Dix ans de résidence pour accéder aux logements aidés en province Sud : une mesure "antisociale" pour le président de la Sic

Petelo Sao, président du conseil d'administration de la Sic, invité du JT de NC la 1ère le 22 août 2024.
Hausse des impayés, logements vacants, dégradations... La Société immobilière de Calédonie a vu ses pertes s'accélérer depuis le début des émeutes. Petelo Sao, le président de son conseil d'administration, revient sur les risques qui pèsent sur le logement social en Nouvelle-Calédonie et la "discrimination" désormais imposée aux locataires qui ne justifient pas de dix années de résidence en province Sud.

Avec 11 000 ménages, soit près de 27 000 locataires, la Société immobilière de Nouvelle-Calédonie héberge près d'un Calédonien sur dix. Pourtant, l'horizon s'annonce bien sombre pour le premier bailleur social du pays. Il risque la cessation de paiements dès le premier semestre 2025.

Trois mois après le début de la crise, le pourcentage de loyers impayés atteint les 52 % et ce taux continue d'augmenter en août. Or, son modèle économique repose essentiellement sur le paiement des loyers.

À cela s'ajoutent les logements inoccupés. Ils représentaient 14 % du parc avant les émeutes, contre 16 % aujourd'hui. Ce qui pourrait mettre en péril le modèle économique de l'entreprise.

La situation est critique.

Petelo Sao, président de la Sic


Des travaux de rénovation reportés

Depuis le début des émeutes, malgré l'ampleur des impayés, "il n’y a pas eu d’expulsions de locataires de la Sic", assure le président de son conseil d'administration. Mais Petelo Sao confirme que "la situation est critique" pour l'entreprise et plus largement pour le logement social en Nouvelle-Calédonie. "Je ne sais pas quel adjectif il faudrait trouver pour exprimer cette crise que nous traversons."

En trois mois, la Sic a perdu 700 millions de francs, ce qui correspond d'ordinaire au manque à gagner sur une année.

Parmi les trois piliers de son plan de survie, la société prévoit "des économies drastiques sur des opérations prévues et que nous n’allons pas pouvoir mener, notamment des travaux de rénovation sur de grands ensembles", annonce Petelo Sao. Avant de préciser que ces décisions sont prises "sans pour autant menacer l’hygiène des locataires ou sacrifier leur sécurité".


Quel soutien des collectivités ?

Sur la question de la dette -le deuxième pillier-, Petelo Sao assure que la Sic a "déjà eu des retours positifs du prêteur l’AFD [agence française de développement]". "Ils ont préservé une ligne de crédits qui nous permettra d’affronter les mois qui viennent."

Enfin, le troisième levier porte sur les aides extérieures, qui pourraient venir des "collectivités compétentes en matière de logement et d’habitat pour sauver le soldat Sic".

En Nouvelle-Calédonie, la compétence du logement est exercée par le gouvernement et les provinces. "Il y a des mesures qui ont été prises pour aider [les Calédoniens] à payer leurs factures d’électricité. J’attends des retours des collectivités pour savoir quels soutiens elles peuvent apporter aux bailleurs sociaux", interpelle le président de la Sic.

Pour Petelo Sao, il n'en va pas seulement de l'avenir de l'entreprise aussi des 27 000 personnes qu'elle héberge. "Il faut leur apporter une réponse urgente."


L'aide au logement, toujours pas versée en juillet

Autre mauvaise nouvelle : l'aide au logement, qui bénéficie à près de 10 000 foyers calédoniens, se retrouve, elle aussi, menacée. "À l’heure où l’on se parle, la part mensuelle de l’aide au logement ne nous a pas été versée en juillet. Elle représente 160 millions de francs", signale Petelo Sao.

La Société immobilière de Nouvelle-Calédonie a alerté le gouvernement, actionnaire de la Sic, sur l'importance de pérenniser l’aide et son financement. "On n'a aucune visibilité", s'inquiète son président. "Je me vois mal demander à nos locataires, déjà en situation critique, de payer le loyer sans aide au logement."

Ces discriminations et ségrégations aux dix ans de résidence ne vont pas dans le sens d’un vivre-ensemble.

Petelo Sao, président de la Sic


Créer un seul et même code de l'habitat

Enfin, le président de la Sic a réagi sur la mesure votée en juillet dernier par l'assemblée de la province Sud concernant l'accès au logement social. Désormais, toute personne souhaitant faire une demande doit justifier de dix ans de résidence en province Sud.

"Cette mesure a un impact antisocial", s'insurge Petelo Sao, qui a voté contre cette réforme en assemble de province. "Le logement est une priorité et touche l’ensemble de la population. Ces discriminations et ségrégations aux dix ans de résidence ne vont pas dans le sens d’un vivre-ensemble. Il faut absolument réformer l’environnement du logement social en Nouvelle-Calédonie et non pas le scléroser sur les provinces."

Petelo Sao se dit favorable à une réforme du système actuel, en créant un seul code de l’habitat, "qui permettrait de répondre à toutes les familles calédoniennes".