INTERVIEW. "Profession en perdition" : le syndicat des sages-femmes tire la sonnette d'alarme sur leur situation

Le syndicat des sages-femmes de Nouvelle-Calédonie en grève le 6 mai 2024
Dans un communiqué daté du 28 octobre, le syndicat des sages-femmes de Nouvelle-Calédonie lance un cri d'alarme. Selon Valérie Lescroart, présidente du syndicat, la profession est "en perdition". Invitée de la matinale NC la 1ère ce mardi 29 octobre, elle a alerté sur l'appauvrissement de la profession.

Nouvelle-Calédonie la 1ère : D’abord un point sur l’état des lieux. On sait que les départ en général sont nombreux. Est-ce que c’est le cas aussi pour les sages-femmes ?

Valérie Lescroart : Au niveau des dispensaires, on constate que le Nord est plus particulièrement touché.

Il n'y a plus de sages-femmes à Ouégoa, Pouébo, Hienghène, Touho ; ni au Centre hospitalier Nord (CHN), à Poindimié et à Koumac.

Valérie Lescroart, présidente du syndicat des sages-femmes

Au niveau des centres médicaux sociaux de la province Nord, c'est compliqué. La plupart restent fermés, jours et nuits, en raison de l'absence de médécins. Pour la prise en charge des soins et des urgences, cela reste très compliqué. 

En ce moment, dans le Nord, pour consulter une sage-femme, où faut-il aller ?

V.L. : Sur la côte Est, il reste seulement une sage-femme libérale. Sinon, les patients vont à Koné car au-dessus, il n'y a plus personne. 

Et dans le Sud et les Îles ?

V.L. : Dans le Sud, il n'y a plus personne à Thio. Dans les Îles, la situation se maintient concernant les sages-femmes.

Quelles sont les conséquences sur la périnatalité, c'est-à-dire les soins délivrés aux mères et aux enfants ? Est-ce que l'on constate un manque de suivi ? Que se passe-t-il ?

V.L. : Le secteur libéral est également atteint. Il y a des cabinets qui ont fermé sur Nouméa et en brousse. On voit un retard de soins. Les patientes n'ont pas toujours les moyens car il y a aussi des retards de prise en charge par rapport aux aides médicales. Il est sûr que pour ces endroits, la santé des patients se détériore. C'est une certitude. On est bien placés pour observer que ces familles ont perdu leurs emplois, qu'ils n'ont plus les moyens de subvenir aux besoins de leurs enfants. 

Quel est le premier pas à faire pour sauver à la fois la profession et la périnatalité en danger ?

V.L. : Si on n'avait pas besoin de faire créance pour les aides médicales, cela nous donnerait les moyens de pouvoir travailler correctement. On attend parfois d'être payés depuis la fin de l'année dernière. Pour les cabinets, cela est déjà difficile à assumer. Et pour les patients, la prise en charge des aides médicales, c'est également très compliqué. Il y a beaucoup de refus de soins des patientes, qui sont pourtant très impliquées dans leur suivi. Elles ne peuvent plus aller faire les prises de sang qu'on leur a prescrites, ni même aller chercher les vaccins pour les bébés.

Sans reconnaissance de la profession, il est difficile d'inciter les sages-femmes à rester sur le territoire. 

C'est compliqué pour nous de rester sur du long terme dans une profession où l'on se sent maltraités.

Valérie Lescroart, présidente du syndicat des sages-femmes

Pensez-vous vous reconvertir ? Pensez-vous partir ?

V.L. : Moi, pour l'instant, je tiens le coup. Mais on a fait un sondage avec les collègues, la moitié s'interroge sur prendre une décision d'ici la fin de l'année pour rester ou partir.

Sur les quatre cabinets libéraux qui ont fermé, c'est interpellant de voir qu'il y deux sages-femmes sur quatre qui cherchent à se reconvertir dans une autre profession même si elles ne partent pas du territoire car elles sont excédées de travailler dans ces conditions-là. 

Valérie Lescroart, présidente du syndicat des sages-femmes

Y'a-t-il une action de prévue ? Y'a-t-il un rendez-vous avec les autorités de pris ?

V.L. : Il n'y a rien de prévu au vu de la situation actuelle en Nouvelle-Calédonie. Il est compliqué d'organiser des manifestations. Le membre du gouvernement en charge des finances et de la santé, Yannick Slamet, et les autorités connaissent très bien la situation.

On espère que la CAFAT prenne conscience de la situation car elle continue de nous envoyer des retours de facturation, de nous demander des sommes à rembourser de soins de 2022, qui seraient finalement plus pris en charge aujourd'hui. On a des collègues qui galèrent à payer le RUAMM, etc. Là, clairement, je pense que ce n'est pas le moment de faire cela. Le message que la CAFAT envoie à nos collègues, c'est encore plus de la maltraitance administrative. S'ils veulent que tout le monde parte, je pense qu'ils ne peuvent pas faire mieux.