Infractions sexuelles : la loi encore méconnue

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Main sur les fesses ou sous la jupe, baiser forcé, messages sexuels répétés... Ces situations sont bien souvent banalisées dans la sphère publique. Et pourtant : les infractions à caractère sexuel sont punies par la justice, comme l’a rappelé l’actualité de ces dernières semaines.

Le sujet a fait récemment les gros titres de l’actualité locale et internationale. Lors de la Coupe du Monde féminine de football, tout d’abord, avec le scandale du baiser forcé du président de la Fédération de foot espagnole sur l’une des joueuses. Ou encore en Nouvelle-Calédonie, avec la plainte déposée par une hôtesse de l’air pour agression sexuelle contre l’élu au Congrès Jean Creugnet.

Largement relayées sur les réseaux sociaux, ces informations ont permis de rappeler au grand public la gravité de ces violences sexuelles, souvent banalisées dans l’inconscient collectif.


Cinq à sept ans de prison pour une agression sexuelle 

Par agressions sexuelles, la loi entend le fait de toucher, sans consentement, la bouche, les seins, le sexe, les fesses ou les cuisses. Et les peines associées sont loin d’être anecdotiques, rappelle Yves Dupas, le procureur de la République. "Le délit d’agression sexuelle est puni de la peine de cinq ans d’emprisonnement, ainsi que d’une amende de près de 9 millions de francs."

Mais il existe aussi des circonstances aggravantes. "Lorsque l’auteur a commis ces faits en abusant de l’autorité conférée par ses fonctions, un supérieur hiérarchique, un encadrant sportif ou culturel, la peine est de sept ans de prison et d’environ 12 millions de francs d’amende."


Jusqu’à 20 ans de prison pour un viol

Me Ophélie Despujols accompagne souvent les victimes d’agression sexuelle ou de viol. Code pénal à l’appui, l’avocate précise que l’agression sexuelle "est une atteinte commise avec violence, contrainte, menace ou surprise sur une personne". "Ce qui implique donc un contact physique, qui n’est pas consenti par la personne qui le subit, et il faut que ce contact physique ait un caractère sexuel", indique l'avocate. 

Concernant le viol, ce n’est plus un délit mais un crime. Il relève de la plus haute juridiction : la cour d’assises. Pour qualifier des faits de "viol", "il faut qu’il y ait un acte de pénétration", précise Maître Despujols. "Cela peut être plusieurs types de pénétration : buccale, digitale [anale, également]… Le fait d’introduire des doigts dans le sexe, c’est un viol, ce n’est pas une agression sexuelle."

Les peines peuvent aller de 15 à 20 ans de prison, en fonction de la présence ou non de circonstances aggravantes. Une peine à laquelle s’ajoute de l’inéligibilité, une perte des droits civiques, l’inscription obligatoire sur le Fijais, le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes. Le viol sera inscrit au casier judiciaire du criminel à vie.

Des victimes découvrent que le geste qu’elles pouvaient subir dans les cuisines d’un restaurant, dans un atelier, ce sont des gestes qualifiés par la loi d’agressions sexuelles. Ce sont des faits graves.

Yves Dupas, procureur


Des victimes souvent peu informées

Quant au harcèlement sexuel, c’est-à-dire un comportement ou des propos sexuels répétés, la loi prévoit une amende d’environ 3,5 millions de francs et 2 ans de prison. Voire 3 ans de prison, lorsque les faits sont commis par une personne abusant de son autorité. 

Or, ces infractions punies pas la loi sont souvent méconnues. "On le voit très souvent : des victimes découvrent que le geste qu’elles pouvaient subir dans les cuisines d’un restaurant, dans un atelier, ce sont des gestes qualifiés par la loi d’agressions sexuelles. Et donc, ce sont des faits graves."


Nommer les infractions avec les termes adaptés

Lutter contre la banalisation des violences sexistes et sexuelles, c’est aussi la mission des institutions, notamment quand elles produisent des rapports ou quand elles font de la prévention. A l'image de l'Institut de la statistique et des études économiques, qui emploie l'éuphémisme "gestes déplacés" dans son étude Cadre de vie et sécurité. Ou encore l'Agence sanitaire et sociale de Nouvelle-Calédonie qui évoque le terme de "rapport forcé" dans son baromètre santé adultes 2021-2022, sans jamais rappeler qu'il s'agit en réalité d'un viol.

Capture d'écran du baromètre santé adultes

Baromètre santé adultes 2021-2022 en Nouvelle-Calédonie.

Il ne faut pas employer des mots qui pourraient donner l’impression que ce n’est pas grave. Un rapport sexuel forcé, c’est un viol.

Joane Païdi

responsable du Cidfe


Autre exemple : cette campagne contre les violences sexuelles, qui a valu à l'Agence sanitaire et sociale de nombreux commentaires critiques. Ici, l'agresseur est une femme, alors que les mis en cause de violences sexuelles sont à 97 % des hommes, selon le bilan "insécurité et délinquance" 2022 du ministère de l'Intérieur. 


Campagne de l'Agence sanitaire et sociale de Nouvelle-Calédonie sur Instagram


Pour Joane Païdi, responsable du Centre d’information droits des femmes et égalité de la province Sud : "On a tous un rôle, et pas uniquement la justice.
Que ce soit les acteurs de santé, les acteurs de l’éducation… Il ne faut pas employer des mots qui pourraient donner l’impression que ce n’est pas grave. Un rapport sexuel forcé, c’est un viol. On ne peut pas non plus se dire que c’est juste un geste déplacé que d’embrasser par surprise quelqu’un, une femme notamment. Cela s’appelle une agression sexuelle."


Menace, surprise, emprise psychologique

Le Cidfe rappelle que la différence entre un rapport sexuel et une agression sexuelle, c’est le consentement. Et attention, qui dit violence sexuelle ne dit pas forcément contrainte physique.  

“Un viol peut (aussi) se faire sous la menace, par surprise ou dans le cadre d’une emprise psychologique, détaille Joane Païdi. Un exemple très concret qui nous est souvent rapporté, c’est le rapport sexuel qui est réalisé alors que la personne dort. Ça s’appelle un viol."

Car contrairement aux idées reçues, ce n’est pas parce que la victime n’a pas dit "non" qu’elle est consentante. “Le consentement, c’est dire 'oui'. A tout moment, dès lors qu’on ne dit pas 'oui', c’est peut-être 'non'."

Cliquez sur l'infograhie pour connaître la définition de chaque infraction et la sancion encourue.