En Australie, le Sénat ouvre la voie au référendum qui pourrait doter les Aborigènes d’une “voix” au Parlement

Rencontre entre le Premier ministre Anthony Albanese et les représentants des peuples aborigènes le 30 juillet 2022 au Nord de l'Australie.
D’ici à la fin de l’année 2023, les Australiens devraient se prononcer sur la mise en place d’un organe au sein du Parlement, permettant aux Aborigènes d’être consultés quant aux lois qui auraient un impact sur leurs communautés. Ce lundi, le Sénat a en effet donné son accord à l’organisation d’un référendum.

Ce serait le premier en plus de vingt ans, depuis celui de 1999 sur la transformation de la monarchie en République. Ce lundi 19 juin, le Sénat australien a donné son feu vert à l'organisation d'un référendum historique visant à donner une "voix" au Parlement aux Aborigènes et insulaires du détroit de Torrès. Projet qui divise le pays. La loi soumise aux élus a été approuvée par 52 voix contre dix-neuf, sur fond d’applaudissements.

"Très émue"

Elle va permettre au Premier ministre travailliste Anthony Albanese de fixer prochainement une date pour le référendum visant à réviser la Constitution dans ce but. Un scrutin qui doit avoir lieu dans deux à six mois. L’actuel gouvernement estime que les Australiens ont la possibilité de rattraper des siècles d'injustice à l'égard des Aborigènes et de leur donner une voix dans le processus décisionnel. Le référendum sera un moment décisif pour le pays, a estimé la ministre des Australiens autochtones, Linda Burney, une dirigeante aborigène. "Je me sens très émue", a-t-elle déclaré à la chaîne ABC.

Environ 900 000 personnes concernées

Si le projet est adopté, les Aborigènes australiens, dont les ancêtres vivent sur le continent depuis au moins soixante mille ans, auront le droit constitutionnel d'être consultés par le gouvernement à propos des lois ayant un impact sur leurs communautés. Les quelque 900 000 personnes qui s'identifient comme Aborigènes, sur les 25 millions d'habitants que compte l'Australie, seront représentés par le biais d'un organe consultatif au Parlement.

"Organe consultatif impuissant"

Mais le débat sur la "Voix au Parlement" est devenu de plus en plus acrimonieux, le chef de l'opposition conservatrice, Peter Dutton, dénonçant une division du pays selon des critères raciaux. "Cela aura un effet orwellien où tous les Australiens sont égaux, mais où certains Australiens sont plus égaux que d'autres", a-t-il déclaré en début d'année. Le projet ne fait pas non plus l'unanimité parmi les Australiens aborigènes. Pour la sénatrice indépendante Lidia Thorpe, éminente militante autochtone, il s'agit seulement de créer un "organe consultatif impuissant". "C'est de cela qu'il s'agit: apaiser la culpabilité des Blancs dans ce pays", a-t-elle déploré lundi.

Sondages

Pendant plus d'un siècle, les Aborigènes n'ont pas été considérés comme des citoyens à part entière et, bien que leurs droits soient désormais inscrits dans la loi, de profondes inégalités subsistent. Cette minorité est confrontée à des conditions de vie plus difficiles, avec un moindre accès aux soins et à l'éducation, une espérance de vie plus faible, des salaires plus bas et un taux d'incarcération élevé. Alors que les premiers sondages prédisaient que la plupart des Australiens voteraient en faveur du projet, des enquêtes récentes montrent une diminution du soutien à mesure que le débat politique s'envenime.