futurs textes législatifs dépendront donc des résultats des nouvelles élections législatives organisées à la fin du mois. Ils devront être remis à l'ordre du jour pour être de nouveau débattus et votés. Le projet de loi Mayotte, attendu depuis plusieurs mois sur place et qui devait être présenté en conseil des ministres en juillet, est ainsi suspendu. Sur place, le sénateur Saïd Omar Oili explique : "Nous avons un délai très court, il faut qu'on s'attache à avoir une majorité à l'Assemblée pour donner une chance à la loi Mayotte."
"On repart de zéro." simplifie le maitre de conférence. Cela vaut pour les textes portés par les députés ultramarins, comme la proposition de loi déposée par la Réunionnaise Nathalie Bassire visant à "re-départementaliser" les départements d'Outre-mer. Les commissions d'enquête sont aussi à l'arrêt, dont celle lancée sur les essais nucléaires réalisés en Polynésie jusqu'à la fin des années 1990.
Dégel du corps électoral en Nouvelle-Calédonie
Autre dossier important : l'avenir du texte visant à dégeler le corps électoral de Nouvelle-Calédonie pour les élections provinciales. Voté dans les mêmes termes par le Sénat et l'Assemblée nationale, le texte attendait d'être étudié en Congrès de Versailles, nécessaire pour toute modification constitutionnelle. "Il faut recommencer le processus depuis le début", assure le constitutionnaliste Benjamin Morel.
Les élus calédoniens s'inquiètent de l'avenir du dossier. Philippe Dunoyer, député sortant, n'a pas encore annoncé sa nouvelle candidature : “Les Calédoniens n’ont toujours pas récupéré la sécurité à laquelle ils ont droit, ni les libertés publiques qui leur ont été coupées, déplore le Calédonien auprès de Nouvelle-Calédonie La1ère. Et cette dissolution leur impose une nouvelle priorité qui n’est pas la leur et qui est celle d’organiser des élections pour redésigner leurs représentants à l’Assemblée nationale”. Position partagée par Nicolas Metzdorf, rapporteur du texte de loi à l'Assemblée nationale.
"Rien ne changera sur le statut constitutionnel de la Nouvelle-Calédonie avant le mois de septembre probablement, juge encore Benjamin Morel. Il va falloir réélire les membres du bureau de l'Assemblée et après cela auront lieu les Jeux Olympiques." À la rentrée, un nouveau texte pourrait être évoqué, rendant difficile l'organisation d'élections provinciales avant la fin de l'année. "Ce sera extrêmement juste au vu des délais électoraux pour tenir les élections provinciales en Nouvelle-Calédonie au mois de décembre, lance Benjamin Morel. On peut, à ce stade, sans certitude, parier rationnellement sur un report de ces élections, probablement au printemps 2025."