Une vidéo en ligne montrant un néonazi menacer une sénatrice aborigène a suscité l'indignation, y compris au sein du gouvernement, jeudi en Australie, neuf jours avant un référendum historique sur les droits des peuples autochtones.
La sénatrice Lidia Thorpe, une indépendante, a reproché au Premier ministre, Anthony Albanese, et à la police de ne pas l'avoir protégée et a refusé de se laisser intimider. "Je ne me cacherai pas pendant les neuf prochains jours", a-t-elle déclaré lors d'une conférence de presse. "Vous allez avoir de mes nouvelles et vous allez me voir, je n'ai pas peur."
Salut nazi et propos racistes
Des médias australiens ont diffusé des extraits de la vidéo qui montrent un homme vêtu d'une cagoule noire brûlant un drapeau aborigène. Il y fait un salut nazi et tient des propos racistes menaçant la sénatrice, selon les médias.
Clare O'Neil, ministre australienne de l'Intérieur, a qualifié la vidéo d'"odieuse" et accusé des groupes radicaux d'utiliser le référendum pour enflammer leurs partisans. Le Premier ministre a confirmé avoir vu la vidéo. "Une fois que vous la voyez, vous ne pouvez pas l'oublier. C'est horrible que quelqu'un qui se déclare, par ses actes et ses paroles, néonazi, fasse preuve d'un tel manque de respect", a-t-il déclaré.
Référendum le 14 octobre
Les Australiens voteront le 14 octobre par référendum sur une réforme qui propose de reconnaître dans la Constitution les peuples autochtones comme les premiers habitants du continent et créerait un cadre permettant à ces peuples de se prononcer au Parlement sur les lois qui les concernent.
Lidia Thorpe s'oppose à la réforme, affirmant qu'elle aura peu d'impact, et a exhorté le gouvernement à agir d'abord pour résoudre les inégalités telles que le nombre élevé de décès d'Aborigènes en détention.
Les derniers sondages indiquent que le soutien au référendum a chuté au cours de l'année écoulée, pour atteindre quelque 40% de l’électorat. La police fédérale australienne a déclaré avoir été informée mardi de la publication de la vidéo sur X (ex-Twitter) et avoir contacté la plateforme pour la faire supprimer. La police enquête et "aucun autre commentaire ne sera fait à ce stade", a déclaré un porte-parole.
Les signalements pour racisme visant les Aborigènes ont augmenté de façon significative depuis juillet, selon Chris Cunneen, professeur de criminologie à l'Université de Technologie de Sydney, qui dirige un projet sur ces incidents.
Les experts de l'ONU appellent à voter oui
De son côté, le rapporteur spécial de l'ONU sur les droits des peuples autochtones a appelé jeudi les Australiens à se prononcer, lors du référendum du 14 octobre.
"Les peuples premiers d'Australie ont le droit conformément aux lois internationales sur les droits de l'homme de participer aux prises de décision qui les concernent".
Le rapporteur spécial du Conseil des droits de l'homme des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, Jose Francisco Cali Tzay, et le rapporteur spécial sur le droit au développement, Surya Deva.
En votant "oui", les "Australiens aideront le gouvernement à remplir ses obligations concernant les droits de l'homme", ont souligné les rapporteurs.
Le référendum du 14 octobre porte sur une proposition, appelée "La Voix", qui donnerait également aux Aborigènes et aux autochtones du détroit de Torrès le droit d'être consultés au Parlement sur les politiques qui les concernent. L'initiative ouvrira la voie pour surmonter "la discrimination systémique et les inégalités qui ont compromis la capacité des Peuples indigènes à concrétiser leur droit au développement et à l'autodétermination", ont écrit les experts. Les rapporteurs spéciaux sont des experts indépendants non rémunérés mandatés par le Conseil des droits de l'homme de l'ONU. Ils ne s'expriment pas au nom de l'ONU mais lui remettent leurs conclusions.
Pauvreté et problèmes sociaux
Selon les deux experts, les peuples autochtones présentent un taux plus élevé de morbidité et une espérance de vie plus basse en raison d'un manque d'accès aux services de soin, à des logements décents et une alimentation correcte, un faible niveau d'instruction et peu de possibilités d'embauche entraînant pauvreté et problèmes sociaux.
Les partisans de la proposition de réforme constitutionnelle soutiennent que la création d'un corps constitutionnel permanent d'Aborigènes et de peuples autochtones pour conseiller Canberra aiderait à élaborer des politiques qui fonctionnent. Les opposants affirment que la réforme entraînera un surcroît de bureaucratie inutile, et qu'elle accordera des privilèges spéciaux aux peuples autochtones sans faire grand-chose pour améliorer leur sort.