La stratégie des industriels chinois et indonésiens répond à un objectif principal ; faire baisser le prix de revient des voitures électriques. Or, le nickel des batteries compte pour beaucoup. Son prix doit donc baisser lui aussi. Ce sera le cas, annonce le groupe Tsingshan.
La Chine semble parier sur une baisse des prix du nickel. Son fleuron industriel, Tsingshan, pense que le marché sera même bientôt encore plus en surcapacité. Cette "stratégie nickel" s’appuie sur les capacités croissantes de l’Indonésie. Elle ne fait l’affaire ni de l’Australie ni de la Nouvelle-Calédonie.
Situation du marché
Le nickel est sous la pression de la force du dollar qui renchérit les achats de matières premières et de métaux industriels, et de la baisse du yuan, la monnaie chinoise. "Les flux financiers montrent une sentiment dominant, la tendance à moyen terme est "vendre", pour le cuivre comme pour le nickel", a indiqué le négociant industriel Marex Spectron, vendredi soir au LME de Londres.
Poches de résistance
Certes, il y a des poches de résistance, comme le plan américain de relance des infrastructures, mais pour le moment elles sont insuffisantes. "Cela dit, avril et surtout mai, devraient voir une possible reprise de la demande en nickel", a précisé l’analyste Alastair Muro, car "à mesure que les prix baissent, ils offrent des opportunités aux investisseurs, aux fabricants de batterie et aux sidérurgistes".
Du nickel par substitution
Le premier aciériste mondial est aussi l'un des premiers producteurs et consommateurs de nickel. Tsingshan est un conglomérat chinois, fondé en 1992, qui emploie plus de 40.000 personnes. Il est classé au 110e rang du Top 500 des entreprises chinoises, tout secteur confondu. Il produit 20 % de l’acier inoxydable mondial, et c’est lui qui a disrupté le marché du nickel dont les cours sont redescendus sur terre après son annonce. Il pense modifier la composition chimique des batteries en rendant possibles l’utilisation de mattes de nickel initialement destinées à d'autres secteurs de l'industrie.
"La matte est un concentré, un sulfure de nickel, il faut ensuite l'oxyder pour disposer d'un sulfate pour les batteries. Et les chinois en ont eu l'idée", a indiqué à la 1ère un spécialiste de l'industrie calédonienne. Ce n'est certes pas la façon la plus propre ni la plus simple pour y parvenir, mais le risque de pénurie s'éloigne et avec lui la hausse des cours du nickel.
Tsingshan, prendrait-il ses désirs pour des réalités ? En tout cas, la prudence est contrebalancée par l’historique du groupe chinois, dont les prévisions ont tendance à se réaliser...
L’Indonésie comme partenaire
Tsingshan dispose de réserves à l’échelle d’un pays : l’Indonésie et ses 21 millions de tonnes de nickel. À l’horizon 2025, le prochain géant économique ambitionne d’être le premier pays à réaliser l’intégration de toute la filière ; du minerai de nickel jusqu’à la production de voitures électriques, en passant par les batteries. Le soutien de la Chine semble acquis ; Pékin pourrait ainsi étendre son influence tout en réalisant ses propres objectifs environnementaux.
Pour Alastair Munro, qui résume l'opinion de la Bourse des métaux de Londres, "le fait saillant, c’est que les stratégies nickel de la Chine et de l’Indonésie sont complémentaires et qu’elles bénéficient d’un soutien au niveau gouvernemental".
Un potentiel de baisse du nickel
Marex Spectron et l’agence Reuters ont rapporté qu’un responsable du géant Chinois voit désormais "un potentiel de baisse des prix du nickel dans un contexte de hausse rapide de l’offre". Le maître de forges asiatique n’hésite pas à enfoncer le clou et envoie un message au marché mondial du nickel (LME), à travers un mot, relevé par l'agence Reuters, qu'un responsable de Tsingshan a prononcé au détour d’une phrase : "surcapacité". Pour appuyer sa démonstration, il indique que "les exportations de ferronickel, de fonte, ou de sulfate indonésiens devraient grimper à 900.000 tonnes cette année". Un grand bond en avant...
En comparaison, la production calédonienne équivalente serait légèrement supérieure à 100.000 tonnes, et ce n’est pas un mince exploit. Sauf que la rentabilité des usines du Territoire est encore loin d’être acquise. La baisse des cours annoncée par le géant Chinois, si elle s'accentue, risque de faire mal.
Prudence est mère de sureté
Le français Boris Mikanikresai, analyste quantitatif au Metal Bulletin (Fastmarkets), se montre plus circonspect : "Chinois et Indonésiens savent que la transition énergétique va créer un déficit sur le marché du nickel, du coup ils ont tout intérêt à en proposer qui soit compatible pour les batteries. Mais c’est loin d’être gagné, car leur manière de produire n’est pas vraiment compatible avec le respect de l’environnement. Il y a des incertitudes".
Ce lundi 5 avril, les analystes et les investisseurs londoniens ont-ils entendu les doutes de leur collègue ? Il faudra attendre pour le savoir, car c'est un jour férié à Londres, siège de la Bourse mondiale des métaux (LME).