C'est la quatrième fois que Will Nerho, alias Willstyle, est victime de contrefaçon. Le grapheur et illustrateur de 45 ans, originaire de Houaïlou, a été prévenu, cette fois-ci, par des connaissances il y a quinze jours. "On m’a alerté que des choses à moi étaient vendues sous forme de colliers, porte-clés et boucles d’oreilles."
Willstyle a fait lui-même ses recherches pour remonter la piste de ces contrefaçons. "La personne est basée en France. Mais elle envoie aussi des bijoux ici. Ils sont vendus depuis 2023."
Actuellement, l'artiste est en pourparlers avec l'auteur présumé du délit. "La personne reconnaît les faits car j’ai déjà travaillé avec elle, il y a longtemps. Je suis un peu colère parce qu’elle me connaît et qu’elle a vendu impunément mon travail."
Pour l’heure, Willstyle n’a pas encore déposé plainte. Il ne désespère pas de trouver un terrain d’entente.
La grande leçon qu’il faut tirer de cela, c’est : comment je concilie promotion et protection de ce que je fais.
Evariste Wayaridri, responsable de la Sacenc
Quatre affaires en huit ans pour la même artiste
Evariste Wayaridri est responsable de la Société des auteurs et éditeurs de Nouvelle Calédonie (Sacenc). Selon lui, l'artiste doit maîtriser la promotion de ses œuvres sur la toile.
"C’est toujours difficile de se mettre à la place des artistes car le droit d’auteur, c’est un droit qui est lié à la personne. C’est à lui de voir. C’est lui qui est maître de la situation. La grande leçon qu’il faut tirer de cela, c’est : comment je concilie promotion et protection de ce que je fais".
En 2016, la Sacenc avait accompagné Isabelle Staron-Tutugoro, une autre artiste victime de contrefaçons. La plasticienne avait obtenu gain de cause. "J’ai assigné quatre magasins de la place en justice, en huit ans. Le pire, c’est que cela continue. C’est désolant. Ils n’apprennent rien de ces affaires-là."
Ils s’organisent pour être insolvables. Ils changent de nom, de Ridet.
Isabelle Staron-Tutugoro, artiste
Des procédures coûteuses pour les victimes
Or, il y a beaucoup d’argent en jeu, à chaque fois. Problème : même si les auteurs de ces contrefaçons sont presque toujours condamnés, la victime, elle, se retrouve souvent lésée financièrement. "Ils s’organisent pour ne pas payer, pour être insolvables. Ils changent de noms, de Ridet."
Pour chaque affaire, Isabelle Staron-Tutugoro dit dépenser un minimum d’1,5 millions de francs, rien qu’en frais d’avocat, auxquels il faut rajouter les frais d’huissier. "C’est très compliqué et très coûteux à chaque fois. Il faut un avocat en Calédonie et un avocat à Paris. Chaque fois qu’il fait une assignation, c’est un coût."
Un processus difficile moralement
Le plaignant doit prouver que l’œuvre originale a été diffusée largement, publiquement et antérieurement à la contrefaçon. Et il faut également apporter des témoignages. "C’est vraiment un processus très difficile moralement. Et c’est pour ça que beaucoup d’artistes au pays ne vont pas jusqu’au bout, c’est dissuasif."
Isabelle Staron-Tutugoro, elle, a pu compter sur le soutien de sa famille au fil des procédures mais aussi de la Sacenc pour la première affaire. "Cela n’avait jamais été fait au pays auparavant, signale l’artiste. C’est très important d’être entouré dans ces moments-là."