INTERVIEW. Armonie Konhu, porte-drapeau aux Jeux du Pacifique : "c'est très émouvant et je pense que ça va l'être encore plus lors de la cérémonie d'ouverture"

Habituée des Jeux du Pacifique, cette année, elle sera en compétition mais aussi porte-drapeau.
Plus que quelques jours avant le départ pour les îles Salomon. Armonie Konhu, volleyeuse et compétitrice dans l'âme, n'en revient toujours pas d'avoir été choisie pour être un porte-drapeau de la Nouvelle-Calédonie.

En 2019, elle faisait déjà partie de la sélection calédonienne, aux Jeux de Samoa. Une édition remportée par la Nouvelle-Calédonie. Sportive et compétitrice dans l'âme, Armonie Konhu portera fièrement les couleurs de son île, lors des cérémonies d'ouverture et de clôture. Elle s'est livrée à Martin Charmasson, sur son parcours et son ressenti. 

NC la 1ère : Avant de parler des Jeux du Pacifique, à quand remonte cette passion pour le volley ? Est ce que vous avez tout de suite accroché avec ce sport ?

Armonie Konhu : Ça remonte à l'enfance. Ma mère était volleyeuse. On a toujours joué. On a toujours eu un filet de volley à la maison et nos parents, à ma soeur et moi, étant très sportifs, on a pratiqué de manière ludique le volley-ball à la maison. J'ai tout de suite accroché. A l'île des Pins, les principaux sports d'EPS, ce sont le volley, le football ou de l'athlétisme. En tribu, tout le monde joue.


Vous avez donc commencé à jouer à l'île des Pins. Comment cela s'est passé pour vous ?
A.K : J'ai intégré les regroupements provinciaux en 2001. J'étais au collège à Nouméa et c'est là que j'ai vraiment commencé à pratiquer le sport en club. Avant, j'étais trop jeune - j'avais un an d'avance sur les autres- pour jouer dans les catégories. J'étais arbitre en UNSS, je regardais les copines jouer et c'est sur Nouméa que j'ai pu faire les inter-provinciales.


Vous étiez jeune quand vous êtes partie dans l'Hexagone. Comment cela s'est décidé ?
A.K : On était cinq, trois filles et deux garçons, à partir lors des détections nationales pour ensuite pouvoir intégrer les pôles espoirs. On est partis en juillet 2003 à Toulouse. Les filles ont été retenues et j'ai eu de la chance d'avoir des parents qui ont soutenu mon choix. Quand je suis revenue après, j'ai dit que je voulais repartir et mes parents n'ont pas hésité à faire les démarches, chose que toutes les filles n'ont pas eu. 

Ce n'est pas évident de partir à 15 ans. Vous vous sentiez déjà prête ?
A.K : J'étais déterminée ! J'avais envie de partir et je ne me suis pas posée de questions. J'avais envie de vivre ma passion à fond et j'ai eu cette opportunité-là. J'ai eu la chance de pouvoir intégrer le pôle espoirs de Watigny, j'avais le cousin de mon père qui était là-bas et je le remercie. La période la plus dure, c'était le premier hiver. Le passer avec la famille a fait que j'ai pu tenir le coup une année et après, les années se répètent. On passe l'hiver et les fêtes loin de la famille. Mais après, j'ai eu la chance de pouvoir revenir tous les étés en Calédonie pour me ressourcer.

C'est donc le début pour vous d'une belle carrière en Métropole. Pouvez-vous nous emmener à travers ce parcours ?
A.K : J'ai donc commencé au pôle espoirs de Watigny, je jouais en national 3 à l'époque. Ma sœur m'a ensuite suivie l'année suivante. Elle avait été détectée aussi et on a intégré ensemble le pôle espoirs de Châtenay-Malabry. On a fait un bout de chemin ensemble, on a joué à Le Plessis-Robinson en national 2. Ensuite, le club de Quimper m'a recrutée. À l'époque, l'entraîneur était Yves-Marie Quiniou, qui nous avait rencontrées en 2007 à nos premiers Jeux du Pacifique à Apia ; c'est lui qui m'a recrutée en tant que passeuse à Quimper.

Qu'est-ce-que ça vous a fait de découvrir le monde professionnel au plus haut niveau ?
A.K : Je l'ai pris sans pression parce que j'avais la chance de pouvoir poursuivre mes études; j'ai fait un DUT. Ce n'était pas une grande ville, ce n'était pas la campagne mais on était très très bien encadrés avec des entraînements midis et soirs, tous les jours, c'était la continuité de ce que l'on faisait au pôle. C'était une très très belle expérience.

Après Quimper, que s'est-il passé?
A.K : J'ai obtenu mon DUT, j'ai mis la priorité sur mes études. J'ai choisi ma licence et en fonction, j'ai choisi le club dans lequel j'allais évoluer. Je suis partie à Poitiers pour une licence professionnelle, j'ai rejoint des Calédoniennes qui étaient déjà là-bas. L'année suivante, on a essayé de préparer au mieux les Jeux du Pacifique, en 2011. Nous, en France, on évoluait en élite. On était en haut du tableau. On voulait se regrouper pour pouvoir rivaliser avec Tahiti et avoir un haut niveau pour représenter au mieux notre pays.

Justement, vous avez représenté la Nouvelle-Calédonie à plusieurs reprises aux Jeux du Pacifique. Qu'est-ce que ça signifie pour vous ?
A.K : Je suis une compétitrice dans l'âme donc c'est l'aboutissement d'un travail sur quatre ans, de sacrifices familiaux. Nos parents ont toujours subvenu à nos besoins et ils savent à quel point c'était couteux de réaliser le rêve de leurs enfants. Je suis super reconnaissante.

Représenter le pays, c'est une immense fierté, et une opportunité pour nous, aussi, femmes mélanésiennes, de pousser les jeunes, se dire que si elles peuvent le faire, on peut le faire aussi. Je suis l'aînée de ma famille. J'ai toujours dû montrer l'exemple et c'était une manière, à travers le sport dans lequel on était à l'aise depuis l'enfance, de pouvoir apporter sa pierre à la construction du pays. 

Être porte-drapeau, c'est encore autre chose qu'être athlète...
A.K : C'est une immense fierté et un honneur d'avoir été choisie cette année. Je n'arrive toujours pas à réaliser. Quand je m'en rends compte, je pense à tous les sacrifices, à toutes les personnes qui nous ont toujours soutenues. C'est déjà très émouvant et je pense que ça va l'être encore plus lors de la cérémonie d'ouverture.

Lors des derniers jeux, vous avez remporté la médaille d'or et ça n'avait pas été remporté chez les femmes depuis 1975. Comment avez-vous vécu ce moment-là ?
A.K : Je n'ai fait que pleurer ! Pour l'histoire, on est entrées en compétition seulement la deuxième semaine. Il y a des filles de France qui sont venues directement à Tontouta, on a rencontré trois filles et au fur et à mesure des entraînements, on a senti l'énergie et le potentiel. Chacune avait son rôle dans l'équipe et la mayonnaise commençait à prendre.

Un jeudi, à la sortie d'un entraînement, ma mère était là et avec ma sœur, on se disait qu'il allait se passer quelque chose parce que l'entraînement avait été d'une grande qualité. On a ensuite rencontré Tahiti, qu'on a battu 3-0. C'était du jamais vu et personne ne nous attendait à ce niveau-là de la compétition. On s'est dit, la machine est en marche, plus rien ne peut nous arrêter. On avait une dynamique de groupe et on savait que les Jeux seraient pour nous. 95 % des effectifs sont des filles qui sont passées par les pôles. On s'est dit quinze ans en Métropole... Pour ça, ça vaut le coup.

Aujourd'hui, vous faites du basket, vous avez joué au cricket pendant plusieurs années… qu'est ce qui vous plaît dans le fait de pratiquer tous ces sports ? 
A.K : J'aime les rencontres. Je dis toujours que je ne fais pas du sport pour m'entretenir, je suis une compétitrice. Le basket, je l'ai découvert récemment et le cricket, je le mets au-dessus de tous les sports car pour moi, c'est un sport inter-générationnel. J'avais treize ans quand j'ai commencé, je jouais avec mes grands-mères, mes tantes... C'est l'énergie et toute la combativité de chacune au service du collectif qui fait qu'on se bat pour l'autre. Ce sont tous les souvenirs que l'on crée qui rendent les matchs encore plus forts.

Le reportage de Martin Charmasson et Franck Vergès

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