Élu à la tête de l’Union calédonienne (UC) après 12 ans de présidence de Daniel Goa, Emmanuel Tjibaou affiche sa volonté de renouveler le fonctionnement du parti historique indépendantiste. Il revient sur ses priorités, la restructuration interne du mouvement et sa vision pour l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie.
NC la 1ère : Vous venez d’être élu président de l’Union calédonienne. Quelles sont vos priorités pour ce mandat ?
Emmanuel Tjibaou : Tout d’abord, je tiens à remercier les délégués qui se sont mobilisés pour ce congrès. Nos priorités sont multiples, mais la première, c’est de mieux faire connaître notre projet. Nous sommes implantés dans presque toutes les communes et provinces, et nous devons renforcer notre organisation interne et notre communication. Plus que tout, nous devons être à l’écoute des structures du parti et des aspirations des militants.
Vous estimez que l’UC manquait d’écoute ces dernières années ?
E.T. : Oui, je le pense. En langue kanak, comme en français, il y a une nuance entre entendre et écouter. Être à l’écoute, c’est traduire en actes les demandes de changement, comprendre les dysfonctionnements et apporter des corrections. Les événements du 13 mai ont marqué tout le monde — structures, familles, entreprises. Il est crucial aujourd’hui de dynamiser notre organisation et de répondre aux aspirations exprimées.
Comment cette volonté d’écoute et de renouvellement va-t-elle se traduire concrètement ?
E.T. : Lors du congrès à la tribu de Mia, à Canala, nous avons posé des diagnostics sur nos forces et nos faiblesses. La nouvelle équipe devra porter ces transformations en interne et avancer sur des méthodes pour remettre l'UC dans la course au niveau des discussions. Nous allons clarifier nos positions, notamment sur les négociations institutionnelles, et structurer le parti pour gagner en cohérence et en lisibilité. Un gros travail de communication est également nécessaire pour reconnecter avec nos bases.
À l’issue de ce congrès, vous êtes donc élu président. Dominique Fochi reste secrétaire général, et Christian Tein commissaire général du parti. Quelle est la place de la CCAT, qui semble incarner un courant peut-être moins modéré que le vôtre ?
E. T. : L’histoire de la modération ou des gens considérés comme un peu plus radicaux, ce sont des appréciations personnelles. Le caractère de chacun influe évidemment sur la gestion d’un parti, mais cela ne remet pas en cause notre détermination commune. L’Union calédonienne est un parti avec une devise forte : "Deux couleurs, un seul peuple". Nous portons des valeurs inclusives et nous avons toujours mis en avant l’unité. Aux dernières législatives, j'ai fait campagne sur ces valeurs-là.
La CCAT (Cellule de coordination des actions de terrain) reste un outil important, notamment pour mobiliser nos militants sur le terrain. Mais elle doit être encadrée et ses objectifs clarifiés. Il n’y a aucune motion politique au sein de l’UC qui prône la violence comme un moyen pour atteindre nos objectifs, comme nous pouvons l'entendre sur les réseaux sociaux ou les médias. Si des débordements ont eu lieu, la justice fera son travail. Certains responsables de l'Union Calédonienne ont été emprisonnés, il faut respecter la présomption d’innocence. Nous cherchons aussi des clarifications de notre côté.
La CCAT créée, l'année dernière, à l'issue du congrès de l’île des Pins, et les associations, comme Jeunesse Kanaky-monde, jouent un rôle essentiel pour animer et structurer nos actions. L’objectif est de mobiliser toutes les structures locales tout en leur donnant des outils clairs pour porter nos valeurs.
À l’approche des élections provinciales de 2025, quelle sera la position de l’UC dans les discussions institutionnelles ?
E.T. : Notre objectif reste inchangé : l’accès à la pleine souveraineté. Mais nous savons que cela nécessite des discussions approfondies et partagées. Nous avons soutenu le report des élections provinciales pour laisser le temps au dialogue et à l’élaboration d’un accord. Ce report a été validé par l’Assemblée nationale et le Sénat.
Nous irons à la table des discussions avec un "panier de négociations". Ce panier inclut des éléments fondamentaux : des discussions sur les modalités de la pleine souveraineté, mais aussi des engagements concrets pour stabiliser notre économie. Nous ne pouvons pas négocier "le ventre vide".
Nous voulons obtenir un accord avant les élections provinciales pour avancer sur la marche vers la souveraineté.