La Calédonie et le nickel 4/4 : le royaume sans pitié des traders

Le nickel, de l’extraction à la transformation, ne cesse d’animer la vie de la Nouvelle-Calédonie. Cette semaine NC la 1ère vous propose une série de dossiers sur le « métal du diable » et ses acteurs calédoniens. 4e volet : les multinationales.

Quel est, pour ses détracteurs, le péché originel de Trafigura, trader franco-suisse, partenaire du projet de rachat de l’usine du Sud porté par Prony Resources ?

D’entrée Raphaël Mapou, l’a dépeint comme une de ces multinationales sans foi ni loi, citant avec raison le scandale du Probo Koala en 2006. Des déchets toxiques déversés dans une banlieue d’Abidjan en Côte-d’Ivoire avait provoqué la mort de 17 riverains et l’intoxication sévère de 10 000 autres.

Scandales en série pour Trafigura

En cherchant plus loin, le patron de l’Ican aurait pu aussi dénoncer le scandale des pots-de-vin avec la compagnie pétrolière brésilienne Pétrobras (2011-2014). Y ajouter les accusations de fraude dans le programme américain «  Pétrole contre nourriture » en Irak, de corruption en Jamaïque en Angola ou ailleurs.


Un bien triste passif pour cette société genevoise devenue un géant mondial du négoce, qui préfère évoquer son assise dans les milieux financiers : « Nous allons pouvoir permettre de donner la meilleure valeur à la production de la mine, en étendant et en élargissant ses clients potentiels. C’est notre valeur ajoutée première », explique ainsi Christophe Salmon, directeur financier du groupe Trafigura.

 

Trafigura a été fondée par d’anciens collaborateurs de Glencore dont elle est une sorte de copié-collé. Un géant qui pèse presque aussi lourd financièrement que son concurrent : 171 milliards de dollars contre 215 pour l’associé de KNS. Respectivement 15 et 18 fois le PIB de la Nouvelle Calédonie.

 

Glencore navigue en eaux troubles

Pour ce qui est des antécédents de Glencore, la presse n’est pas non plus avare de manchettes. L’entreprise ferait passer, selon un quotidien suisse, Exxon, Total ou Trafigura pour de gentilles multinationales. Glencore est en effet accusé de malversation au Congo, de pillage des ressources minières, d’évasion fiscale en Zambie, de corruption et de violations graves des droits de l’homme en Amérique du Sud.

 

Un rapport de force inégal

Alors pour le spécialiste du nickel Dominique Nacci, la Calédonie ne lutte pas à armes égales avec les deux géants : «  A partir du moment où ce sont eux qui financent la quasi intégralité des projets et à partir du moment où ils assument les risques, il ne faut pas s’attendre à ce que la Nouvelle-Calédonie puisse retirer 51% des profits. Je pense que la prétendue lutte pour l’indépendance, n’est qu’une forme hybride de dépendance à l’égard des multinationales », lance-t-il.

A partir du moment où ce sont eux qui financent la quasi intégralité des projets et à partir du moment où ils assument les risques, il ne faut pas s’attendre à ce que la Nouvelle-Calédonie puisse retirer 51% des profits.

Dominique Nacci


L’intérêt de Trafigura pour le nickel calédonien après ses investissements industriels en Finlande et à Cuba prouve que les traders n’hésitent pas à miser sur la métallurgie. Comme Glencore à l’origine dans le négoce et le courtage a pu le faire en fusionnant avec Xstrata en 2013. Preuve certainement que la branche nickel a de beaux fruits à offrir à ces multinationales.