La Calédonie peut-elle gagner la lutte contre la vie chère ?

L’Autorité de la concurrence vient de rendre un avis sur la structure des prix des produits de grande consommation en Nouvelle-Calédonie. Les experts ont analysé les mécanismes des prix de ces produits. La vie est beaucoup plus chère qu'en Métropole, et il y a des solutions. 

Les coûts à l'importation

En ce qui concerne l’importation, s’il y a des causes légitimes à des prix plus chers qu’en Métropole comme l’insularité ou la petitesse des marchés, il existe des leviers d’action pour diminuer les écarts de prix. Mais qui gagne quoi sur les produits importés ? et quels sont les coûts liés à l’acheminement ou encore à la distribution ? Pour le savoir, l’Autorité de la concurrence a décortiqué les prix pratiqués tout au long de la chaîne.

Ainsi sur un  produit vendu 1000 francs hors TGC en magasin, "le coût d’achat de ce produit n’est que de 480 francs" estime l’Autorité de la concurrence.

Les frais d’acheminement représentent 12% du prix vente. Les frais engagés par le grossiste ainsi que son profit représentent 20%. Arrivé chez le distributeur, notre produit atteint déjà la somme de 800 francs. Auquel s’ajoutent 199 francs représentant les charges du distributeur, et enfin son gain, 1 franc en moyenne.

Au total, coût d’acheminement, frais et marges représentent donc plus de la moitié du prix payé par le consommateur.

Des frais très importants notamment du fait du grand nombre d’opérateurs impliqués dans le processus d’importation, mais aussi de tarifs parfois excessifs. Ainsi au port de Nouméa, si les tarifs d’accostage, les prestations des transitaires, des commissionnaires en douanes, des transporteurs routiers sont jugés concurrentiels, le constat est tout autre pour la manutention portuaire : les tarifs pratiqués y sont jusqu’à 87 % plus chers que sur d’autres ports comparables de la région.

Retrouvez ici le résumé de l'Autorité de la concurrence.

 

OCEF, fruits et légumes : l’organisation de la production locale est insatisfaisante


L’Autorité de la concurrence constate également que des efforts pourraient être faits sur la production locale de produits de grande consommation, qui bénéficient pour beaucoup de protections de marché.  
 
Ainsi, en ce qui concerne l’OCEF, le monopole légal d’importation de l’office « prive les grossistes et distributeurs calédoniens de la possibilité de négocier directement des prix d’achat plus bas que l’OCEF auprès des fournisseurs étrangers [...] n’est assorti d’aucune obligation pour l’OCEF de procéder à une mise en concurrence de ses fournisseurs étrangers pour garantir des prix d’achat compétitifs»
 
Enfin, estime l’autorité de la concurrence, ce monopole «n’incite pas les éleveurs locaux à améliorer la qualité de leur viande»
 
Concernant la filière fruits et légumes, le rapport estime que le système actuel «contribue à la fixation des prix élevés, voire à des situations de pénuries des fruits et des légumes, en favorisant la collusion entre les principaux producteurs et grossistes ou le développement de comportements opportunistes (destruction volontaire, non-utilisation des quotas d’importation accordés, etc.) »
 

Un recours quasi-systématique aux grossistes-importateurs qui pose question

Selon l’enquête de l’Autorité de la concurrence, les importateurs-grossistes assurent 70 à 80% de l’approvisionnement des grandes surfaces alimentaires. Or, ce recours aux grossistes se traduirait par l’application d’une marge de 20 à 30 % en moyenne s’ajoutant au prix de revient du produit supporté par les distributeurs.

Selon les distributeurs, les services rendus par les grossistes seraient indispensables, mais ils permettraient aussi d’avoir accès à des fournisseurs refusant de vendre directement aux distributeurs, en particulier pour certaines marques emblématiques telles que les biscuits SAO, la mayonnaise Kraft, le whisky Johnny Walker…. Une pratique totalement interdite par la loi.

Le point avec Charlotte Mannevy 


Les propositions de l’Autorité de la concurrence

L’Autorité de la concurrence formule 18 propositions aux autorités calédoniennes qui permettraient, selon elle, de faire baisser les prix des produits de consommation courante.

Parmi celles-ci :

  • La régulation des tarifs dans le secteur de l’acconage (manutention portuaire) ;
  • Supprimer le monopole d’importation de l’OCEF et lui confier un rôle de régulateur de la production locale de viande et de sa commercialisation
  • Instaurer une sanction pécuniaire dissuasive en cas de refus de vente des producteurs ou fournisseurs de produits de grande consommation à l’égard des distributeurs

Aurélie Zoude-Le-Berre, la présidente de l'autorité de la concurrence était l'invitée du journal télévisée de Laurence Pourtau le 3 janvier :  

Qu'en pensent les Calédoniens ?

"Quand on fait nos courses, on regarde absolument les prix parce que la politique tarifaire est incompréhensible. J'en parlais encore avec des amis hier... quand je vois qu'un kilo de poivrons est vendu à 1695 francs et qu'à 200 mètres d'ici [le marché] vous avez un petit épicier, qui le vend à 695 francs, ça fait 1000 francs de différence... on peut se poser la question de savoir comment il fait pour vendre à ce prix-là alors qu'il n'a pas le pouvoir d'achat des distributeurs... c'est effarant" 

"La vie chère ? ça dépend d'où l'on vient. Même les fruits locaux coûtent chers par rapport aux fruits importés. Ensuite, si on vient de Wallis-et-Futuna, c'est une aubaine, on trouve que c'est moins cher"

Retrouvez plus de réactions ici.