Des Calédoniens décrivent les méthodes d'un escroc présumé

Les motos confiées à MS pour réparation ont été récupérées en piteux état par leurs propriétaires.
Des habitants de Païta et de La Foa ont été victimes d’un homme se disant mécanicien. MS a passé quelques mois sur le Caillou et fait des dégâts sur leurs véhicules, avant de rentrer dans l’Hexagone. L’affaire avait été révélée par nos confrères de France 3 Occitanie, début mars. Place, ici, aux témoignages de ces Calédoniens qui se disent floués.

"C’est pas grave", répète cet ancien légionnaire, comme pour s'en convaincre. Après son récit, difficile d'y croire. Le sentiment de s’être fait berner semble encore vif chez Fred, pompier volontaire à La Foa. Depuis qu’il a confié sa moto à MS, il marche pour embaucher à la caserne. Un trajet quotidien de 40 minutes, avant et après ses gardes.

C’est l’histoire de Calédoniens qui se fient à un homme tout juste arrivé sur le Caillou, et prétend s’y connaître en mécanique. Des Calédoniens qui se retrouvent avec des épaves, en tout cas avec des véhicules qui ne sont toujours pas en état de marche, et en pire état qu’initialement.

Des vidéos sur les réseaux 

Par le bouche à oreille, Fred, Sarah et Samuel entendent parler de lui, début 2023. MS les met en confiance, embarque les véhicules, et traîne pour les réparations. Il s’en sert, aussi. "Plus ça allait, plus je voyais des vidéos sur ma moto sur les réseaux sociaux, raconte Fred. C’est là que j’ai appris qu’il a roulé à 160 km/h dans le village, sans casque. Il s’est filmé…"

Quand Fred exige de récupérer son bolide, MS joue au chat et à la souris. "La moto avait juste un faux contact. Maintenant, j’ai un cylindre et une boîte de vitesse à changer, une fuite moteur et le faisceau est toujours HS." Estimation du préjudice : 200 000 à 300 000 francs. Il a porté plainte. "Mais la justice nous a fait comprendre qu’il n’y aurait pas de suite, sauf si on prend un avocat, et l’assurance aussi, vu qu’il n’y avait pas de papier." C'est-à-dire pas de document prouvant qu'il a confié son deux-roues.

Je suis pompier volontaire. On n’a pas des mille et des cents. J’ai mis neuf mois à payer cette moto, en me serrant la ceinture. Et à l’arrivée, là, il va falloir que je refasse la même chose.

Fred, une victime

  

Sarah aussi, a porté plainte à la gendarmerie. Cette mère célibataire de trois enfants avait confié sa voiture à un premier garage à La Foa. "J’avais un message qui s’affichait. Il y avait un problème avec la boîte de vitesse. Ils avaient déjà pas mal travaillé dessus, je payais petit à petit les réparations. Mais il manquait l’outil pour diagnostiquer le dernier problème."

"Il faisait le beau"

MS passe alors dans ce garage, explique qu’il va en reprendre un autre dans la zone industrielle de La Foa. Il dort d’ailleurs sur place et a le matériel pour faire le diagnostic. Alertée, Sarah décide de lui confier son véhicule. "Je connaissais le garagiste qui l’hébergeait. Je ne me suis pas méfiée. Le doute est arrivé quand j’ai vu les vidéos : il roulait à 200 km/h pour rejoindre Nouméa. Il faisait le beau, clairement. J’étais choquée."

Elle marchait très bien, cette voiture, et après lui, elle n’avançait plus et ne reculait plus. C’est le mec qui vend tout, il vend des belles paroles.

La patronne d’un garage à La Foa

Au moment de notre rencontre, le 4x4 de Sarah était toujours immobilisé au garage. "Un ami qui travaille dans une station-service l’a vu arriver et a entendu ma boîte de vitesse claquer. Du coup, je me retrouve avec une voiture que j’ai retapée pendant un an et qui ne roule plus." Estimation du préjudice : plus d’un million de francs.

Contacté, le procureur de la République explique que les infractions étaient "insuffisamment caractérisées", c'est pourquoi les deux plaintes ont été classées sans suite. "Le mis en cause a contesté les faits reprochés qui se rattachent à une activité de garagiste."

"Il y a des preuves"

MS a été auditionné par les gendarmes. "Pourtant, il y a des preuves avec les vidéos et ses achats de pièces détachées. Que quelqu’un qui est insolvable ne soit pas considéré comme responsable de ses actes au regard de la loi, je trouve ça dégueulasse", fulmine Sarah.

Si elle parle aujourd’hui, c’est pour que cela serve à d'autres. "Il est parti de Calédonie certes, mais il laisse des ardoises, des voitures et des motos inutilisables. On sait très bien que ça va se reproduire dans l’Hexagone, de toute façon. Si ça peut éviter à d’autres personnes d’être arnaquées… C’est le but."

C’est quelqu’un qui me faisait un peu peur quand même parce qu’il disait qu’il avait fait la guerre en Ukraine, et qu’il pouvait tuer quelqu’un à mains nues… Après, il m’a bloquée complètement sur les réseaux, et a quitté la Calédonie.

Sarah, une victime

"Pour que ça coûte moins cher"

Samuel aussi, lui a confié sa moto. "J’avais un problème : elle capotait dès qu’on atteignait 100 km/h. Je m’étais renseigné sur internet et le problème semblait venir des injecteurs. L’objectif était de simplement faire des réparations, comme un ami, pour que ça coûte moins cher." Il ne connaissait pas MS, mais bien sa compagne, qui était une amie d’enfance.

"Au final, je me suis retrouvé avec plus de 100 000 francs de dépense sur la moto, et je n’ai pas encore fini de tout réparer, confie cet habitant de Païta. J’ai fait d’autres découvertes, récemment : des choses qui étaient en bon état, et qu’il a cassées. C’est bien camouflé, il faut démonter le carénage de la moto pour le voir. C’est impressionnant."

C’est un petit bricoleur... A la limite, je dirais que je suis meilleur en mécanique que lui ! Surtout que je connaissais ma moto par cœur, donc quand j’ai vu les dégâts, ça m’a un peu irrité. Un peu beaucoup.

Samuel, une victime

Son deux-roues, MS l’a gardé trois semaines. Et a largement dépassé les limites de vitesse… jusqu’à atteindre les 290 km/h. "Je n’ai pas porté plainte car je savais que ça n’irait pas loin : il ne m’aurait jamais remboursé. Il s’est sauvé… et pour le rattraper, c’est assez compliqué. Je suis dégoûté qu’il ait croisé ma route."

"Il est parti comme un voleur"

Dernière victime identifiée, Marie-Georgette Kaouda, qui tient une table d’hôte à la tribu de Ouatom. Elle l’a hébergé, nourri, "j’ai lavé son linge aussi" pendant un mois. "Il est parti sans prévenir, comme un voleur. C’est dommage : il faisait le gentil, on pensait que c’était quelqu’un de bien." La note s’élève à 80 000 francs. On signale d’autres personnes flouées à Ouatom, Sarraméa et à la presqu'île Lebris.