Des dizaines de traités avec les peuples aborigènes

L'Australie du Sud emboîte le pas du Victoria. Le gouvernement de l'état annonce l'ouverture de négociations avec des dizaines de peuples aborigènes. C'est historique.
Cette politique suscite la colère de la presse de droite. Pour l'éditorialiste le plus célèbre d'Australie, Andrew Bolt, elle est discriminatoire. C'est un « néo-racisme ».

« Notre ambition est de signer un traité d'ici la fin 2017, quelle que soit sa forme, a annoncé Kyam Maher, le ministre des Affaires indigènes au gouvernement de l'état, interrogé sur ABC. Si ce sont des traités séparés avec chacun des peuples aborigènes d'Australie du sud, bien sûr les négociations vont prendre du temps, mais nous sommes déterminés et nous nous y attelons dès aujourd'hui. » 
 
Parmi les organisations aborigènes impliquées dans ces négociations: l'association des terres traditionnelles Adnyamathanha, la corporation aborigène de la côte de l'extrême-ouest, ou encore l'autorité régionale Ngarrindjeri. 
 

Le contenu de ces futurs traités est très flou 

 
À ce stade, on n'a aucune indication sur la forme et le contenu que ces traités prendraient. Pas plus que l'on ne sait si des compensations financières seraient incluses dans les négociations.  
 
« Nous n'avons pas d'idée préconçue sur le contenu du traité, ni de la forme qu'il prendra. Cela doit être soumis à consultation, estime Kyam Maher. Mais il y a des thèmes qui sont régulièrement évoqués par les Aborigènes de l'état depuis deux ans: ils veulent un cadre juridique qui les autorise à être impliqués dans la mise en place de mesures, qui doivent toutes tendre vers cet objectif: le développement économique et l'indépendance pour les communautés aborigènes. » 
 
L'ancien Tauto Sansbury, du peuple Narungga, est l'un des négociateurs de ces traités. Il a passé sa vie à s'occuper des Aborigènes en milieu carcéral, en tant que président du comité d'Australie du Sud pour la justice pour les Aborigènes. 
 
« La situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui est due au fait que nous ne nous sommes jamais assis ensemble autour d'une table pour négocier un traité, qui nous soit favorable, souligne Tauto Sansbury. Regardez le taux d'incarcération des Aboigènes en Australie, il ne cesse d'augmenter. Notre taux de suicide est l'un des plus élevés au monde, pareil pour le taux de sans-abris, et l'espérance de vie est très basse. Nous devons mettre à plat beaucoup de dossiers. Et on doit les inclure dans le traité, pour commencer à changer les choses. » 

 

Les traités, « un néo-racisme » et « un retour à l'âge de pierre »

 
La politique de réconciliation du gouvernement travailliste d'Australie du Sud, classé au centre-gauche, provoque l'indignation de l'éditorialiste du quotidien-tabloïd de droite Herald Sun, le célèbre Andrew Bolt. Selon lui, « le gouvernement de Jay Weatherill poursuit son retour à l'âge de pierre avec ce plan, qui revient à "retribaliser" la nation, en signant une série de traités avec des groupes d'Australiens parce qu'ils sont de "race" aborigène. C'est un néo-racisme, et la destruction du principe des Lumières qui veut qu'il y ait la même loi pour tous, sans discrimination de race. »   
 

Le Victoria, en tête de la course aux traités

 
Les négociations sur des traités avec les Aborigènes s'ouvrent à peine en Australie du Sud, mais l'état voisin du Victoria a une longueur d'avance. C'est le premier état australien à avoir lancé un processus de consultations, en mai dernier, à Melbourne et dans plusieurs villes de l'état, comme Ballarat et Mildura. L'ambition est de signer un traité d'ici 2018. 
 
Mardi le comité consultatif a fait un état des lieux des discussions dans le cadre d'une conférence publique. Là encore, comme en Australie du Sud, la forme et le contenu du traité victorien restent très brumeux.
Première difficulté
Il faut définir qui est légitime, dans le Victoria, pour représenter tous les Aborigènes. Avec qui le gouvernement du Victoria signerait ce traité? Les réponses restent vagues, mais les membres du comité consultative aborigène, qui regroupe les anciens de divers peuples du Victoria, planchent sur ces questions.  
 
« Pour nous le but de ce traité, c'est d'être invité à la table des dirigeants, pour mener des discussions sur l'éducation, l'histoire australienne, faire en sorte que les langues aborigènes soient enseignées dans les salles de classe, explique Janine Combs, qui siège au comité consultatif en vue du traité, en tant que représentante de la fédération des corporations de propriétaires traditionnels du Victoria. Ce traité doit nous garantir que notre voix sera entendue quand des politiques sont mises en place, sur l'accès à la justice, à la santé, aux allocations. » 
 

Au niveau fédéral: pas de traité, mais une reconnaissance des Aborigènes dans la Constitution 

 
L'Australie du Sud et le Victoria ouvrent la voie. Mais au niveau fédéral, le gouvernement n'est pas prêt à s'engager dans un traité avec les Aborigènes.
Début décembre, le Premier ministre libéral, Malcolm Turnbull, et le chef de l'opposition travailliste, Bill Shorten, ont répété qu'ils étaient en faveur d'un référendum en vue de la reconnaissance des Aborigènes dans la Constitution.
Le conseil du référendum doit donner ses recommandations pour la formulation de la question qui sera posée d'ici le 30 juin 2017.
Après la reconnaissance dans la Constitution, Bill Shorten appelle de ses voeux la négociation d'un traité national - ce qui n'est pas le cas de Malcolm Turnbull. 
 
Un militant aborigène de Tasmanie, l'avocat Michael Mansell, propose quant à lui de créer un 7ème état dirigé par les Aborigènes, avec son propre Parlement et son propre système judiciaire.