Des sociétés de BTP condamnées à payer plus de 164 millions pour des malfaçons à l’Université

Le campus de Nouville, université de la Nouvelle-Calédonie
Cinq ans après la livraison du pôle de recherche et de pédagogies innovantes (Sigma), l’Université de Nouvelle-Calédonie réclamait plus de 225 millions de francs aux entreprises chargées de la construction et au contrôleur technique. Le tribunal administratif a tranché.

Depuis 2018 trône au-dessus de la grande cour du campus, à Nouville, le pôle de recherche et de pédagogies innovantes. Un bâtiment ultramoderne de 3 600 m2 pour faire passer l’Université de Nouvelle-Calédonie dans une autre dimension.

C'était l'objectif du projet, intitulé Sigma. Un projet à 1,8 milliard de francs, dont la moitié a été financée en fonds propres par l’établissement universitaire. L'édifice héberge l’institut des sciences exactes et appliquées (Isea), regroupant des dizaines de chercheurs, le pôle Pépite, un laboratoire d’expérimentation « Fab Lab », un studio de production audiovisuelle et une salle de montage multimédia… Bref, du matériel et des instruments de haute technologie au service de la recherche de pointe et du rayonnement de l’UNC.

Sauf que Sigma a donné des sueurs froides aux responsables de l’Université. En cause, la survenue d’importantes malfaçons.

Des malfaçons sur la « structure porteuse »

Des réserves avaient été émises dès la réception du bâtiment, en août et en octobre 2018. Ce n’est finalement qu’en juin 2021, révèle un jugement du tribunal administratif, que des « désordres » sont apparus « sur les éléments de la structure porteuse ». L'UNC avait alors été contrainte « d’interdire l’accès à certains locaux du bâtiment et aux places de parking situées au-dessus de la zone de glissement ».

L’expert judiciaire relève que la solidité des poteaux est compromise à terme et que ces désordres sont de nature à compromettre la stabilité de la salle MMI.

Un expert judiciaire avait été désigné pour déterminer d’éventuelles responsabilités des membres du groupement de maîtrise d’œuvre qui avaient remporté cet énorme marché.

Son rapport est tombé en janvier 2022. Les conclusions : trois poteaux en béton armé, supportant la salle des métiers du multimédia et de l’internet (MMI), présentaient « des fissures traversantes » avec, pour l’un d’eux, « une déformation transversale ».

En cause, d’après l’expert, « une erreur de conception » en « l’absence d’étude de faisabilité »« L’expert judiciaire relève que la solidité des poteaux est compromise à terme et que ces désordres sont de nature à compromettre la stabilité de la salle MMI et à la rendre impropre à sa destination, de sorte qu’ils entrent dans le champ de la garantie décennale », souligne le jugement.

Une expertise contestée

C’est sur la base de ce rapport que l’UNC a demandé la condamnation solidaire des membres du groupement de maîtrise d’œuvre et du contrôleur technique, ainsi que de leurs assureurs respectifs, à lui verser 225 478 301 francs CFP, en réparation des malfaçons.

Au cours de la procédure et devant la juridiction administrative, les sociétés de BTP ont remis en cause « le sérieux des travaux de l’expert judiciaire », soutenant que le rapport final devait être écarté de la procédure car « entaché d’irrégularités ». L’expert judiciaire aurait ainsi, selon elles, « manqué à l’accomplissement de sa mission », indiquant par la suite que « l’évaluation des causes du sinistre n’était pas précédée d’une procédure contradictoire suffisante ».

Des arguments balayés par les magistrats.

Réparation financière

La juridiction a donc fini par trancher le litige en retenant que les malfaçons étaient « imputables à la maîtrise d’œuvre et au contrôleur technique en raison du choix retenu pour assurer la stabilité des fondations ».

L’Université réclamait dès lors une réparation financière, « au titre des études et des travaux engagés pour la mise en sécurité du site, le retrait de la lentille et les réparations de gros œuvre » ainsi que « la remise en état du talus et du parking ». Ainsi qu'une indemnisation pour « la perte d’exploitation des zones du bâtiment Sigma n’ayant pu être utilisées pendant la période d’interdiction d’accès à la salle MMI, au parcours de santé, à la terrasse et aux places de parking ».

Le tribunal a finalement considéré que l’UNC devait être dédommagée à hauteur de 164,8 millions de francs en réparation des malfaçons.

Les sociétés du groupement de maîtrise d’œuvre et le contrôleur technique, condamnés, ont un délai de deux mois pour faire appel du jugement.