Il y a 40 ans, Eloi Machoro brisait une urne : retour sur un geste fondateur et ses échos dans la crise actuelle

Le 18 novembre 1984, une image forte marque à jamais l’histoire politique de la Nouvelle-Calédonie. Eloi Machoro, alors secrétaire général de l’Union Calédonienne, brise une urne électorale d’un coup de hache à la mairie de Canala. À l’intérieur, 300 bulletins de vote symbolisent, selon les uns, une démocratie bafouée, et selon les autres, une lutte légitime contre un système perçu comme injuste.

Ce geste emblématique s’inscrit dans le boycott actif des élections territoriales organisé par le FLNKS, tout juste fondé quelques semaines plus tôt, le 24 septembre 1984. Derrière cet acte, une revendication majeure : la limitation du corps électoral calédonien aux Kanak et aux "victimes de l’Histoire". Cette demande, portée lors des négociations de Nainville-les-Roches en 1983, n’a pas été retenue dans le statut Lemoine présenté l’année suivante par l’État français.

Le boycott, acte fondateur des "Événements"

Les répercussions de ce geste vont bien au-delà de l’image. Le FLNKS lance une campagne d’actions coordonnées : occupation des mairies, blocage des bureaux de vote, manifestations et barrages routiers. Résultat, les élections enregistrent un taux global d’abstention de 42,5 %, avec une mobilisation particulièrement forte sur la Côte Est et dans les îles. Ce boycott marque le début de ce qu’on appellera plus tard les "Événements", période de tensions et de violences qui durera près d’une décennie.

Un symbole qui résonne encore aujourd’hui

Quarante ans plus tard, la question du corps électoral continue de diviser. Les similitudes avec la situation actuelle sont frappantes. Le 4 avril dernier, l’Union Calédonienne, lors d’une conférence de presse, a ravivé ce symbole en plantant une hache sur une urne pour annoncer une marche organisée par la CCAT et évoquer un potentiel boycott des élections provinciales. Quelques semaines plus tard, la Nouvelle-Calédonie s’enlisait dans une nouvelle crise politique.

L’histoire semble se répéter. Ce geste fondateur de 1984, qui avait marqué le début d’un soulèvement majeur, trouve encore un écho puissant dans les débats et mobilisations contemporains. Une preuve, s’il en fallait, que la question du corps électoral reste un enjeu clé dans la quête d’une solution durable pour l’avenir de la Nouvelle-Calédonie.

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>>>> Retrouvez le numéro "Un pays en guerre" de "Les chemins de l'histoire" consacré à cet épisode.